26 de novembro de 2007

TLN N° 363 Numéro Extraordinaire - Francés//Español

ten line news
n° 363 - nouvelle série
Date: vendredi 23 novembre 2007
Numéro Extraordinaire
Editée sur UQBAR par Luis SOLANO
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TLN a le plaisir de vous offrir dans cette livraison, l’entretien de accordé par Jacques-Alain Miller à Charlie Hebdo N° 805, du merdcredi 21 novembre. JAM en fit un long commentaire dans son Cours de l’Orientation Lacanienne du même jour.(From TLN)

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Entretien à Jacques-Alain Miller

ENTRETIEN

Comment une campagne sur la dépression démontre l'incapacité présidentielle à appréhender le réel. Un entretien avec le philosophe et psychanalyste Jacques-Alain Miller.
« Si la tristesse est une maladie, alors c'est l'humanité qui est une maladie » Je veux parler de la dépression, du regard que la société porte sur cette souffrance qui n'est pas matérielle. Je veux engager puissamment la recherche médicale française vers le soulagement de ce mal », a déclaré Nicolas Sarkozy le II février dernier dans un discours à la Mutualité. Il y a quelques semaines, le ministère de la Santé lançait une campagne sur la dépression. On a demandé à Jacques-Alain Miller ce qu'il en pensait. Philosophe, psychanalyste, il est le responsable de la publication des Séminaires de Lacan. Jacques-Alain Miller a fondé l'Association mondiale de psychanalyse (AMP) et dirige la revue Le Nouvel Âne dont le dernier numéro est consacré à une critique virulente de la campagne contre la dépression initiée par le ministère de la Santé. Car s'il existe des formes graves de « maladies de l'âme» -qu'on l'appelle comme autrefois mélancolie ou qu’on la vulgarise aujourd’hui sous le terme de “dépression” - la tentation est grande de considérer la moindre fatigue, tristesse ou petit bobo existentiel en pathologie qu’il faut soigner d’urgence avant de repartir au combat...

CHARLIE HESBDO: Que pensez-vous du combat présidentiel contre la dépression?
Jacques-Alain Miller: Que le président est un homme de bonne volonté . Qu'il admet que la souffrance psychique n'est pas matérielle, pas objectivable. Mais, parce qu'il n'est pas bien conseillé sur le sujet, il met tous ses espoirs dans la médecine sans songer à la psychanalyse .

Il est mal conseillé, ou il pense profondément que la recherche médicale peut guérir la dépression?
Qui veut éradiquer médicalement la dépression? La bureaucratie sanitaire internationale. Elle a réussi à mettre au service de cette idée loufoque les autorités politiques d'un nombre considérable de pays développés. Nicolas Sarkozy est influencé, comme l’est la majorité des Français, par l'intense lobbying d'une partie de l'establishment sanitaire national, qui s'exerce dans le sens cognitiviste et pharmaceutique.

“Si on ne veut pas déprimer, il faut assumer la vérité.”

Mais comment expliquer cet Intérêt de l'État, du pouvoir pour notre santé?
Ce n'est pas d'aujourd'hui. La Sécurité sociale date de 1945. Bien avant, dès les débuts de l'époque moderne, le pouvoir va inéluctablement vers le biopouvoir, Michel Foucault l’a démontré. Actuellement, la santé est en France un problème aigu pour tous les gouvernements qui se succèdent, en raison du fameux « trou de la Sécu ». Tout un petit peuple d'experts cherche à « rationaliser » le système. [Institut national de la prévention et de la santé (INPES) , créé en 2002, a brillamment remporté la palme avec sa campagne antitabac, et, sur la liste de ses prochaines victimes, il a inscrit la dépression. Mais si les méfaits du tabac ont une certaine objectivité, ce n'est pas le cas avec la dépression: tout dépend de la définition que vous en donnez. Avec l'une, vous pouvez démontrer que les 95 % de la population sont atteints.

Quelle est cette définition?
95 % des gens connaissent une moyenne annuelle de six épisodes de tristesse et de perte de l'estime de soi. Si l’on décide de médicaliser tout ça, alors la croissance exponentielle du nombre de dépressifs s'explique. Pas étonnant que l'OMS prédise que, en 2020, la dépression sera la seconde cause d'invalidité dans le monde après les maladies cardiovasculaires. Rions! Ce qui est grave pourtant, c'est que la consommation d'antidépresseurs, qui avait baissé, va exploser à nouveau. Or la France est déjà le pays qui consomme le plus de psychotropes au monde.

