18 de janeiro de 2007

Notre sujet supposé savoir




Notre sujet supposé savoir

Jacques-Alain Miller

La lettre mensuelle n° 254 - janvier 2007

Intervention aux Journées d’études de l’ECF 2006, au cours de laquelle Jacques-Alain Miller présenta le thème des Journées suivantes.
Transcription et notes de C. Bonningue.

Voici ma proposition pour l’an prochain, qui est déjà plus qu’une proposition, puisque j’ai été amené à la présenter hier soir dans un cénacle plus restreint, l’assemblée générale de l’Ecole de la Cause freudienne, et que cette proposition a reçu un accueil favorable, et même, a stimulé le début de ce qu’on appelait tout à l’heure un brain storming. Je vais donner simplement l’intitulé et faire quelques remarques à ce propos. Je propose pour les Journées d’études 2007 l’intitulé : « Notre sujet supposé savoir ». J’en ai donné hier soir une très brève esquisse, en distinguant d’abord plusieurs sujets supposés savoir.1

Trois sujets supposés savoir…

Le premier sujet supposé savoir qu’on rencontre dans l’analyse est celui qui vient nous trouver, l’analysant en espérance. Il est au moins supposé savoir - et nous attendons qu’il nous en informe - ce qui l’amène auprès de nous. Nous lui donnons d’emblée la parole, nous faisant, nous, feuille blanche, tabula rasa. L’analyse est à cet égard d’abord un exercice d’oubli. Nous avons, remarquait Freud, à oublier, quand arrive le cas nouveau, ce que nous savons d’autres cas, cet oubli étant la condition pour que nous sachions accueillir ce qui nous tombe devant, puisque c’est l’étymologie du mot cas, casus, ce qui tombe. Bion dit, à sa façon, qu’il revient à l’analyste de tout oublier, et même, chaque séance passée, qu’il doit être neuf à chaque rencontre. Lacan dit, dans son langage à lui, que la passion qui nous anime est celle de l’ignorance - faire comme si nous ne savions pas -, cette ignorance étant la condition pour que le sujet supposé savoir puisse s’installer dans la séance analytique.

L’analyste est lui-même un sujet supposé savoir - c’est le second sujet supposé savoir. S’il ne l’était pas, on ne se livrerait pas à lui. Il est supposé savoir au moins ce que veut vraiment dire la confidence de l’analysant, c’est-à-dire il est supposé savoir interpréter, disons, pour parler latin, répondre au casus des formations de l’inconscient par le saltus, le saut de l’interprétation. Ce saut de l’interprétation est d’ailleurs central dans l’exercice dit de contrôle : quand faut-il sauter sur le propos analysant pour le faire à bon escient et en avoir les effets qu’on en attend ? Ce saut de l’interprétation engendre une signification que l’on pourrait articuler ainsi : toi, analysant qui est supposé savoir, tu ne sais pas ce que tu dis. Nous pourrions placer là la fonction de ce que nous appelons les entretiens préliminaires, introduction de l’analysant à cette modalité freudienne de l’énonciation que l’on appelle l’association libre, et qui consiste à dénouer parole et savoir, moyennant quoi la parole vient se nouer à la jouissance, la jouissance, oui, de parler en analyse, ce nœud de parole et jouissance incluant le « je ne sais pas ce que je dis ». Par les entretiens préliminaires, l’analysant accède au régime du « je ne sais pas ce que je dis et je le dis tout de même ».

Ce « je ne sais pas ce que je dis » implique la position d’inconscient comme une puissance de chiffrage - troisième sujet supposé savoir -, qui à la fois opacifie l’intention de dire et en même temps la dédouble. À l’intérieur de ce que je dis en clair, autre chose veut se dire en obscur, en chiffré. C’est la position de l’inconscient que j’avais appelée jadis « L’inconscient interprète ». 2 On peut même dire que « l’inconscient interprète » est ce qui est transféré sur l’analyste. C’est prendre ici, conformément aux indications de Lacan, le transfert comme un transfert de savoir.

… faisant une structure

Nous mettons donc le sujet supposé savoir au pluriel. Admettons qu’il y en ait trois en jeu dans la séance analytique, nous permettant ainsi de développer que la première supposition est imaginaire, la seconde symbolique, et la troisième réelle. Mais, à vrai dire, ils ne font qu’un. Ces trois sujets supposés savoir font une structure, la structure de ce qu’on appelle la séance analytique, puisque la psychanalyse s’administre et s’expérimente sous le mode de la séance.

