10 de dezembro de 2009

[ecf-messager] Journal des Journées N°70

JOURNAL DES JOURNÉES

le jeudi 10 décembre 2009, édition de 16h 24

N° 70



PASSE STRANIERA

par Sergio Caretto


Ancora una volta, in atto, ho potuto fare esperienza dell’esistenza della Scuola e di quanto questa sia indisgiungibile dalla formazione dell’analista. Direi che la mia passe è stata una passe straniera. Straniera per via della lingua utilizzata, il francese, lingua che amo ma della quale conosco pochi vocaboli (peraltro i passeurs non parlavano italiano). Straniera per la sorpresa di un più di sapere che si avverava per me nell’atto stesso della testimonianza e che, al di là dell’esito della passe, mai sarebbe potuto venire alla luce senza questa esperienza. In fondo, straniera, come è sempre stato per me il rapporto con la causa analitica nel suo cuore più intimo. Straniera come è lalingua. La mia analisi, dall’inizio al suo termine, non avrebbe potuto svolgersi senza la Scuola e dal rapporto che con essa intrattiene colei che si è prestata ad essere la mia analista. Trovo importante constatare come la passe consenta a ciascuno e alla Scuola nel suo insieme, di parlare, fino al punto di arrivare a dire il rapporto singolare che ciascuno intrattiene con la causa analitica. Quando questo accade la Scuola stessa diviene soggetto che prende parola, rivelandoci le sue impasse e offrendoci la possibilità di fare con queste e di rinnovare, a tempo col nostro tempo, il compito che è chiamata a svolgere: la formazione dello psicoanalista e la trasmissione della psicoanalisi. Oggi come ieri, tale compito resta per me un enigma che mi appassiona e che tiene vivo il mio desiderio per la causa analitica, causa alla quale sono debitore. L’indicazione datami dal cartello della passe è di lavorare, come AE, sulla posizione dell’analista nell’avvenire. Effettivamente la psicoanalisi è psicoanalisi là dove è a-venire. Nella Scuola come in un’analisi, occorre dunque arrivare a ritagliare l’a, affinchè del nuovo avvenga e orienti l’avvenire.


DOS EFECTOS INMEDIATOS DE UNA NOMINACIÓN

par Gustavo Stiglitz


Pocas horas después de recibir la comunicación de mi nominación como AE, me dirigía a la EOL para un seminario que dicto conjuntamente con tres colegas. A punto de llegar me encontré desorientado, había pasado literalmente de la puerta de la Escuela. Afortunadamente encontré rapidamente la entrada que buscaba.

Esa misma noche un sueño sin angustia: una comida con colegas en el campo (argentino y Freudiano). No puedo establecer una conversación más allá de unas pocas palabras y me encuentro atendiendo a los movimientos de un amigo, ex AE. “¿Qué hace un AE en estas circunstancias?”, era la pregunta del sueño. Al despertar ya estoy pensando en esta, mi primera intervención en JJ.

Dos efectos inconscientes que no llaman a la interpretación, dicen de la renovación del lazo con el Otro Escuela, tras el franqueamiento que es el pase.

Dos efectos que se inscriben en la línea del debate actual sobre el pase: otro criterio de perfección, a la medida de cada uno y no tan separado del trabajo analizante.

¿Qué empuja a un analizante a hacer el pase?1 En ocasiones un puro deseo de transmitir la experiencia y el punto de salida, en mi caso se agrega el work in progress sobre el síntoma-sinthome y los efectos sobre el cuerpo. Esto más que una respuesta, es un “ponte al debate!”


1. Elisabeth Leclerc-Razavet, JJ 68.



Sophie Gayard, Les dits et le dire

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LE COURAGE DE DIRE

Jean-François Cottes, « Mapasse »

Marie-José Asnoun, La passe, de la Haute couture

Jeanne Joucla, À propos du courage du psychanalyste

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RESPONSABLES

Jean-Daniel Matet, La passe, météo de l’École

Dominique Laurent, Nommer (a) ?

Jean-Claude Razavet, Débat au Collège de la passe

Nassia Linardou, Pour la passe à la NLS

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NOUVELLES VENUES

Fouzia Liget, La Naissance du désir de passe

Solenne Albert, L’Envers du parcours

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UNE SOIRÉ DES AE

Patrick Lambouley, Ce soir, soirée des AE à l’École

Pierre-Gilles Guéguen, Les Superego des Super-AE

Pascale Fari, De la nature du jetable…

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Éric Laurent, La Passe-désir

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DOCUMENTS

Yasmine Grasser, Statistiques

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LETTRES ET MESSAGES

Éric Laurent, The See Through Government

Daniel Roy, Traitement par l’urgence

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COURRIER DE RENNES


LES DITS ET LE DIRE

par Sophie Gayard


Témoignages, questions, propositions ou remarques : quelle riche diversité dans les textes autour de la passe parus dans le JJ depuis à peine un mois. Chacun ou presque avait donc quelque chose à dire concernant la passe. Une parole s’est remise à circuler, grâce au mouvement produit par les Journées, grâce à J.-A. Miller : quels en seront les effets ?

Je suis frappée des résonances que nous pouvons trouver entre les textes. Tel témoignage a donné envie à tel(le) collègue de dire autre chose, et ainsi de suite… Une chaîne de dits se tisse donc, qui à la fois préserve et relance l’énonciation de chacun. Nous nous trouvons donc au cœur de la délicate question qui nous préoccupe, entre transmission des dits et transmission d’un dire.

Les différentes expériences de passeur évoquées par les collègues dans plusieurs JJ m’ont poussée à de nouveau m’interroger sur le moment où j’avais été désignée passeur. C’était dans l’immédiat après-coup d’un « événement de corps » qui, par les arcanes mystérieux des pataquès que seul l’inconscient sait produire, m’avait conduite à l’hôpital avec un diagnostic médical peu enviable heureusement vite réfuté. Mais il ne s’agissait pas là d’un nouvel avatar du symptôme venu se loger dans un « langage du corps » supposé conforme à ma structure. Il avait cependant fallu que le corps soit touché pour passer outre certaines déterminations : malgré ma totale incompréhension de l’affaire alors, j’éprouvais que quelque chose s’était passé. La désignation comme passeur vint « interpréter » ce moment en validant qu’il s’était en effet passé quelque chose, sans y donner pour autant aucune signification, mais indiquant une orientation : vers l’École. Le moment de la désignation comme passeur correspondait donc à un nouvel arrangement (bien loin d’un « tout s’arrange »), encore insu du sujet, entre quatre termes : le corps, le dire, l’amour et la psychanalyse, en tant que c’est l’École qui en soutient la transmission. En fait, que le corps soit touché avait changé quelque chose au dire. Il me semble que c’est ce point-là qui importe, ce point-là qui rend le passeur susceptible d’être « plaque sensible ». Un état et un mouvement particuliers du dire : n’est-ce pas cela, dans une configuration nouvelle, qui se retrouve dans ce qui pousse à faire la passe ? Il reste alors à se tenir toujours sur la brèche d’en maintenir ensuite l’étonnement.