La campagne dépression risque-t-elle d'accentuer ce phénomène?
C'est du Molière, Le Malade imaginaire, ou Knock: [INPES persuade les gens que s'ils sont tristes, c'est qu'ils sont malades , et les incitent à bouffer du médicament. Ce qui était considéré autrefois comme un mauvais moment à passer, un coup de pompe, un deuil difficile, est désormais « une maladie ». La brochure dépression, diffusée à r million d'exemplaires, est une tentative d'endoctrination massive, parfaitement irresponsable. [ambition est de remodeler vos émotions les plus intimes. C'est un « alien » qui s'insinue au plus profond de vous -même pour saboter tout ce que vous éprouvez. Il vous oblige à interpréter vos sentiments les plus humains dans le sens de la maladie.

Vous mettez en cause l'Industrie pharmaceutique?
Dans tout le monde développé, l'influence idéologique des laboratoires est énorme. Ça ne m’indigne pas : c'est une industrie, elle doit faire face à la compétition internationale, maximiser ses parts de marché, et donc se battre auprès des pouvoirs publics, former l'opinion publique, convaincre tout un chacun qu'avaler ses produits, c'est nécessaire, ça fait du bien. Rien de plus normal, de plus logique. Mais alors, il faut pouvoir leur opposer des contre-pouvoirs, qui fassent barrage à leurs excès de zèle. Nous avons affaire à un phénomène de civilisation.

De quel phénomène s'agit-il?
L’homme contemporain se pense lui-même comme une machine. Si ça ne va pas , c'est que ça dysfonctionne, et il doit y avoir un traitement hyper rapide. On croit que, normalement, on a droit à l'euphorie, à la pilule du bonheur. C'est de la science-fiction réalisée. On enseigne désormais la science du bonheur en Grande-Bretagne et en Allemagne. Lord Layard, économiste distingué, ex conseiller de Tony Blair, le pape de cette nouvelle science, considère que la dépression est l’un des freins principaux à la croissance économique.

En finir avec la maladie, n'est-ce pas un moyen de relancer la croissance?
Mais, en l'occurrence, la tristesse est inhérente à l'espèce humaine. Si c'est une maladie, alors c'est l'humanité elle-même qui est une maladie! Il est très possible que nous soyons une infection de la planète. C'était d'ailleurs l'idée de Lacan . Depuis l'origine des temps, nous nous détruisons nous-mêmes, et notre environnement par-dessus le marché. Si on veut guérir ça, on entre dans la biotechnologie, on va essayer de produire une autre espèce, bien meilleure. Une espèce asexuée et muette. À ce moment-là, on se tiendra comme il faut!

Quand on est dépressif, on se tient mal?
On déprime quand on est malade de la vérité. Si on ne veut pas déprimer, il faut assumer la vérité, sa vérité. J'ai été touché par la phrase de Cécilia qui faisait la une d'un magazine au moment de l'annonce du divorce: « Je veux vivre ma vie sans mentir. » Voilà l'antidépresseur le plus puissant.

Sarkozy a été victime du matraquage sur la dépression.

Nicolas Sarkozy est-il dépressif?
Il a été au contraire la victime de cette atmosphère de matraquage autour de la dépression. Souvenez-vous de ces photos qui le montraient l'œil vitreux, mal rasé après l'annonce de la séparation... C'est de l'intoxication. Ce type, c'est une dynamo, qui prend à bras-le-corps la réalité , la secoue , cherche le problème et promet la solution. C'est une première. Avec Mitterrand, c'était la morale de la fin du Cid: « Laisse faire le temps, ta vaillance et ton roi. » Avec Chirac, c'était la Corrèze, le père Queuille: « Il n'y a pas de problème qu'une absence de solution ne saurait résoudre. » Et le sarkozysme, c'est un bel effort, mais ça ne va pas marcher: « Ensemble, tout devient possible »? D'abord, Sarkozy a dû constater que, dans son « ensemble» avec Cécilia, tout n'a pas été possible. Et puis, il va découvrir que, si la réalité est bonne fille, sa plasticité n'est pas infinie : elle ne se laisse faire que ce qui lui plaît. Le réel fait barrage. Soit on se fracasse dessus , soit on cherche la meilleure façon de faire avec. Et en ce mois de novembre, on voit les efforts prodigieux de notre Hercule politique achopper de toutes parts. Espérons qu'il se réveille...