Que comporte cette structure ? On peut en rendre raison, au niveau le plus élémentaire du discours, de la chaîne signifiante, par la rupture introduite entre S1 et S2 - un signifiant prime et un signifiant second -, cette rupture entre les deux laissant le premier signifiant en manque d’interprétation. L’interprétation ne vient plus s’éteindre dans le signifiant second, le savoir explicite, mais elle va à l’infini, et c’est la racine du phénomène dit interprétatif dans la psychose. En psychanalyse - rappelons-nous que Lacan, au début de son enseignement ou un peu avant, parlait de la psychanalyse comme d’une « paranoïa dirigée » 3 -, c’est à l’analyste qu’il revient d’encadrer l’écho de vérité que suscite le signifiant premier laissé tout seul, ce qui met aussi le savoir en position de vérité. C’est ce qui se produit dans cette traversée du sujet supposé savoir qu’est une cure analytique : les émergences de vérité s’accumulent en savoir, un savoir paradoxal, structurellement supposé, c’est-à-dire inexplicitable.

Cela définit la condition de possibilité même de l’exercice psychanalytique. Pour qu’il y ait psychanalyse, il faut qu’il soit licite, permis - et c’est ce qui heurte les pouvoirs établis d’autres discours -, de porter atteinte au signifiant-maître, de le faire déchoir, de révéler sa prétention à l’absolu, comme un semblant, et lui substituer à sa place ce qui résulte de l’embrayage du sujet de l’inconscient sur le corps, à savoir ce que nous appelons avec Lacan l’objet petit a.

Quand elle donne sa pleine puissance, la psychanalyse fait, pour un sujet, vaciller tous les semblants4 et organise leur déflation méthodique, y compris le semblant dont elle-même procède comme sujet supposé savoir, puisque ce sujet supposé savoir, à la fin d’une analyse, après avoir servi, vient à s’évanouir. Ce qui libère un signe d’ouverture, peut-être d’inventivité ou de créativité, qui est à rebours de la sentence du festin de Balthazar. Ce qui émerge au mieux, c’est un signe qui dit : « Tout n’est pas écrit. »

Une objection au maître contemporain

Notre art du sujet supposé savoir fait objection au discours contemporain du maître, dans la mesure même où son discours désormais - c’est un déplacement par rapport au maître traditionnel - prend ses assises du savoir mis en position de semblant absolu. C’est ça qui est nouveau, parce que maintenant, de ce savoir semblant absolu, nous en sentons le poids, la presse, l’insistance. Le savoir semblant absolu est ce savoir chiffré, numérique, dont nous sommes assaillis. On interroge de nos jours inlassablement, et de toutes parts, le sujet supposé savoir, pour lui faire, si je puis dire, cracher du nombre.

Songez par exemple à la passion du sondage, machine à extraire des chiffres à partir de l’opinion sollicitée de se déclarer, et supposée se déclarer à bon escient, en connaissance de cause. Ou encore, les questionnaires - qui sont partout, et d’abord les questionnaires comportementalistes, behavioristes - n’ont pas d’autre principe que l’opinion supposée transparente à elle-même. Le questionnaire, déjà, induit une autoévaluation individuelle, qui suppose, qui en soi-même constitue une négation de l’inconscient. Il en va de même de l’épidémiologie en santé mentale, dont la machine numérique, qui peut être extraordinairement complexe, ne fait que traiter des autoévaluations - c’est ça qui est à sa base. La médecine elle-même est assujettie au sujet supposé savoir numérique : il suffit d’une goutte de sang pour en extraire des valeurs numériques. Il en va de même en politique quand prévaut la démocratie : on compte d’abord les opinions pour faire sondage, et ensuite, quand on passe à l’acte, si je puis dire, on compte les voix, et le résultat fait loi. Le sujet supposé savoir démocratique est supposé s’être fait entendre.

La démocratie, qui est de toujours la loi du nombre, fonctionne dans un régime de sujet supposé savoir tout à l’opposé du nôtre, ce régime du sujet supposé savoir cherchant à investir le nôtre, l’assiégeant. Nous en avions, il y a quelques années, l’exemple en Californie, où s’impose une sorte de nouvelle mouture de la méthode de Ferenczi où le patient exige l’égalité démocratique avec l’analyste : si je vous raconte ce qui me concerne, à vous aussi de me raconter ce qui vous concerne, vous.5 Ce n’est pas facile de pratiquer la psychanalyse sous condition démocratique.