Si c’est au passant de frayer un chemin, entre les dits et le dire, entre la clarté et l’opacité, entre son hystoire et la contingence, et de savoir y entraîner les passeurs et le cartel, sans doute est-ce à l’École de préparer le terrain pour que quelques uns au moins puissent continuer à ouvrir le passage.


« MAPASSE » ET LA PASSE

par Jean-François Cottes


Je tenterai de contribuer au débat en cours sur la passe à partir de mon expérience de la passe.

mapasse

Plusieurs années avant de conclure l’analyse, j’avais décidé que je ferai la passe. C’était au moment où, répondant à des demandes d’analyse que j’avais d’abord orientées vers des membres de l’École, j’avais commencé à recevoir ceux qui me demandaient de s’analyser avec moi. La perspective de faire la passe s’était alors imposée à moi comme allant de soi. La passe à l’entrée battait son plein, mais je ne me sentais pas concerné. La passe c’était pour moi la passe finale, je n’en voyais pas d’autre.

Un an plus tard, au printemps 1998, alors qu’une crise majeure dans l’École était engagée, j’entrais à l’École après l’avoir demandé.

L’analyse se poursuivit jusqu’à son terme, elle se conclut sur une formation de l’inconscient et son interprétation lors de la dernière séance.

Cette certitude d’avoir terminé monanalyse a été plusieurs fois confirmée et jamais remise en doute.

S’ouvrit alors une période d’intense élaboration pendant laquelle je me mis à écrire sur mon analyse, les formations de l’inconscient et leur interprétation prenant une place importante au cours de ce processus-même. Au bout d’un an le processus arriva à son terme. J’en conclus que j’étais prêt à faire la passe. Or, c’est à ce moment que la passe fut suspendue. Malgré la suspension de la procédure et après avoir pris l’avis de celui qui avait été mon analyste, j’écrivis à la présidente de l’École ma demande de faire la passe à l’ECF. Quelques jours après je fis un rêve qui se passait rue Huysmans : la présidente de l’École me dit qu’elle a reçu une lettre et me demande si elle doit la faire suivre, je lui réponds oui. Quelques semaines plus tard je rencontre effectivement Lilia Mahjoub à l’École, elle me dit qu’elle a reçu ma lettre et que ma demande est sérieuse.

Je reprends alors quelques notes sur mon carnet.

Plus d’un an après, Francesca Biagi, membre du secrétariat de la passe, me reçoit, m’indique que ma demande va être examinée par le secrétariat et que je serai contacté.

Quelques semaines plus tard je me rends à Paris pour tirer le nom de mes passeurs. Une fois le tirage au sort fait, elle me dit en substance : maintenant c’est votre passe, c’est à vous de jouer.

Je contacte aussitôt le premier passeur dont j’avais tiré le nom. Nous nous verrons deux fois. Lors de ces rencontres, je ne lis pas mes notes, je savais ce que j’avais à dire. Je répondis aux demandes de précisions du passeur. Lors de la deuxième rencontre, le passeur me posa quelques questions pertinentes. Il me remercia de la confiance que je lui avais faite et me dit avoir été enseigné par mon témoignage.

Le lendemain, j’appelai le deuxième passeur qui me dit qu’il avait déjà une passe en cours et qu’il ne pouvait recueillir mon témoignage. J’appelais aussitôt Francesca Biagi et me rendis chez elle pour tirer le nom d’un autre passeur que j’appelais aussitôt et qui me dit ne pouvoir recevoir mon témoignage car elle allait elle-même s’engager dans la procédure. Je dus donc tirer au sort un quatrième passeur qui me reçut très rapidement dans sa ville de province, deux fois aussi pour à peu près la même durée. Ce second passeur me dit qu’il était convaincu par mon témoignage et que, lui aussi, en avait été enseigné.

Le cartel reçut les passeurs plusieurs mois plus tard.

Il me fallut attendre encore plusieurs mois supplémentaires pour que la réponse du cartel me soit dite par Francesca Biagi au mois de septembre suivant. La réponse était : non. Le cartel me faisait savoir que le témoignage était riche, les effets thérapeutiques certains, mais qu’il restait une ombre. Cette ombre, non précisée, m’évoqua la phrase de Lacan dans sa Proposition… sur la passe : Cette ombre épaisse à recouvrir ce raccord dont ici je m'occupe, celui où le psychanalysant passe au psychanalyste, voilà ce que notre École peut s'employer à dissiper.

Ainsi du début de la procédure de passe à la réponse, il s’écoula plus d’un an, alors que je n’avais pas attendu un jour à chaque étape pour accomplir ce qu’il me revenait de faire.

Je ne fus pas satisfait de la réponse du cartel. D’abord parce qu’elle était négative quant à la nomination comme AE, mais aussi parce que je voulais savoir sur quoi portait cette ombre.

J’appelais donc le plus-un du cartel qui finalement me proposa de me rencontrer lors d’une manifestation de l’École à Paris. Au cours de la journée un des membres du cartel me parla spontanément de ma passe et me dit que c’est à cause d’un « tout petit point » que je n’avais pas été nommé.

Le soir je rencontrai le plus-un qui me dit que le cartel avait beaucoup discuté de ma passe, qu’il avait été envisagé de recevoir à nouveau les passeurs pour préciser un point, mais que finalement ce n’avait pas été le cas, que le cartel avait considéré avoir assez d’éléments pour pouvoir décider. Il me dit aussi que je n’avais pas eu de chance, car d’une part un autre cartel m’aurait sans doute nommé AE, et que d’autre part ils venaient de nommer un AE. Enfin, il me précisa le point essentiel qui avait fait la décision : le passage au psychanalyste, la mise en fonction du désir du psychanalyste étaient restés voilés.

