Le choix de ce titre consonne avec les embarras contemporains et convoque la perspective lacanienne du partenariat de jouissance. En effet, le terme de partenaire est relativement récent ; il apparaît sous la plume des auteurs du XVIIIe siècle et ne tarde pas à désigner le partenaire amoureux. La notion de partenaire signe une rupture avec le couple traditionnel : elle met en lumière l’absence de conjonction entre l’Un et l’autre. Le dire des analysants témoigne de cette jouissance coupée de l’Autre, une jouissance a-sexuée qui s’attrape par l’objet a et connecte le sujet non pas à l’autre mais à son propre corps. L’expérience de l’analyse permet à celui qui l’entreprend d’identifier où sont ses partenaires de jouissance discrets et masqués qui, parfois, peuvent s’incarner dans l’autre sans pour autant que s’établisse avec lui le rapport auquel l’un aspire. C’est sur cette voie que s’engage Dominique Pasco, c’est l’objet de sa réflexion dans Choix de partenaire(s).
Comment donc chacun est-il conduit à choisir son partenaire? « Comment un homme et une femme peuvent-ils s’entendre lorsque le mythe de l’Œdipe, la loi symbolique ne les guide plus? » [1] En l’absence du soutien symbolique que procurait jadis le couple, ces questions orientent les sujets vers un analyste. Ce défaut appelle à une invention, à une élaboration dont témoigne la clinique.
Nous aurions envie de rêver, à lire le cas de Lou, qu’il serait beau d’arpenter les allées du château des Dames pour s’extraire de l’idéalisation, défaire les identifications sans en passer par les affres du réel ! Mais l’auteur met en garde le lecteur : au cœur même de l’idéal, nul n’échappe au frisson mêlé d’effroi qui indexe le réel.
Cet axe de lecture démonte l’illusion que l’expérience analytique s’arrête quand le récit génère une satisfaction, quand la boucle semble bouclée et que le désir a le dernier mot. Au-delà du démontage des fictions de chaque sujet, demeure ce point de réel, partenaire impossible avec lequel chacun se coltine et qui génère des embrouilles plus ou moins vertigineuses.
Dominique Pasco nous invite à entendre six récits d’analyse dont cinq sont des parcours de femmes, un homme venant décompléter la série. Elle nous engage donc à suivre avec elle quelques déclinaisons : partenaire du désir ou de l’amour, partenaire du symptôme, partenaire de jouissance. Il s’agit dès lors de déterminer ce qui se masque ou ce qui fait effraction et quelles identifications soutiennent le sujet. L’analyse fait place à la contingence et au manque quand le sujet aspirait à y être comblé.
Nous commençons la lecture par une incursion au pays du père et du symptôme avec Léna et Emma qui cherchent chacune à se dégager de la jouissance du père pour ouvrir la voie de la rencontre amoureuse. L’une a affaire aux larmes du père, l’autre à la surdité dont il fait preuve envers sa fille.
Anna et Lou sont, quant à elles, arrêtées par l’énigme du désir auquel fait barrage le ravage maternel. Dans ces deux cas, que ce soit sur le mode du dégoût de la rencontre des corps ou sur celui de la division entre mari et amant, le dire de la mère produit une fixation de jouissance qui entrave leur vie amoureuse. L’ennui fait, pour la première, écran à la honte de sa virginité. La seconde dissimule sous le vent de la contestation, un penchant à se ranger sous la dépendance à l’Autre. Pour chacune, encore, ce qui se dessine dans la cure ouvre la question du féminin et de la contingence.
Angoisse, ennui, atteinte du corps ou virginité sont autant de manifestations de l’« évidence du désir que rien ne peut satisfaire ». [2] L’orientation analytique permet de ne pas reculer devant les formes actuelles du malaise dans la civilisation, c’est ainsi que Dominique Pasco accompagne Alexandre et Yasmina pour pacifier le réel auxquels ils sont confrontés sans bénéficier de l’étayage symbolique.
A travers de ces récits, se déplie ce point essentiel et incontournable des cures : à partir de l’adresse à l’analyste, se constitue le partenaire du symptôme. Au fil des chapitres, la plainte de chacun, et son traitement, s’opère, via le transfert. Dominique Laurent, qui a rédigé la préface de Choix de partenaire(s), éclaire ce versant : l’auteure « fait entendre deux modalités du transfert dans la clinique. Elle permet de distinguer en somme la clinique sous transfert liée à la lecture du texte de celle liée à la jouissance de l’apparole ».
Notas:
1 - Pasco D., Choix de partenaire(s), Éditions Lussaud, Coll. L’Impensé contemporain - Ghyom, p.22
2 - Ibid., p.102
2 - Ibid., p.102
Le choix et la correspondance des partenaires appartient à la chose réelle, ou mieux, à l'ineffable et inconnu, se trouve dans un "super-paradoxe".
ResponderExcluirLe miracle de l'existence, l'inconscient.