C’est la question. La question est posée à l’analyste : qui t’a fait roi ? Qui t’a fait analyste ? Cela m’a d’ailleurs été présentifié très récemment par un coup de téléphone. Au bout du fil, une voix charmante, me disant : je suis unetelle, juriste à la Haute Autorité de Santé. Pouvez-vous me donner les textes législatifs concernant la psychanalyse ? Comment est-ce que s’installe un analyste ? J’ai demandé un petit moment pour me remettre et ai répondu par un mail, constatant qu’il n’y avait pas de législation spécifique concernant la psychanalyse, et qu’un décret d’application était en cours, mais rencontrait certaines objections, et que les analystes étaient formés dans des associations de 1901, et que, parmi ces associations, il y en avait au moins une qui était reconnue d’utilité publique — voilà par exemple à quoi ça servira.

Une opacité nécessaire

Nous sommes entrés en guerre. Nous sommes entrés - il a fallu nous en apercevoir - dans une guerre du savoir, une guerre entre les sujets supposés savoir. Il y a notre sujet supposé savoir et il y a le leur. Et l’enjeu est vital pour nous, car le sujet supposé savoir, c’est le nom de l’inconscient en tant que transférentiel. Il n’y a pas l’inconscient d’abord et puis le transfert. La position même de l’inconscient, sa position opératoire, tient au transfert comme transfert de savoir.

Freud, qui avait certainement une interprétation réaliste de l’inconscient, reconnaît néanmoins que l’inconscient est de structure une hypothèse, une supposition - le mot allemand dont Freud se sert est Annahme -, et, corrélativement, Lacan dit du symptôme que c’est une croyance, qu’il n’existe que d’y croire, comme l’inconscient n’existe que de le supposer.

Quand le maître d’aujourd’hui exige transparence et traçabilité, que pouvons-nous alléguer sinon l’opacité nécessaire à notre pratique, et que l’inconscient, qu’est-ce donc sinon une rupture de traçabilité, un dépistage, ou, comme disait Lacan, une méprise ? Eh bien, la maîtrise n’a que mépris pour la méprise.

On sait que bien des analystes ont déjà cédé à l’esprit du temps, en criant à tue-tête que l’inconscient freudien avait une réalité traçable au niveau neuronal - on attend de le repérer à l’IRM. C’est à nos yeux une voie de perdition où l’inconscient, bien entendu, est d’emblée escamoté.
L’an prochain, ce sera à nous de démontrer l’usage que nous faisons dans notre pratique du sujet supposé savoir, pour conduire le sujet analysant à se retrouver dans le fatras dont il consiste comme sujet de l’inconscient. Ce sera donc l’exposé de notre clinique, clinique du savoir et du symptôme, cheminant entre hypothèse et croyance, et où le secret où se dérobe le savoir supposé devient agalmatique - donc, là l’objet savoir est supposé inclus dans l’analyse. C’est, ce sera l’an prochain notre réponse aux impasses de la civilisation que Freud avait annoncées par son étude sur le malaise. Nous sommes, nous, les dépositaires et les agents du sujet supposé savoir conçu par Freud, articulé comme tel par Lacan, et qui est aujourd’hui mis en œuvre dans l’Ecole de la Cause freudienne comme dans l’Association mondiale de Psychanalyse. Il nous revient, ce sujet supposé savoir, de l’assumer, de le protéger, de le développer, et cela ne va pas sans doute sans l’aimer un peu.

Jacques-Alain Miller

1 J.-A. Miller fait référence à l’Assemblée générale de l’ECF qui s’est tenue la veille au soir, lors de laquelle il débattra avec quelques collègues du thème des Journées 2007, parmi lesquels il citera, notamment, dans l’ordre : Gilles Chatenay, Bernard This et Carlo Vigano.

2 Cf. Miller J.-A., « L’interprétation à l’envers » (1995), La Cause freudienne n° 32, Paris, Navarin/Seuil, 1996, p. 7-13.

3 Lacan J., « L’agressivité en psychanalyse » (1948), Ecrits, Paris, Seuil, 1966, p. 109.

4 Les Journées de l’ECF 2000 s’étaient déroulées sous le titre « Quand les semblants vacillent… » ; cf. La Cause freudienne n° 47, Paris, Navarin/Seuil, 2001, ainsi que le document préparatoire aux Journées « Quand les semblants vacillent… ».