Et pourtant cette question avait été présente dans mon témoignage auprès des passeurs de façon très précise et mise en relation à la fois à mon hystoire et à mon analyse. En effet, au moment où j’ai commencé à recevoir des demandes d’analyse, une référence du séminaire de Lacan me servit comme point d’appui à mon élaboration dans ce moment de passe. J’en fis part aux deux passeurs en mettant l’émergence du désir de l’analyste en lien avec un versant de détermination lié à la névrose infantile et un versant de cause liée à la rencontre avec la psychanalyse à l’adolescence.

Quelque chose n’a donc pas passé du passant au cartel.

Cela ne tient pas à la conviction des passeurs qui l’un comme l’autre au cours de ma passe et par la suite, m’ont dit que mon témoignage les avait convaincus.

À partir de là, que puis-je dire du débat en cours sur la passe ?

La passe

La passe est une expérience à nulle autre pareille que je recommande à tous ceux qui ont conclu leur analyse. C’est un moment d’élaboration d’une grande intensité, qui a été pour moi très productif pour les vues nouvelles que cette élaboration m’a donnée sur mon analyse et sur la psychanalyse. Ce processus se poursuit depuis, il est le point d’appui de l’acte analytique.

J’avais parlé à mes deux passeurs de la contingence de la passe. Mon expérience de la passe m’a confirmé ce point de vue. La passe n’a rien de nécessaire, à chaque étape la contingence entre en jeu.

On débat sur le point de savoir si et comment permettre aux passants qui n’ont pas été nommés AE de témoigner de leur analyse, de leur passe. Faut-il créer un dispositif à cet effet ? Je crois surtout que la réponse revient à chaque passant. En ce qui me concerne, j’ai tenu compte de la réponse du cartel en consacrant l’essentiel de mes contributions dans notre champ à la question du désir de l’analyste. C’est ce que je continue de faire.

L’offre des Journées 38 et de celles de Rennes apporte une réponse audacieuse et qui a démontré son opérativité à la question posée.

Mais il demeure les problèmes posés par le faible nombre d’AE nommés et le peu de demandes de passe. Gageons que sur ce dernier point l’élan donné par les Journées produira un effet bénéfique.

La passe sélectionne une élite. Elle choisit ceux qui seront en charge de témoigner des points cruciaux de la psychanalyse là où elle en est et d’analyser l’expérience de l’École. C’est pourquoi la sélection est rigoureuse. Cette rigueur est nécessaire mais elle inhibe sans doute la dimension du pari de la nomination. Une nomination est un acte, elle s’appuie sur une certitude, mais participe aussi de l’acte de foi. La prudence est requise, mais elle ne doit pas faire place à la frilosité.

Prenons une autre question pour essayer d’éviter cet écueil. On débat, depuis longtemps, sur le fait de savoir s’il ne faudrait pas faire de la nomination d’AE un titre permanent. Les uns en tiennent pour le maintien de la nomination temporaire, d’autres pour l’extension de la nomination sans limite de temps, les uns comme les autres avançant d’excellentes raisons pour motiver leurs points de vue.

Je considère que les deux positions se tiennent. Comme tout un chacun, j’ai constaté et constate encore que, passés les trois ans d’enseignement, certains AE ne contribuent plus ni aux points vifs de la psychanalyse ni à l’analyse de l’expérience de l’École. J’ai aussi le souvenir d’AE qui ont trahi l’École et l’ont quittée, après et même pendant leur mandat. Mais a contrario j’ai constaté aussi que d’autres AE contribuent de façon éminente à la doctrine lacanienne de la psychanalyse et aussi à la vie de l’École et à l’analyse de son expérience, parfois très longtemps, des décennies, après leur période d’AE en exercice – comme nous l’avons vu de façon éclatante lors des Journées 38.

Faut-il opposer AE temporaire et AE non-temporaire ? Pourquoi au contraire ne pas dépasser la contradiction en les articulant et en faisant cohabiter les deux catégories dans l’École ? Cela ne suppose pas de subdiviser la catégorie d’AE. Il suffirait qu’un jury se prononce au bout des trois ans d’enseignement sur le fait de savoir si un AE est prolongé dans son titre ou non. L’unité de la passe comme celle du titre d’AE seraient préservées, il n’y aurait qu’un seul type de nomination.

Cela ne serait-il pas de nature à permettre aux cartels de nommer sans une retenue excessive ?


LA PASSE, DE LA HAUTE COUTURE

par Marie-José Asnoun


Hier matin, je me réveille avec la phrase suivante : « Je préfère la Haute couture au prêt à porter ».

La passe, pour moi, relève de la Haute couture. Pour autant, ce style n’objecte pas à la simplicité.

Chaque analyse aboutit, lorsqu’elle aboutit, à un sujet singulier qui produit un sinthome « sur mesure ».

Vraiment, pouvons-nous croire qu’il y aurait eu un âge d’or de la passe, pour en vivre maintenant l’âge sombre ?

La Soirée de l’Enseignement des AE : « La Passe III, politique » du mardi 8 décembre 2009, avec Bernard Seynhaeve, en présence d’Éric Laurent et d’Antoni Vicens, n’a pas été sans résonance pour moi.

Bernard Seynhaeve a développé un moment de solitude qu’il a lui-même qualifié d’imaginaire et nous a décrit un temps d’inhibition. Toutefois il a conclu sur la mise en place d’un travail qui marierait des analystes et des analysants.

Antoni Vicens a mis l’accent sur l’interprétation de l’École, comme l’absence d’AE. L’AE qui manque à l’ECF est une interprétation ! Cela m’a été éclairant.

Le constat est là ; il y a très peu de nominations d’AE ; selon Yasmine Grasser, neuf AE sont nommés depuis l’année 2000. Cela dit, il est aussi vrai que peu de passants se sont présentés au dispositif de la passe. Je partage l’hypothèse d’Antoni Vicens, selon laquelle il y a bien un désir de passe qui ne va pas jusqu’au désir d’AE, car si on souhaite que la passe fonctionne, c’est pour que l’AE soit un Autre. C’est une hypothèse que j’ai émise avec divers collègues.

Je n’impute pas cette rareté de nominations aux seuls Cartels de la passe ou aux passeurs. Nous ne pouvons ignorer la rareté du passant depuis quelque temps.

Je n’ai pas été passeur. En revanche, j’ai été passante : je peux témoigner que j’ai rencontré deux excellents passeurs lors de mon entrée dans le dispositif de la passe. Indéniablement le passeur est central quant à la transmission.

Ce fut et reste une bonne rencontre. Deux passeurs attentifs, généreux, posant des questions et de style alerte. L’une était plus questionneuse que l’autre mais d’un juste ton.

