15 de março de 2007
GOOGLE, JAM
ten line news
supplément au n° 317 - nouvelle série
Date: jeudi 15 mars 2007
Sélection des listes de l'AMP
Editée sur UQBAR par Luis SOLANO
The Parisian journal, Nouvel Observateur, today celebrates the anniversary of the cult book of Roland Barthes, Mythologies (1957). We offer you, in this supplement to Ten Line News of last Monday, the “essay on Google” of Jacques-Alain Miller.
Cinquante ans après le livre culte de Barthes
Mythologies 2007
La DS, le steak-frites et le visage de Garbo étaient, en 1957, quelques-uns des mythes de la culture de masse analysés par Roland Barthes. Du 4x4 au corps d'Emmanuelle Béart en passant par le sushi, une trentaine d'écrivains, de philosophes, de sociologues dressent la liste des mythologies d'aujourd'hui.
par Jacques-Alain Miller
Google est l'araignée de la Toile. Il y assure une métafonction : celle de savoir où est le savoir. Dieu ne répond pas ; Google, toujours, et tout de suite. On lui adresse un signal sans syntaxe, d'une parcimonie extrême ; un clic, et... bingo ! c'est la cataracte : le blanc ostentatoire de la page se noircit soudain, le vide se renverse en profusion, la concision en logorrhée. A tous les coups l'on gagne.Organisant la Très Grande Quantité, Google obéit à un tropisme totalitaire, glouton et digestif. D'où le projet de scanner tous les livres ; d'où les raids sur toutes les archives : cinéma, télévision, presse ; au-delà, la cible logique de la googleïsation, c'est l'univers entier : le regard omnivoyant parcourt le globe, tout en convoitant les petites unités d'information de tout un chacun. Confie-lui ton fatras documentaire, et il mettra chaque chose à sa place - et toi-même par-dessus le marché, qui ne seras plus, et pour l'éternité, que la somme de tes clics. Google, « Big Brother » ? Comment ne pas y penser ? D'où la nécessité pour lui de poser en axiome sa bonté foncière.Est-il méchant ? Ce qui est sûr, c'est qu'il est bête. Si les réponses foisonnent à l'écran, c'est qu'il comprend de travers. Le signal initial est fait de mots, et un mot n'a pas qu'un seul sens. Or le sens échappe à Google, qui chiffre, mais ne déchiffre pas. C'est le mot dans sa matérialité stupide qu'il mémorise. C'est donc toujours à toi de trouver dans le foin des résultats l'aiguille de ce qui fait sens pour toi.Google serait intelligent si l'on pouvait computer les significations. Mais on ne peut pas. Tel Samson tondu, c'est en aveugle que Google tournera sa meule jusqu'à la fin des temps.
from: [AMP-UQBAR] TLN. Supplément au N° 317
por Jacques-Alain Miller
Google es la araña en la Tela. Asegura una metafunción: la de saber donde está el saber. Dios no responde; Google, siempre, inmediatamente. Le dirigimos una señal sin sintaxis, con una parcimonia extrema; un clic, y...bingo! viene la catarata: el blanco ostentoso de la página se ennegrece súbitamente, el vacío se invierte en profusión, lo conciso en logorrea. Siempre que tiramos ganamos.Organizando la Enorme Cantidad, Google obedece a un tropismo totalitario, glotón y digestivo. De allí el proyecto de escanear a todos los libros; de allí los raids sobre todos los archivos: cine, televisión, prensa; más allá, el blanco lógico de la googleización, es el universo entero: Confíale tu desorden documentario y él pondrá cada cosa en su lugar - y a tí mismo además, que no será ya, y para la eternidad, más que la suma de tus clics. Google, ¿"Big Brother"? ¿Cómo no pensarlo? De allí la necesidad para él de plantear como axioma su bondad profunda. ¿Es malo? Lo que es seguro, es que es necio. Si las respuestas abundan en la pantalla, es porque comprende de través. La señal inicial está hecha de palabras, y una palabra no tiene un solo sentido. Por lo tanto el sentido escapa a Google, que cifre, pero no descifra. Es la palabra en su materialidad estúpida lo que memoriza. Por lo tanto, siempre te toca a tí encontrar en el cúmulo de los resultados la aguja de aquello que produce sentido para tí.Google sería inteligente si pudiéramos computar las significaciones. Pero no podemos. Tal como Sanson rapado, como un ciego que Google girará su rueda hasta el fin de los tiempos.
from: [AMP-UQBAR] TLN. Supplément au N° 317
Traducción: Silvia Baudini
The Parisian journal, Nouvel Observateur, today celebrates the anniversary of the cult book of Roland Barthes, Mythologies (1957). We offer you, in this supplement to Ten Line News of last Monday, the “essay on Google” of Jacques-Alain Miller.
Mythologies 2007
“Fifty years after the cult book of Barthes, Mythologies 2007. The DS, French fires and face of Garbo were, in 1957, some myths of mass culture analyzed by Roland Barthes. From 4 by 4’s to the body of Emmanuelle Béart to sushi, thirty writers, philosophers, and sociologists prepare the list of today’s myths”
Dossier prepare par: Jean-Paul Dubois, Philippe Sollers, François Forestier, Aude Lancelin, Jérôme Garcin, Frédéric Vitoux, Jacques Drillon, Fabrice Pliskin
Le Nouvel Observateur
By Jacques-Alain Miller
Google is the spider of the Web. It assures in it a metafunction: that of knowing where knowledge is. God doesn’t reply; Google, always, and immediately. One sends it a signal without syntax, very parsimonious: a click, and . . . bingo! It is the cataract: the ostentatious white of the page blackens suddenly, the void is overturned by an onslaught, succinctness becomes logorrhea. Everyone’s a winner.
Organizing the Very Big Quantity, Google obeys a totalitarian tropism, voracious and digestive. Thus the project of scanning all the books; thus the raids on all the archives: cinema, television, the press; beyond that, the logical target of googlization is the entire universe: the all-seeing gaze skims through the world, desiring everybody’s little units of information. Share with it your varied bits of documentation, and it will put everything in its place—and you yourself. Through this exchange, you will no longer be, for eternity, any more than the sum of your clics. Google, “Big Brother”? How can we not think that? Thus, the necessity for it to pose as an axiom its fundamental kindness.
Is it malicious? What is sure is that it is stupid. If the responses proliferate on the screen, it is because they are mistaken. The initial signal is made of words, and a word does not have a single meaning. Thus, meaning escapes Google, which encodes, but doesn’t decode. It is the word in its stupid materiality that it memorizes. Thus, it is always up to you to find in the haystack of results, the needle that is meaningful to you.
Google would be intelligent if one could compute signification. But no one can. Like a Samson with his hair cut, Google will blindly turn the millstone until the end of time
Copyrith Nouvel Observateur
[English translation by Thomas Svolos]
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