5 Cf. Miller J.-A., « Contre-transfert et intersubjectivité » (2002), La Cause freudienne n° 53, Paris, Navarin/Seuil, p. 7-39



Nuestro sujeto supuesto saber (español)

Jacques-Alain Miller

Intervención en las Jornadas de estudios de la ECF 2006, en el curso de las cuales Jacques-Alain Miller presentó el tema de las próximas Jornadas. Trascripción y notas de C. Bonningue.
Esta es mi proposición para el año próximo, que es ya más que una proposición, puesto que me visto llevado a presentarla ayer por la noche en un cenáculo más restringido, la asamblea general de la Escuela de la Causa freudiana, y esta proposición tuvo un recibimiento favorable, e incluso, estimuló el comienzo de lo que se llamaba, en su momento, un brain storming. Voy a dar simplemente el título y hacer algunos señalamientos con respecto a esta cuestión. Propongo para las Jornadas de estudio de 2007 el titulo: "Nuestro sujeto supuesto saber". He dado ayer por la noche un muy breve esbozo, distinguiendo primeramente varios sujetos supuestos saber.1

Tres sujetos supuestos saber…

El primer sujeto supuesto saber que encontramos en el análisis es aquel que viene a buscarnos, el analizante en esperanza. Es al menos supuesto saber – y nosotros esperamos que nos informe de ello – lo que lo lleva a nosotros. Le damos de entrada la palabra, haciéndonos nosotros, página en blanco, tabula rasa. El análisis es a este respecto primeramente un ejercicio de olvido. Tenemos, señalaba Freud, que olvidar cuando llega un caso nuevo, lo que sabemos de los otros casos, este olvido es la condición para que sepamos acoger lo que cae enfrente, puesto que es la etimología del término caso, casus, lo que cae. Bion dice, a su manera, que le toca al analista olvidar todo, e incluso, cada sesión pasada, que debe ser nueva en cada encuentro. Lacan dice, en su propio lenguaje, que la pasión que nos anima es la de la ignorancia – hacer como si no supiéramos. Esta ignorancia es la condición para que el sujeto supuesto saber pueda instalarse en la sesión analítica.El analista es él mismo sujeto supuesto saber – es el segundo sujeto supuesto saber. Si no lo fuera, uno no se entregaría a él. Es supuesto saber al menos lo que quiere decir verdaderamente la confidencia del analizante, es decir es supuesto saber interpretar, digamos, para hablar en latín, responder al casus de las formaciones del inconciente por el saltus, el salto de la interpretación. Este salto de la interpretación es por otra parte central en el ejercicio llamado de control: cuando hay que saltar sobre las palabras analizantes para hacerlo a sabiendas y tener los efectos que se esperan? Este salto de la interpretación engendra una significación que podríamos articular de este modo: tú, analizante que eres supuesto saber, tu no sabes lo que dices. Podríamos ubicar allí la función de lo que llamamos las entrevistas preliminares, introducción del analizante a esta modalidad freudiana de la enunciación que llamamos la asociación libre, y que consiste en desanudar palabra y saber, mediante lo cual la palabra viene a anudarse al goce, el goce, sí , de hablar en análisis, este nudo de palabra y goce incluye el "no sé lo que digo". Por las entrevistas preliminares, el analizante accede al régimen del "yo no se lo que digo y lo digo de todos modos".Este "yo no se lo que digo" implica la posición de inconciente como una potencia de cifrado – tercer sujeto supuesto saber -, que a la vez opacifica la intención de decir y al mismo tiempo la desdobla. En el interior de lo que digo claramente, otra cosa quiere decirse en la oscuridad, cifrada. Es la posición del inconciente que he llamado hace tiempo "El inconciente interprete" 2 Podemos incluso decir que "el inconciente interpreta" es lo que se transfiere sobre el analista. Es tomar aquí, conformemente a las indicaciones de Lacan, la transferencia como una transferencia de saber.