Les deux m’ont dit leur satisfaction de l’effort logique dans ma transmission, qui a conduit via la leur à ma nomination d’AE. Si je peux être critique, je peux aussi témoigner de ma gratitude.

Le dispositif de la passe a fonctionné et fonctionne.

Quelque chose s’est figé à l’École. Jacques- Alain Miller l’a interprétée en acte et la conséquence est le nouveau souffle sous la forme d’un magistral mouvement analysant.

Je veux saisir ce souffle pour renforcer mon rapport à la cause analytique, mais aussi bien reconfigurer le lien à la communauté analytique. Nous sommes d’abord une École d’analysants.

Ce souffle semble avoir eu un effet de « déhierachisation » de l’énonciation, dont nous ne pouvons que nous réjouir ! Éric Laurent parlait hier soir de générosité. Si j’ai bien compris, il disait que la générosité au sens de Descartes, était de situer le sujet de la bonne manière par le discours de la méthode. « Mais c ‘est au prix d’un ordre, de règles, d’une méthode que l’on parvient à conduire sa raison et son action, de manière efficace (…). (…) Ainsi je crois que la vraie générosité, qui fait qu’un homme s’estime au plus haut point qu’il se peut légitimement estimer, consiste seulement partie en ce qu’il connaît qu’il n’y a rien qui véritablement lui appartienne que cette libre disposition de ses volontés, ni pourquoi il doive être loué ou blâmé sinon pour ce qu’il en use bien ou mal, et partie en ce qu’il sent en soi-même une ferme et constante résolution d’en bien user, c’est-à-dire de ne manquer jamais de volonté pour entreprendre et exécuter toutes les choses qu’il jugera être les meilleures ; ce qui est suivre parfaitement la vertu. » (Descartes, Passions, art. 153).

Effectivement, la générosité manque à l’ECF.

Nous sommes traversés par le malaise dans la civilisation. Nous sommes entrés dans un monde de l’immédiateté.

Si le Président du réseau d’agences publicitaires TBWA Worlwide (cf. l’article du journal Le Monde du mercredi 9 décembre 2009) souscrit à l’imagination au pouvoir, pourquoi une École de psychanalyse ne consentirait-elle pas à une orientation créative ? Évidemment nous ne mettrons pas l’imagination au pouvoir, mais nous pourrons miser sur le désir du psychanalyste. Ne négligeons pas la dimension de pari que comporte la passe.

Nous devons parier sur l’invention et être prêts à tout envisager !

À PROPOS DU COURAGE DU PSYCHANALYSTE

par Jeanne Joucla


En dérivation sur l’intervention au ton vivifiant de Caroline, ma voisine, dans le JJ 68, – remercions-la pour oser des suggestions… –, je souhaitais associer sur le « y mettre du sien » dont elle fait, à juste titre, crédit au passant – mais qui détacherait, de fait, le cartel de la passe comme « n’y mettant pas assez du sien », et peut-être bien, aussi, le passeur.

Ce que j’entends, ce n’est pas que le passeur n’y mette pas du sien (cf. les nombreux témoignages dans le JJ), non plus que le cartel de la passe à la tâche deux ans durant, mais que la procédure même faisait jusque-là, me semble-t-il, fonction de bâillon, transformant les différents acteurs de la passe, hormis ceux qui en sortent AE, en motus et bouches cousues.

J’associe sur une question posée à Pierre-Gilles Guéguen lors d’une récente soirée rennaise consacrée à la vérité : question à propos du courage du psychanalyste comparé à celui du Parrhésiaste aux prises avec les extrémités de sa véri-diction, c’est-à-dire de son franc-parler, aux antipodes de la parole bâillonnée.

P.-G. Guéguen, sans ambages, situa le courage du psychanalyste du côté de celui qui « ne se dédit pas de ce qui a été dit », ainsi que du côté analysant pour lequel, « ce qui est dit est dit » quoiqu’il tente.

Sans doute y a-t-il une bonne façon de réintégrer de façon « visible » ce courage au sein du dispositif de la passe. Et que ce débat au franc-parler y aura participé grandement.


LA PASSE, MÉTÉO DE L’ÉCOLE

par Jean-Daniel Matet


Est-ce la figure du capitaine, consultant la météo pour sortir du port, qui doit inspirer un futur président de l’ECF, son Directoire et son Conseil, ou celle d’Eole qui ferait la pluie et le beau temps ? S’il se prend pour Jupiter, la mégalomanie de son délire lui sera reprochée, et si il se prend pour un tigre, c’est sa nature de papier qui apparaîtra. Toutefois il est prié d’ordonner les saisons et qu’à défaut d’incarner l’horloger, il soit le jardinier qui permettront que « cent fleurs s’épanouissent »i et que les arbres produisent des fruits.

Depuis l’élection du nouveau Conseil (2010-2012) et de son Directoire dont l’élection sera officiellement entérinée le 5 janvier, l’heure est à la transition et au brain-storming. L’équipe sortante transmet à l’équipe entrante, dans la hâte, les informations, les dossiers, les raisons de ses actions. Déjà deux réunions du Conseil ont eu lieu, se préparant à établir dès la rentrée le rythme des comptes-rendus qui seront rendus publiques sur ECF-messager. L’ambiance est studieuse, mais joyeuse comme celle qui accompagne le mouvement issu des Journées de l’ECF 2009.

Rien ne sera plus comme avant. Ce qui apparaissait comme une gageure quand nous combattions les évolutionnistes et autres comportementalistes, a trouvé une réponse dans la succession des 120 exposés qui témoignent pour chacun du moment, de la conjoncture analytique qui le fit analyste. Nous poursuivrons à Rennes qui déjà se prépare. Nous imposons ainsi aux calculateurs de tous horizons qui ont envahit notre vie sociale et intellectuelle, une méthodologie et une raison qu’ils voulaient rejeter. Nous garderons de la statistique et du calcul ce que la rigueur d’une bonne gestion suppose (les instances de l’École ne peuvent pas le négliger), mais nous resterons fermes sur notre orientation de travail qui est avant tout transfert de travail.

Ainsi la Passe elle-même se trouve questionnée, dans son appréciation clinique, comme dans le dispositif que l’École se donne pour en juger. Nous remarquons que cette interrogation est née de ces dernières Journées et du Journal qui en animent le débat bien au-delà, et non pas du dispositif lui-même. Ni le secrétariat, ni le collège, ni les cartels (j’en assume ma part pour en être) n’ont été à l’initiative de ce questionnement et de la remise en question de ce qui apparaît depuis quelques années comme malaise et dysfonctionnement de la passe. L’initiative est venue des acteurs (passants, passeurs) jusqu’aux limites que le dispositif impose quant à la confidentialité de ce qui s’entend dans le témoignage. Mais jusqu’ici, nous pouvons saluer l’effort de bien dire qui tente d’arracher à la langue de bois ce qui fait l’enjeu du problème sans tomber dans les petites misères. Le collège de la passe a perdu du coup son objet, tant le débat s’est élargi avec profit au-delà des acteurs du dispositif lui-même.

