26 de agosto de 2012

Le Point du Blog : J-41



 
Le Point du Blog : J-41
Le blog des 42e Journées

Un baby-footer

par Emmanuel Chenesseau (Antenne clinique Angers)

François m’est adressé avec un volumineux dossier de bilans et de diagnostics.
Son regard glisse légèrement de biais. Son phrasé est heurté, la syntaxe incorrecte. Sa démarche est raide et mécanique. Il peut rester de longues heures à battre un rythme avec un petit bâton, sur la cour de l’école.
Le « suivi » précédent ayant porté uniquement sur le scolaire et la performance, l’absence d’offre pédagogique surprend sa mère à qui je propose un espace pour venir parler. François, lui, ne veut qu’une seule chose : jouer au baby-foot qui se trouve là. Je m’y engagerai donc avec lui. « Demi, balle-morte », « reprise, balle morte », « triangle, 3 points », « râteau, 3 penos », « balle d’éch’, balle de camp », « lobe, gagné », « tribune, 4 points », voilà l’univers signifiant dans lequel il me conduit, avec ses tactiques et ses règles. En peu de temps, il développe une très grande dextérité.
Jusqu’ici très isolé, François entre dans le lien social des baby-footeurs. Le camp des 5ème règne sur le baby-foot. Les 6ème, dont il fait partie, sont relégués au rang de spectateurs, voire de participants très occasionnels. Mais lui, a dans sa poche une balle sur laquelle il a écrit son nom et, un jour où ces 5èmes si peu partageurs se retrouvent sans balle, il peut ainsi se rendre nécessaire car, pas de balle, pas de baby - équation simple mais efficace pour faire du possesseur d’une balle un joueur plus régulier. C’est ainsi que François rompt pour une part son isolement ; il se met à parler de « copains », au pluriel.
Mais un psy qui fait du baby-foot à quoi ça sert ? La mère pour qui seul le scolaire compte, m’interroge : où est le « progrès » scolaire ? C’est alors que François, qui n’a jamais eu de lien avec son jeune frère - « il m’a volé ma vie » disait-il -, entraîne celui-ci pour une partie de baby-foot…
Gageons qu’il y aura des suites.
 

La machine à serrer

Philippe Lienhard

D’une main qui laisse s’écouler les grains de sable à une trappe qui enserre une à une les vaches, tel est le parcours métonymique suivi par l’invention de Temple Grandin. Une même jouissance y est concernée (1).
« L’expérience avait été étrangement hypnotique … je songeais à la similitude entre la merveilleuse impression de transe que je venais d’éprouver en immobilisant doucement le bétail et le sentiment de dilatation que m’avait procuré lorsque j’étais petite, le fait de m’absorber dans la contemplation du sable qui coulait entre mes doigts. » (2)
La machine à serrer a une préhistoire. Enfant, Temple éprouve un soulagement en s’écrasant sous les canapés ou en bordant son lit de manière bien serrée. Au CE1, elle imagine un costume gonflable exerçant une pression contrôlée sur le corps. Au CE2, l’idée de la boîte l’amène à s’intéresser au savoir scolaire utile à son entreprise, ce qui amène des interprétations : « Nous n’avons pas de problème d’identité ? Nous ne pensons pas que nous sommes une vache ? ». Bien sûr que non ! La vache est un double dans le réel, en aucun cas une identification.
La machine à serrer est une construction de bord qui lui permet de passer du corps de jouissance qu’elle est, à un corps qu’elle a.
La machine permet également un traitement d’un Autre absorbant. Quand sa tante obèse la prenait dans ses bras, elle paniquait. « C’était comme être étouffée par une montagne de guimauve » (3). Il y a donc là aussi un glissement métonymique, des bras de la tante aux parois de la machine dont elle peut maîtriser la pression.
(1) Cf J. Ruff, « Temple Grandin : le traitement d’une jouissance autistique », les cahiers cliniques de Nice, Dossier spécial autisme.
(2) Temple Grandin, « Penser en images », O. Jacob, 1997, p. 241-242.
(3) Temple Grandin, « Ma vie d’autiste », O. Jacob, 1994, p.42.
 
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