… que hacen una estructura

Nosotros ponemos, por lo tanto al sujeto supuesto saber en plural. Admitimos que hay tres en juego en la sesión analítica, permitiéndonos de este modo desarrollar que la primera suposición es imaginaria, la segunda simbólica y la tercera real. Pero, a decir verdad, no hacen más que uno. Estos tres sujetos supuestos saber constituyen una estructura, la estructura de lo que llamamos la sesión analítica, puesto que el psicoanálisis se administra y se experimenta bajo el modo de la sesión.Que comporta esta estructura? Podemos dar razón, en el nivel más elemental del discurso de la cadena significante, por la ruptura introducida entre S1 y S2 – un significante primero y un significante segundo-, esta ruptura entre los dos deja al primer significante en falta de interpretación. La interpretación no viene más a apagarse en el segundo significante, el saber explícito, sino que ella va hacia el infinito, y es la raíz del fenómeno dicho interpretativo en la psicosis. En psicoanálisis – recordemos que Lacan, al comienzo de su enseñanza o un poco antes, hablaba del psicoanálisis como de una "paranoia dirigida" 3, le toca al analista enmarcar el eco de verdad que suscita el significante primero dejado solo, lo que pone también al saber en posición de verdad. Es lo que se produce en este atravesamiento del sujeto supuesto saber que es una cura analítica: las emergencia de verdad se acumulan en saber, un saber paradojal, estructuralmente supuesto, es decir imposible de explicitar. Esto define la condición de posibilidad misma del ejercicio psicoanalítico. Para que haya psicoanálisis, tiene que ser lícito, permitido, y es lo que choca a los poderes establecidos de otros discursos-, atentar contra el significante amo, hacerlo caer, revelar su pretensión a lo absoluto, como un semblante, y sustituirlo en su lugar por lo que resulta del embrague del sujeto del inconciente sobre el cuerpo es decir lo que llamamos con Lacan el objeto a. Cuando da su plena potencia, el psicoanálisis hace, para un sujeto vacilar todos los semblantes 4, y organiza su deflación metódica, incluso el semblante del que procede como sujeto supuesto saber, puesto que ese sujeto supuesto saber al final de un análisis, luego de haber servido, viene a desvanecerse. Lo que libera un signo de apertura, quizá de inventiva o de creatividad, que está a contrapelo de la sentencia del festín de Baltasar. Lo que emerge en el mejor de los casos es un signo que dice: "No todo está escrito"

Una objeción al amo contemporáneo

Nuestro arte del sujeto supuesto saber hace objeción al discurso contemporáneo del amo, en la medida misma en que su discurso de ahora en más – es un desplazamiento en relación con el amo tradicional – toma sus bases del saber puesto en posición de semblante absoluto. Es esto lo nuevo, porque ahora, de este saber semblante absoluto, sentimos el peso, la presión, la insistencia. El saber semblante absoluto es este saber cifrado, numérico, por el cual estamos siendo sitiados. Se interroga en nuestros días incansablemente, y en todas partes, al sujeto supuesto saber, para hacerlo, si puedo decirlo así, escupir números. Piensen por ejemplo en la pasión de las encuestas, máquina de extraer cifras a partir de la opinión solicitada declararse, y supuesta declararse a sabiendas, con conocimiento de causa. O incluso, los cuestionarios – que están en todas partes, y primeramente los cuestionarios comportamentalistas, behavioristas – no tienen otro principio más que la opinión supuesta transparente a sí misma. El cuestionario, ya induce una autoevaluación individual que supone, que en sí misma constituye una negación del inconciente. Ocurre lo mismo con la epidemiología en salud mental, cuya máquina numérica, que puede ser extraordinariamente compleja, no hace sino tratar autoevaluaciónes – es esto lo que está en la base. La medicina misma está sujeta al sujeto supuesto saber numérico: basta una gota de sangre para extraer de allí valores numéricos. Lo mismo ocurre en política cuando prevalece la democracia: se cuenta en primer lugar las opiniones para hacer encuestas, y luego, cuando se pasa al acto, si puedo decirlo, se cuentan los votos, y el resultado hace ley. El sujeto supuesto saber democrático es supuesto hacerse escuchar. La democracia, que es desde siempre la ley del número, funciona en un régimen de sujeto supuesto saber completamente opuesto al nuestro, este régimen del sujeto supuesto saber busca investir el nuestro, asediándolo. Tuvimos hace algunos años, el ejemplo en California, donde se impone una suerte de nueva versión del método de Ferenczi donde le paciente exige la igualdad democrática con el analistas: si les cuento en lo que me concierte, ustedes también tienen que contarme loque les concierne.5 No es fácil de practicar el psicoanálisis bajo condiciones democráticas. Es la cuestión. La pregunta está planteada al analista: quien te hizo rey? Quien te ha hecho analista? Esto, por otra parte, se me presentificó muy recientemente por un llamado telefónico. Del otro lado de la líneas, una voz encantadora, me decía: yo fulana de tal, jurista de la Alta autoridad de Salud. Puede darme los textos legislativos que concierne al psicoanálisis? Como es que se instala un analista? Le pedí un momento para recomponerme y respondí con un mail, constando que no había legislación específica concerniente al psicoanálisis, y que estaba en curso un decreto de aplicación, pero encontraba algunas objeciones, y que los analistas estaban formados en asociaciones desde 1901, y que, entre estas asociaciones, había al menos una que estaba reconocida de utilidad pública – vemos por ejemplo para que servirá.