Il y a un enjeu politique. Il a été souligné et comment ne pas se souvenir en cette date anniversaire du texte « Acier l’ouvert »ii (10-11 décembre 1989) de la ferraille que Jacques-Alain Miller avait dû sortir pour ouvrir ce ciel dont les nuages menaçaient l’École elle-même. Il fit valoir les lignes de lecture politique que la situation imposait et chacun y prit ses responsabilités. L’École n’est pas de toujours, elle est sans cesse en construction, et son mouvement ne peut s’interpréter sans la dimension du temps, pas celui de la météo, mais celui de la logique. Nous n’en sommes plus à l’École avec ou sans Lacan, mais à l’École avec ou sans son envers. Il est aujourd’hui inconcevable d’opposer une École des spécialistes, fussent-ils psychanalystes chevronnés, maîtres es-passe éventuellement, à celle des analysants militants d’une cause analytique qui se jouerait sur la scène publique tout autant que sur les divans. Les uns et les autres, alternativement si l’on veut bien donner tout son poids à une permutation vraie (pas celle qui ferait revenir les mêmes toujours à la même place), sont solidaires du destin de la psychanalyse qui se joue tout autant sur les divans, dans les fauteuils que dans les Forums, les Journées, les déclarations publiques et combats en tout genre. Il n’y a pas deux Écoles, la noble qui pratiquerait la psychanalyse et la vulgaire qui en parlerait, ce sont les deux faces d’une bande de Moebius, plus encore un nouage borroméen qui perd sa pertinence quand il se désolidarise. Quel sens aurait l’action de ceux qui s’activent pour l’École si elle était réduite à une tâche sociale, si elle n’était articulée à ce qui du symptôme vient pour chaque analysant, au titre d’un reste, instaurer un lien social nouveau ? Les CPCT, les commissions de l’ECF, les comités éditoriaux en ont montré l’exemple dans la capacité de leurs acteurs à engager les enjeux pour la psychanalyse, jusqu’à renoncer à ce qui pouvait s’apparenter à un succès professionnel dans le champ social.

Pour ces raisons, je ne souscrirais pas à l’analyse qu’a bien voulu en faire Patricia Johanson-Rosen dans le JJ 61 en opposant, si je l’ai bien lu, le combat pour la psychanalyse aux exigences de l’École. Le militant pour la psychanalyse doit trouver sa limite dans l’analysant, et l’analysant, si il ne veut pas idéaliser la pratique de la psychanalyse, a beaucoup à gagner à se frotter aux effets de ce discours dans la société. Il n’y a plus d’École-refuge, au sens du lieu bunker qui préserverait les analystes et les analysants de radiations hostiles, mais ils deviennent eux-mêmes dans leur mouvement le refuge du discours psychanalytique, par l’irradiation issue de l’expérience du divan qui va toucher la société dans laquelle ils vivent.


NOMMER (a) ?

par Dominique Laurent


L’évaluation, les exigences de formation universitaire protocolisée, les reconnaissances professionnelles encadrées, surveillées, par le grand panopticon bureaucratique, visent à nommer à une place et assurer chacun de son utilité sociale. Comment éviter que dans la psychanalyse « le nommer à » vienne occulter la réflexion sur ce qu’est le nom de psychanalyste. Ce serait permettre le retour, actualisé par les exigences du maître, de l’accréditation bureaucratique de l’analyste. C’est exactement ce point que J.A. Miller interroge depuis plusieurs semaines. Le désir, nouveau et massif, de témoignage d’analysants lors de nos journées interroge le dispositif de la passe. Avec cette procédure, Lacan a combattu la réduction du devenir analyste à l’identification de critères de l’être et au fonctionnement d’institutions qui masquent la fonction analyste en tant que série de positions singulières.

La passe doit continuer à vérifier sur quelle jouissance obscure le nom de psychanalyste est posé. L’analyste a rencontré dans son analyse le « délire » qui fait sa vie, soit son fantasme, et il sait de quelle jouissance il se paie. L’analyste « délire » avec chacun de ses analysants, mais pas avec le « tous » de l’évaluation. Il permet ainsi à chacun de produire ses signifiants-maîtres, son monde, son inconscient et d’obtenir de la bonne manière le seul « essentiel » qui soit, l’extraction de l’objet a, où le « savoir y faire avec le symptôme ». Le nom de psychanalyste vient désigner non pas un être, mais un symptôme. La psychanalyse ne promeut pas d’identifications stables, collectives, pour mettre tout le monde au travail sous une discipline commune. Loin de rêver à un nouvel humanisme disciplinaire pour garantir le fonctionnement d’une École de psychanalyse, Lacan a pris comme référence l’Autre jouissance, féminine, qui n’exclut ni le souci des semblants ni le lien de l’amour. Il a conçu une École comme un ensemble sans universel où ne vaut pas le « pour tout x », comme l’indique la « Théorie de Turin ».

Notre pari est celui d’une particularité subjective soutenue par le rapport le plus étroit au savoir dans l’acte analytique même. De ce point l’analysant peut être convoqué dans un lien épistémique à la psychanalyse et à un lien social qui en passe par une École.

Ce transfert de travail se vérifie dans la procédure de la passe et les travaux exposés. Dans cette perspective, L’École a mis en place, à côté de la nomination de ses AE, deux modalités d’admission de ses nouveaux membres. L’une s’est appuyée sur les titres et travaux, l’autre sur la passe à l’entrée – perspective introduite par Jacques-Alain Miller. La première continue de fonctionner, la seconde a été une expérience limitée dans le temps. Au Congrès de Rome en 2006, j’interrogeais la façon de rendre compte, à l’heure de la tyrannie de l’expertise, de la spécificité de la psychanalyse lacanienne dans ses procédures d’accréditation. C’était un moment où la passe conclusive suscitait peu de « vocations » et où la procédure d’admission ne prenait pas en compte ou pas assez l’analysé. Au sens où Lacan formulait « il y a de l’analyste » quand « il y a de l’analysé » . « Il y a de l’analyste » inscrit quelque chose, un quod, qui n’est pas encore défini. Le jugement d’attribution porte sur « il y a de l’analysé ». Le jugement d’existence porte sur « il y a de l’analyste ». L’analyste est une existence, un quelque chose en fonction. Le corrélat de cette formulation est que l’analyste se réduit à sa fonction dans une pratique. C’est une autre perspective que celle qui vient nommer analyste celui qui atteint le terme d’un cursus.