PROPOS RECUEILLIS PAR HÉLÈNE FRESNEL

(Deux dessins accompagnent la publication qui occupent presque la totalité de la page 12. En raison de leur poids excessif, ils ne peuvent pas accompagner le texte ci-dessus. Ces dessins sont commentés par JAM, dans son Cours de ce mercredi 21 novembre)




TLN remercie vivement Mlle Rodriguez, Secrétaire du CPCT-Paris, son Directeur, Fabien Grasser et Pierre Sidon.



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Diffusé seulement par amp-uqbar

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ESPAÑOL


TLN tiene el placer de ofrecerles en esta entrega, la entrevista otorgada por Jacques-Alain Miller a Charlie Hebdo N° 805, del miércoles 21 de noviembre.

JAM hizo un largo comentario de la misma en su curso de la Orientación lacaniana del mismo día.(From TLN)


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Entrevista a Jacques-Alain Miller


ENTREVISTA


Cómo una campaña sobre la depresión demuestra la incapacidad presidencial para aprehender lo real. Una entrevista con el filósofo y psicoanalista Jacques-Alain Miller.


« Si la tristeza es una enfermedad, entonces la humanidad es una enfermedad »


"Quiero hablar de la depresión, de la mirada que la sociedad tiene sobre este sufrimiento que no es material. Quiero comprometer a la investigación médica francesa en el alivio de este mal" declaró Nicolas Sarkozy el II de febrero último en un discurso en la Mutualité. Hace algunas semanas, el ministerio de Salud lanzaba una campaña sobre la depresión. Se le preguntó a Jacques-Alain Miller lo que pensaba sobre ello.
Filósofo, psicoanalista, es responsable de la publicación de los Seminarios de Lacan. Jacques-Alain Miller fundó la Asociación mundial de psicoanálisis (AMP) y dirige la revista Le Nouvel Âne cuyo último número está consagrado a una crítica virulenta de la campaña contra la depresión iniciada por el ministerio de Salud. Puesto que si existen formas graves de "enfermedad del alma" - que se la llame como en otro tiempo melancolía o que se la vulgariza hoy bajo el término "depresión" - es grande la tentación de considerar la menor fatiga, tristeza o pequeña caída existencial como patología que hay que curar con urgencia antes de volver a partir hacia el combate...


CHARLIE HESBDO: ¿Que piensa usted del combate presidencial contra la depresión?

Jacques-Alain Miller: Que el presidente es un hombre de buena voluntad. Que admite que el sufrimiento psíquico no es material, no es objetivable. Pero, porque no está bien aconsejada en este tema, pone todas sus esperanzas en la medicina sin pensar en el psicoanálisis. Está mal aconsejado, o piensa profundamente que la investigación médica puede curar la depresión?
¿Quien quiere erradicar médicamente la depresión? La burocracia sanitaria internacional. Ella ha logrado poner al servicio de esta idea loca a las autoridades políticas de un número considerable de países desarrollados. Nicolas Sarkozy está influenciado, como lo está la mayoría de los franceses, por el intenso lobbyng de una parte del establishment sanitario nacional, que se ejerce en el sentido cognitivista y farmacéutico.


“Si uno no se quiere deprimir, hay que asumir la verdad.”


¿Pero como explicar este interés del Estado, del poder por nuestra salud?

No es de hoy. La Seguridad social data de 1945. Mucho antes, desde los comienzos de la época moderna, el poder va ineluctablemente hacia el biopoder, Michel Foucault lo demostró. Actualmente, la salud es en Francia un problema agudo para todos los gobiernos que se suceden, en razón del famoso "agujero de la Segu". Todo un pequeño pueblo de expertos trata de "racionalizar" el sistema. (Instituto nacional de la prevención y de la salud (INPES) , creado en 2002, se llevó brillantemente la palma con su campaña antitabaco, y en la lista de sus próximas víctimas, inscribió a la depresión. Pero si los perjuicios del tabaco tienen una cierta objetividad, no es el caso con la depresión, todo depende de la definición que usted dé de ello. Con una de ellas, ustedes pueden demostrar que el 95% de la población está afectada.

¿Cuál es esa definición?

95 % de la gente conoce una media anual de seis episodios de tristeza y de pérdida de la estima de sí. Si se decide medicalizar todo esto, entonces el crecimiento exponencial del número de depresivos se explica. No es extraño que la OMS prediga que, en 2020, la depresión será la segunda causa de invalidez en el mundo después de las enfermedades cardiovasculares. Riamos! Lo que es grave sin embargo, es que el consumo de antidepresivos, que había bajado, va a explotar nuevamente. Francia es el país que consume más psicotrópicos en el mundo.

¿La campaña depresión corre el riesgo de acentuar este fenómeno?

