14 de janeiro de 2010

Le feuilleton n°17


n° 17






L'urgence d'une invention


Myriam Perrin – IME La Passagère, Saint-Malo






Le feuilleton préparatoire aux Journées des 23-24 janvier attend vos textes aux adresses


danielroy@wanadoo.fr


herve.damase@orange.fr



« Caïd », « provocateur », « bagarreur » sont les signifiants qui épinglent Bastien, quinze ans. Les passages à l'acte sont massifs : il frappe sans limites et insulte celui qui passe. L'urgence est de saisir l'événement déclencheur du malaise et cerner ce qui l'arrête.

Première séance : sur un versant persécutif, il dénonce les autres, un en particulier, et rapporte des scènes de bagarres et d'histoires d'une violence majeure, témoignant d'une jouissance identifiée au lieu d'un Autre absolu, armé de haine et d'une volonté de destruction dont le sujet pâtit, sans s'en plaindre. Je ponctuerai ainsi : « Quelle violence autour de vous, c'est pas marrant. » Le jour suivant, Bastien est en pleurs. Il m'adresse un : « J'en ai marre », redondance signifiante avec la fin de séance, qui permet de parier sur le signe d'une présence que donne ce sujet pour obtenir qu'elle soit mobilisable par une articulation signifiante. « Il m'a encore traité, il m'a dit que je pue, que j'avais qu'à d'aller me laver, mais je me lave moi ! » Bastien, branché en direct sur l'Autre, sur sa jouissance, par le biais de la voix, est soumis à la littéralité du signifiant. C'est par le biais métonymique du « c'est pas marrant » à « j'en ai marre » qu'il est désormais autorisé à se plaindre de cet Autre dont il est l'objet. Pour parer au défaut du condensateur phallique, je lui propose plusieurs expressions, du type « Ça rentre par une oreille, ça sort par l'autre », afin d'introduire un écart pour contrer son Autre, relocalisation signifiante avec une parole de la langue commune qui ne l'engage pas, ni ne le soumet à répondre aux voix. Je tenterai aussi de décompléter celui en place du persécuteur avec cette formule : « Il a vraiment de drôles d'idées », pour mettre à distance l'insulte et réduire le risque de passage à l'acte. Bastien s'apaise, son corps se re-saisit.


Les jours suivants, il fait état différemment des insultes : « On m'a traité de voleur » ; « Je serais au courant quand même si j'avais fait des conneries. Je les laisse parler et puis c'est tout. » Les conflits s'apaisent.


Bastien témoigne alors, qu'avec son père, fan d'un boxeur international déchu de son rang, ils regardent les vidéos des combats d'antan. À défaut d'une parole paternelle qui normaliserait la jouissance, Bastien a alors inventé sa solution qui consiste à classer la fratrie selon la force de combat de chacun, qui doit défendre qui, invention précaire pour mettre à distance l'Autre auquel il a à faire. En effet, il raconte un ancien épisode délirant : il a été battu et dépouillé par des inconnus alors qu'il allait chercher du pain, le laissant tout nu dans la rue. Endosser l'habit du héros déchu du père est ce qui lui a permis de tenir debout face à son Autre féroce !


Puis, furtivement, Bastien dit aller à la pêche. Il consent à m'enseigner et racontera son savoir-faire en eaux douces. Il insiste aussi sur sa gentillesse envers son frère qu'il a emmené avec lui. Un mois plus tard, il a pêché « une anguille énorme », convoitée par tous les pêcheurs du coin. De cette identification imaginaire, « être un pêcheur », et ce point d'où il peut se voir aimable, il se soutient. Ainsi, quand l'agitation grandit, il part à la pêche.


D'autres inventions suivront…

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