Le succès de ces Journées révèle le caractère obsolète de toute perspective d’une liste d’analysants nommés seulement « sur travaux ». La procédure d’admission est, dès lors, à penser à partir du savoir inédit obtenu de l’analyse et des travaux effectifs. Ce serait confirmer notre pari du sujet.


DÉBAT AU COLLÈGE DE LA PASSE

Quelques notes de lecture concernant la circulation des textes sur la passe

par Jean-Claude Razavet


En relisant les textes envoyés, je note qu’un véritable débat s’est engagé, dans lequel la passion qu’a toujours suscité la passe, était présente. Il est vrai qu’avant la première réunion du collège, cette passion s’était quelque peut éteinte comme l’a fait remarquer Lilia. Il faut dire que cette passion fait pomme de discorde depuis l’École Freudienne (séparation du quatrième groupe). Et que, de chaque réunion du collège de la passe, est résulté une crise, qui nous a fait à chaque fois perdre collègues et amis. Peut-être que, jusqu’aux journées de novembre, les héros s’étaient fatigués. Au précédent mini collège par exemple, chacun a gardé sa passion dans la poche. Et pourtant, ces crises témoignent de la vitalité d’une École. La passe, et son dispositif, comme je l’ai dit jadis, est un ver dans le fruit introduit par Lacan au cœur de l’institution analytique, qui, de structure tend à devenir SAMCDA voir Société Mutuelle Contre la Passe.

Depuis la rentrée 2008, un pas a été franchi par JAM, dont témoigne son cours, et qui s’est traduit par l’impulsion qu’il a donnée à ces journées. Impulsion qu’on peut qualifier d’acte si on en juge à ses conséquences, dont l’une est le réveil du collège. Cet acte représente une véritable révolution culturelle. Il a consisté à déclancher la crise avant la réunion du collège, en donnant la parole aux analysants qui ont su dire quelque chose de leur rapport à l’inconscient.

En attendant la suite des effets de ces journées, où en sommes nous du débat ?

Concernant la question des passeurs qui était au programme, nous avons entendu les passeurs qui ont témoigné non seulement de leur expérience de récepteur du témoignage des passants, de leur expérience en tant que membre dans les cartels de la passe, mais aussi, point important, du moment de leur cure où, selon eux, ils ont été désignés. Je retiens, entre autre, le moment de « désorientation » signalé par Bernard Lecoeur.

Je voudrais maintenant débattre en toute amitié avec Rose Paule et lui dire mon désaccord concernant le portrait du passeur de ses rêves, et le savoir faire qu’elle lui prête. Bien sûr quand on est dans un cartel de la passe, on rêve tous d’un passeur comme çà. Mais si c’était aussi simple, il suffirait de lui faire faire un stage chez un éditeur. Si on en croit Lacan, relativement aux fonctions respectives de chacun des trois niveaux du dispositif, magistralement détaillées par Philippe La Sagna, ce qui défini le passeur, ce n’est pas un savoir faire mais un être. Un être la passe, un analysant chez qui est encore présent le désêtre qui a frappé son analyste. Un être qui est sensé, faire de lui une plaque sensible, selon la formule de JAM. C’est très joli à dire, mais pas si évidant à repérer comme moment clinique. Dire qu’il n’est pas question de demander des comptes à l’analyste qui a désigné le passeur, c’est déjà faire intervenir un imaginaire qui justement est à exclure. C’est à chacun d’entre nous de se demander des comptes à soi-même, quand il désigne un passeur. À chacun de nous de demander à ses collègues : « Et toi tu sais reconnaître ce moment clinique ? As-tu vérifié sa pertinence auprès des cartels qui l’ont utilisé, ou à partir de ce que t’en dit le passeur dans la cure au moment où il témoigne? Deuxième point de désaccord : proposer un portrait, c’est le meilleur moyen d’obtenir qu’on s’y conforme.

À La Sagna, je ferai remarquer que je ne vois pas très bien le rapport entre son exposé et sa conclusion relative à une nouvelle composition du cartel de la passe, avec deux passeurs et un plus un élu. Pour qu’il y ait un « turn over » important des passeurs, il faudrait peut-être aussi qu’il y ait plus d’AME nommés, ou alors que d’autres ait la possibilité de le faire.

À Marie Hélène Brousse : Je ne suis pas sûr de ce qu’elle a voulu dire en parlant d’un profil type de l’AE. Si elle veut dire que les passants sont tentés de se conformer à ce profil type, ce serait le signe d’un échec de la passe, puisque, si on se fie à ce qu’en attendait Lacan, l’AE ne peut être que le produit de l’extrême singularité de sa cure. Que veut dire vouloir faire le portrait de l’AE nouveau tant attendu ? Par hypothèse chaque AE est nouveau et on ne peut pas prévoir ce qu’il sera. Si profil il y a il faut le mettre sur le compte des grands shows qui ont été faits aux débuts pour présenter les AE. L’intérêt pour la passe n’est pas une question de marketing.


POUR LA PASSE DANS LA NLS

par Nassia Linardou


Il y a dix ans, je pouvais revenir vivre en Grèce après de longues années passées à Paris. Beaucoup de choses avaient changé pour moi entre-temps. Les rencontres que j’avais faites m’avaient donné cette possibilité de retrouver mon pays dans des conditions complètement différentes. J’étais partie médecin, je revenais psychanalyste.

Je savais qu’il y avait un champ à ouvrir dans l’après-coup de Barcelone 1998. Je me sentais engagée sans réserve. Je n’étais pas seule. Mais je savais que j’allais commencer à pratiquer la psychanalyse loin de mon analyste et sans le soutien que pourraient être pour moi l’enseignement hebdomadaire de Jacques-Alain Miller et l’environnement de l’ECF. A ce moment charnière j’ai éprouvé le besoin de prendre appui sur ma cure, sur ce que j’avais fait dans l’analyse et sur ce qui avait changé en moi par l’effet de la psychanalyse pour être en position de la proposer à d’autres. Je savais que mon analyse n’était pas finie car les effets sur le désir n’avaient pas absorbé entièrement l’angoisse, selon la formulation très éclairante de Jean-Daniel Matet. En aucun cas il n’était question pour moi d’arrêter mon analyse. Mais il m’importait de faire cet effort subjectif de me pencher sur my ruins of wrecked past purpose pour repérer ce qui en avait pris la place. J’ai fait à ce moment-là la passe à l’entrée. Pendant les entretiens avec les passeurs un travail de reconnaissance a été possible, reconnaissance de ce qui avait compté pour que je puisse, non sans angoisse, me déplacer suffisamment de l’idéal et pouvoir pratiquer la psychanalyse. Le cartel a alors proposé mon admission à l’EEP. L’année suivante la passe à l’entrée était supprimée.