Una opacidad necesaria

Hemos entrado en la guerra. Entramos – tuvimos que darnos cuenta de ello – en una guerra del saber, una guerra entre los sujetos supuestos saber. Está nuestro sujeto supuesto saber y está el de ellos. Y la apuesta es vital para nosotros, puesto que el sujeto supuesto saber, es el nombre del inconciente en tanto que transferencial. No hay primero el inconciente y luego la transferencia. La posición misma del inconciente, su posición operatoria, se sostienen en la transferencia como transferencia de saber. Freud, que ciertamente tenía una interpretación realista del inconciente, reconocía sin embargo que el inconciente es por estructura una hipótesis, una suposición. la palabra alemana de la cual Freud se sirve es Annahme -, y correlativamente Lacan dice del síntoma que es una creencia, que no existe sino por creer en él, como el inconciente no existe sino por suponerlo. Cuando el amo de nuestros días, exige transparencia y registro, que podemos alegar sino la opacidad necesaria a nuestra práctica, y que el inconciente que es sino una ruptura del registro, algo que despista, o como decía Lacan una equivocación? Y bien, la dominancia desprecia la equivocación. Sabemos que muchos analistas ya han cedido al espíritu de los tiempos, gritando a voz en cuello que el inconciente freudiano tenía una realidad registrable a nivel neuronal –se espera ubicarlo en el IRM. Es a nuestros ojos una vía de perdición donde el inconciente, por supuesto, está escamoteado de entrada. El año próximo, nos tocará a nosotros demostrar el uso que hacemos en nuestra práctica del sujeto supuesto saber, para conducir al sujeto analizante a encontrarse en el confuso montón en que consiste como sujeto del inconciente. Será por lo tanto la exposición de nuestra clínica, clínica del saber y del síntoma, caminando entre hipótesis y creencia, donde el secreto en que se oculta el saber supuesto deviene agalmático, entonces, allí el objeto saber está supuesto incluido en el análisis. Es, será el año próximo nuestra respuesta a los impasses de la civilización que Freud había anunciado con su estudio sobre el malestar. Somos nosotros los depositarios y los agentes del sujeto supuesto saber concebido por Freud, articulado como tal por Lacan, y que es hoy puesto al trabajo en la Escuela de la Causa Freudiana como en la Asociación Mundial de Psicoanálisis. Nos retorna, este sujeto supuesto saber, por asumirlo, por protegerlo, por desarrollarlo, y esto no ocurre sin duda sin amarlo un poco. (Traducción: Silvia Baudini) .

Jacques-Alain Miller -
La lettre mensuelle n° 254 - janvier 2007

1 J.-A. Miller hace referencia a la Asamblea general de la ECF que se realizó la víspera por la noche, en ocasión de la cual debatió con algunos colegas sobre el tema de las Jornadas 2007, entre los cual citará, especialmente en el orden: Gilles Chatenay, Bernard This et Carlo Vigano.
2 Cf. Miller J.-A., « L’interprétation à l’envers » (1995), La Cause freudienne n° 32, Paris, Navarin/Seuil, 1996, p. 7-13.
3 Lacan J., « L’agressivité en psychanalyse » (1948), Ecrits, Paris, Seuil, 1966, p. 109.
4 Les Journées de l’ECF 2000 se realizaron con el titulo " Cuando los semblantes vacilan" ; cf. La Cause freudienne n° 47, Paris, Navarin/Seuil, 2001, así como el documento preparatorio para las Jornadas " Cuando los semblantes vacilan"
5 Cf. Miller J.-A., « Contre-transfert et intersubjectivité » (2002), La Cause freudienne n° 53, Paris, Navarin/Seuil, p. 7-39

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