Está en Molière, El enfermo imaginario, o Knock: INPES persuade a la gente que si están tristes, es porque están enfermos, y los incitan a tragar medicamentos. Lo que era considerado antes como un mal momento que había que pasar, una caída anímica, un duelo difícil, es desde ahora en más "una enfermedad". El folleto depresión, difundido en millones de ejemplares, es una tentativa de adoctrinamiento masivo, perfectamente irresponsable, la ambición es remodelar vuestras emociones más intimas. Es un "alien" que se insinúa en lo más profundo de ustedes - incluso para sabotear todo lo que ustedes sienten. Los obliga a interpretar vuestros sentimientos más humanos en el sentido de la enfermedad


¿Usted cuestiona a la Industria farmacéutica?

En todo el mundo desarrollado, la influencia ideológica de los laboratorios es enorme. Esto no me indigna: es una industria, debe hacer frente a la competencia internacional, maximizar sus partes de mercado, y por lo tanto luchar ante los poderes públicos, formar a la opinión pública, convencer a todos que tragar sus productora, es necesario, hace bien. Nada más normal, más lógico. Pero entonces, es necesario poder oponerles contra poderes, que hagan barrera a sus excesos de celo. Tenemos que vérnosla con un fenómeno de la civilización.


¿De qué fenómeno se trata?

El hombre contemporáneo se piensa a sí mismo como una máquina. Si esto no funciona, es que disfunciona, y debe haber un tratamiento hiper rápido. Se cree, que normalmente, tenemos derecho a la euforia, a la píldora de la felicidad. Es ciencia ficción realizada. De ahora en más se enseña la ciencia de la felicidad en Gran Bretaña y en Alemania, Lord Layar, economista distinguido, ex consejero de Tony Blair, el papa de esta nueva ciencia, considera que la depresión es uno de los frenos principales para el crecimiento económico.

¿Terminar con la enfermedad, no es un medio de relanzar el crecimiento?

Pero la tristeza es inherente a la especie humana. ¡Si es una enfermedad, entonces la humanidad misma es una enfermedad! es muy posible que seamos una infección del planeta. Era por otra parte la idea de Lacan. Desde el origen de los tiempos, nos destruimos a nosotros mismos, y nuestro entorno por añadidura. Si queremos curar esto, entramos en la biotecnología, se va a tratar de producir otra especie, mucho mejor. Una especie asexuada y muda. ¡En ese momento, nos portaremos como es debido!


¿Cuando uno está deprimido, se porta mal?

Uno se deprime cuando está enfermo de la verdad. Si uno no quiere deprimirse, hay que asumir la verdad, su verdad. Me tocó la frase de Cecilia que fue tapa de una revista en el momento del anuncio del divorcio. "Quiero vivir mi vida sin mentir" Este es el antidepresivo más poderoso.

Sarkozy fue víctima de la repetición intoxicante sobre la depresión.


¿Nicolas Sarkozy es depresivo?

Fue, por el contrario la víctima de esta atmósfera de intoxicación en torno de la depresión. Recuerde esas fotos que lo mostraban con los ojos vidriosos, mal afeitado luego del anuncio de la separación. Es una intoxicación. Este tipo, es una dínamo, que toma la realidad, la sacude, busca el problema y promete la solución. Es una primicia. Con Miterrand, era la moral del final del Cid: "Deja hacer al tiempo, tu valentía es tu rey". Con Chirac, era la Corrèze, el padre Queuille: "No hay problema que una ausencia de solución no podría resolver" Y el sarkozismo, es un bello esfuerzo, pero no va a andar. ¿"Juntos, todo se vuelve posible"?

Primeramente, Sarkozy debió constatar que, en su "juntos" con Cecilia, no todo fue posible. Y luego, va a descubrir que, la realidad es una buena hija, su plasticidad no es infinita: ella no se deja hacer sino lo que le gusta. Lo real hace barrera. Ya sea que uno se choque con ella, o que se busque la mejor manera de hacer con eso. Y en este mes de noviembre, vemos los esfuerzos prodigiosos de nuestro Hércules político hacer agua por todas partes. Esperemos que se despierte...


PALABRAS RECOGIDAS POR HÉLÈNE FRESNEL

(Acompañan la publicación dos dibujos que ocupan casi la totalidad de la página 12. A causa de su peso excesivo, no pueden acompañan el texto. Estos dibujos son comentados por JAM, en su Curso del miércoles 21 de noviembre)


Traducción: Silvia Baudini

TLN agradece vivamente a Mlle Rodriguez, Secretaria del CPCT-Paris, a su Director, Fabien Grasser y a Pierre Sidon.




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