Dix ans ont passé depuis. Toute la vie a tourné autour de comment transmettre ce lacanisme millérien qui nous enchantait, conquérant, audacieux, clinique, sans concessions et ouvert. Je réalise aujourd’hui que durant cette période j’ai très souvent dit ‘nous’ et non pas ‘je’ dans l’effort d’emporter dans le courant cette communauté de jeunes cliniciens qui y prenaient goût. La construction de cette communauté et ses avatars, véritable expérience subjective, est devenue l’affaire de mon analyse. Mais la passe nous manque !

Aujourd’hui il clair que des demandes d’admission se feront jour parmi les jeunes grecs de la Société hellénique. Des questions nouvelles surgissent d’ores et déjà. Est-il possible de construire une communauté d’École sans qu’elle ait une expérience de passe, sans que la passe soit cause du désir d’École ? Sans que personne de ses membres n’ait été passeur, sans que les aînés ne soient travaillés par cette question ? Comment l’analyse de chaque postulant serait-elle prise en compte dans la procédure de son admission ? Autrement n’est-ce pas le ‘syndicat’, les ‘notables reconnus par ancienneté’, le ‘chacun est chacun’ qui nous guettent à tous les tournants du chemin ?


LA NAISSANCE DU DÉSIR DE PASSE

par Fouzia Liget


En tant qu’analysante, la passe, je ne savais pas vraiment ce que c’était. J’en sais un peu plus, grâce au « Journal des Journées ». Quel savoir ai-je de la passe ? Et quelle image ? Quel espoir, aussi ?

Il y a quelques mois, un collègue, membre de l’École, me demandait si, entre jeunes, on parlait de la passe, si on y pensait. Ma réponse fut non.

J’avais gardé en tête votre intervention sur le thème des Journées 2009, le 12 octobre de l’an dernier : vous y disiez que la passe signifiait la fin de l’analyse, mais pas la fin de l’analyse de son inconscient. Ma connaissance s’arrêtait là, et je ne cherchais pas non plus à en savoir davantage. Cela me paraissait si loin…

Le débat qui s’est ouvert dans le JJ, c’était une chance pour moi. Je l’ai suivi avec beaucoup de curiosité. Un voile de la pudeur s’est levé sur une question aussi sensible que précieuse, mais aussi opaque et obscure, à la limite d’un tabou. Depuis lors, des questions émergent : comment naît le désir de faire la passe ? A quel moment décide-t-on que c’est le temps de la passe, le temps logique de l’analyse ?

Je lisais les témoignages des passants, ceux qui n’ont pas obtenu de nominations. J’ai été frappée par le fait que ces témoignages restaient lettres mortes, sans réponses, sans suite. En effet, de quoi tuer le désir de passe.

J’ai dans l’idée que la passe est une procédure précieuse, inouïe, dans une société du chiffre, du standard, qui forclot le sujet, qui méprise le désir. Ici, à l’ECF, il est permis de désirer, on devient psychanalyste par la voie royale de son inconscient, de son déchiffrement… Pas de diplômes, pas de notes, pas de standard. Une procédure commune, recueillant le plus singulier de chacun, le plus intime, mais dans une visée de transmission au service de la psychanalyse.

Alors quel espoir ? Que les témoignages des passants qui n’aboutissent pas à une nomination soient mieux reconnus. Qu’une place d’enseignement et de transmission sur la cure analytique leur soit donnée. La nouveauté des Journées a été d’entendre les témoignages d’analysants non AE. Pour ma part, ils ont suscité chez moi le désir de transmettre, de témoigner de mon analyse.

Un désir de « mini-passe », comme l’écrit joliment Giorgia, a émergé chez moi. Et pourquoi pas, un jour, la passe ?


L’ENVERS DU PARCOURS

par Solenne Albert


Je ne savais pas, il y a encore quelques heures, que j’allais m’autoriser à parler de la passe. Depuis que le débat est lancé dans le Journal des Journées, je constate pourtant que j’étais friande de chaque nouveau texte publié. Ces échanges vivants et sincères me donnaient envie de dire quelque chose moi aussi, de ce que l’analyse m’avait jusqu’alors permis de traverser. Mais les quelques lignes que je tentais d’écrire depuis que le débat est lancé furent décevantes. Comment rendre compte de ce qui fait le tranchant d’une cure lorsque la vue d’ensemble nous échappe encore ? Lorsque tous ces signifiants égrenés au fil des années ne sont que morceaux isolés, éléments disparates voir contradictoires ? Ces questions nouvelles pour moi me donnèrent envie de lire un ancien numéro de la Cause freudienne, « La passe, fait ou fiction » (n°27). Parmi les textes passionnants qu’il contient, quelques phrases d’Esthela Solano-Suarez ont particulièrement retenu mon attention : « Le passant, poussé par cette nouvelle envie de parler de son analyse, s’avance pour transmettre aux passeurs ce qu’il sait. Aussitôt qu’il veut le dire, il se trouve amené à se demander où diable est passé ce savoir qu’il avait su. Car l’ensemble de ce savoir élaboré par l’analyse s’avère avoir été imaginé ensuite comme étant à la disposition du sujet. (…) Que reste-t-il alors d’une analyse ? Des chutes, de petits rêves, de petites séquences de l’expérience, des interprétations, bref des restes. »

Peut-être qu’une passe pourrait être un moment où s’entrevoit la structure qui articule chacun de ces morceaux. Un instant où, grâce à un divin détail, la lumière s’allume, le fil conducteur, la structure qui unissait chacun des éléments patiemment dépliés au fil du temps se laisse apercevoir. Un moment où les éclats de rêves, égrenés au cour des années de cure, s’articulent autour d’un savoir nouveau.

Tous ces indices éparpillés conduisent alors à une découverte, aussi souvent recherchée qu’évitée. Assumer cette découverte qui dérange et en déplier chacune des coordonnées émergeantes est le point de départ d’un nouveau travail. Si j’avais à travailler sur cette question de la passe, ce que je mettrais en avant serait donc son accent d’ouverture vers de nouvelles perspectives. L’aspect conclusif que je pensais jusque-là être prédominant dans la passe deviendrait alors secondaire. Le précieux de la passe serait qu’elle consisterait en un instant de comprendre qui permettrait de voir l’envers du parcours. Envisager ainsi la passe permettrait de l’associer à un devenir. Elle constituerait le point à partir duquel l’analysant, assumant la responsabilité de sa découverte, accepte de s’engager dans un devenir. Il n’y a plus de « je suis ça » ou « ça ». Pas de réponse, mais une question qui suscite un nouveau désir de savoir. Il y a sans doute un deuil mais il y a surtout une naissance. C’est-ce moment où quelque chose d’un désir nouveau peut commencer à éclore qui est précieux.

La question de la passe s’articulerait alors à celle d’un devenir. Devenir femme, homme, analyste, suppose d’explorer cette zone jusque-là inconnue.

À la fin de son article « Des semblants entre les sexes » (cf. n°36), Jacques-Alain Miller aborde justement la question de la passe à partir de la différence des sexes : « Ce que la passe, vue du côté du jury, enseigne – c’est du moins ma conclusion, très transitoire – c’est qu’il y a une incidence de la différence sexuelle quand au fantasme. »

Je partage, avec Pierre Stréliski (JJ n°68), le souhait que les Journées de Rennes aient à cœur de dire quelque chose de cet inconnu. Qu’elles soient marquées par la différence des sexes, par la surprise et l’énigme, que la rencontre avec cette différence implique à chaque fois de manière particulière.


CE SOIR, SOIRÉE DES AE À L’ÉCOLE

par Patrick Lambouley


Ça tourne autour de la question de l’ouverture, de la fermeture, de la solitude de l’A.E, solitude qui n’est pas celle de l’élément unique d’un ensemble, comme celle représentée par Bernard Seynhaeve, seul AE nommé à l’ECF en ce moment, mais celle de chacun en face de sa cause.

On se demande aussi, qu’est ce que cela veut dire interpréter l’école, qu’est ce qu’on interprète quand on est A.E, on entend: on interprète le trou dans le langage, l’effet de essedegrandabarré, qu’est ce que veut maintenant l’École, plus seulement des analystes, mais des analysants, certains analysants... On se dit qu’il faudrait mêler les générations, mais on se dit aussi que certains analystes, blanchis sous le harnais, ont témoigné aux dernières journées, de leur rencontre avec la cause aussi fraîchement que si c’était hier...

D’autres A.E, anciens A.E, racontent qu’ils était difficile d’interpréter l’École sans se faire «taper sur les doigts». Quelqu’un d’autre encore évoque que l’École ne va pas bien quand le fonctionnement favorise l’entre soi et génère une dynamique de caste.

J’écoute, je suis fatigué, je me dis que je vais dire, là, quelque chose sur la question de la solitude, et sur la question de qu’est ce que c’est qu’interpréter l’École, au temps du dernier Lacan.

Mais, surprise, Bernard Seynhaeve interrompt la soirée:

«Je pense que nous allons en rester là pour ce soir...»

«Alors séance courte» demande Éric Laurent?

«Oui, séance courte.»

Je ne dirai donc pas là, pas ce soir là.

Et puis je ne suis pas membre, et pas connu, on ne me connaît pas, ma fatigue était sans doute aussi le semblant de ma résistance à apparaître, à naître à ça, à l’analyste de l’École, qui devrait être au fond la place d’où parlent non seulement les A.E, mais aussi les membres, mais aussi les autres, nouveaux venus, non membres concernés, quiconque soucieux que l’École reste le lieu d’adresse ou puisse être accueillie et entendue une parole qui témoigne de la cause, de la jouissance, de l’effet que ça fait de vivre orienté par le réel de sa cause.

Mais cette coupure inattendu de Bernard Seynhaeve, produit le désir de dire, dans l’après coup, alors j’écris, comme si je parlais, en passant par l’objet JJ.

La solitude? C’est celle de la jouissance. La jouissance est de l’un, toujours.

On attend de l’A.E que la rencontre avec cette solitude radicale avec l’objet cause, produise un discours.

Parler, du lieu même de cette solitude spéciale d’avoir opperçu l’absolu singulier du réel de cette jouissance.

Cette jouissance, quand on la rencontre, est plutôt un pousse à la boucler.

La boucler dans la cure: à quoi bon dire, raconter, déchiffrer; Traversée du désert disait Bernard Seynhaeve.

Il semble alors que la seule vérité, c’est le trou de la parole, son inadéquation à parler de ça, du CA.

Et puis, si ça passe, ça produit une parole nouvelle, poétique, humoristique, hypomane, bref un style, chacun son style.

Et la «transmission» de la cause, c’est parler en fait, quoi qu’on dise, toujours de ce style, du lieu de ce style.

Analyser un parlêtre, avec une orientation vers le réel, c’est interpréter avec un opérateur de hors sens, faire vaciller les semblants tout en en restant dupe, ce qu’il faut.

Mais, analyser l’École, qu’est ce que cela pourrait bien être.

C’est la réveiller quand elle s’endort, quand elle endort, quand elle pulsionne de mort. C’est ce que fait JAM qui n’en finit pas de faire la passe, s’est il dit dans cette soirée.

Et quand est ce que JAM interprète? Quand l’École devient une SAMCDA.

C’est à dire par exemple quand elle renvoie quiconque se prend à vouloir parler du lieu de son style, soutenu par la solitude rencontrée face à la jouissance, quand elle le renvoie au silence, dans son trou, en lui refusant ce lieu d’adresse que doit être l’École.

Seule l’École peut être le lieu d’adresse de ce genre de discours. C’est le lieu supposé pouvoir l’entendre, et désirer l’entendre.

En ce sens, parler à l’École, membres, nouveaux venus, non membres, c’est toujours, ce devrait n’être toujours que parler de ce trou dans la parole, de cet absolu singulier de cette place.

C’est donc faire la passe, à chaque fois, à chaque fois qu’on parle à l’École.

On n’enseigne à ses risques, que si on ne parle que du lieu de la passe;

Simon, c’est routine, jeu de miroir imaginaire, hainamoration.

A chacun d’avoir cette éthique; JAM ne cesse pas de faire la passe, sans le dispositif de la passe n’est-ce pas. Faisons de même, au un par un.

Pour cela, le dispositif minimal est une école qui reste ouverte à l’entrée de cette énonciation, d’où qu’elle vienne.


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