27 de março de 2015

LACAN QUOTIDIEN. Note sur Rome et L'Islam, di Antonio Di Ciaccia



We are coming to Rome

Telle est la dernière menace arrivée par un hashtag sur Twitter. Voir le drapeau noir de l’Isis hissé sur l’obélisque de la Basilique Saint-Pierre donne un certain frisson – même si c’est un photomontage. Les réponses moqueuses des romains, reprises par le Washington Post (1), sont peut-être à la hauteur des hooligans hollandais, dignes descendants des Landsknechte de Charles Quint, mais est-on conscient de ce qui est en train de se passer ?

L’Islam fait peur (2). Non seulement aux non musulmans, mais aussi à ceux qui appartiennent à l’Oumma islamique (3).

La naissance d’une nouvelle religion

Les « Évidences » révélées par l’ange Gabriel à Mahomet, un arabe du VIIe siècle, sont à l’origine de la religion musulmane. La clef est écrite dans la Sourate LXI, 6 du Coran, où Mahomet est l’Envoyé de Dieu, identifé au Messie juif et au Paraclet chrétien : il est le Prophète de la fn du monde et du Jugement dernier. On comprend la déception de Mahomet quand il se rend à l’évidence que ni les juifs ni les chrétiens ne s’empressent de le reconnaître. Mais dès que lui arrive par révélation le « Certain », il entreprend aussitôt de combattre les réfractaires à ses doctrines et de ramener par la force ceux qu’il n’avait pu conquérir par la persuasion.

À l’époque, l’Arabie était presque toute chrétienne, avec des ilots juifs, lesquels se montrèrent les plus hostiles à le reconnaître, en raison de sa connaissance précaire du Livre. Voici le trait que nous retrouvons dans le rapport de Mahomet et de ses fdèles concernant les deux autres grandes religions monothéistes : cette religion considère dépassées les religions juive et chrétienne parce qu’elles ne sont que des formes corrompues de la vraie, celle d’Abraham, qui prend forme uniquement dans le Coran.

S’il indiquait d’abord la soumission inconditionnelle à Dieu, valable donc aussi pour les juifs et les chrétiens, dès leur refus de suivre Mahomet, Islam deviendra le nom de la nouvelle religion, qui sera, pour l’humanité entière, défnitive et eschatologique – en nouant étroitement la mort et le Paradis.

Depuis lors, parmi les obligations rituelles, il faut mentionner le djihâd, la guerre sainte. Elle ne sera plus portée contre les agresseurs, mais contre les infdèles : païens, juifs, chrétiens, athées. Actuellement l’objectif est d’arriver à un État, un grand Khalifat – dont le nom renvoie à l’immédiate descendance du Prophète et aux sanglants affrontements entre sunnites et chiites, encore aujourd’hui à l’ordre du jour.

Contre cet esprit guerrier, l’Occident a plusieurs fois dû faire face. Qu’on se souvienne de la bataille navale de Lépante en 1571, voulue obstinément par le Pape Pie V, ou de la défense de Vienne en 1683. Mais, pour ce qui concerne Rome, déjà en 846, la Basilique Saint- Pierre avait été pillée par les troupes sarrasines.




Deux visions de la religion

Mais pourquoi les djihadistes veulent-ils Rome ? « Rome, dans la langue du prophète Mahomet, écrit la revue Dabiq de al-Dawlat, nom arabe de l’État islamique, est le terme qui désigne les chrétiens en Europe et leurs colonies dans le Sham (Moyen-Orient) ». Rome doit être prise en tant que symbole de la chrétienté. 

Quels sont les rapports entre Rome et l’Islam ? Il faut considérer deux aspects : primo, les rapports entre la religion et la politique ; secundo, la visée universelle des deux religions.

En ce qui concerne le premier point, ce qui a donné sa puissance à l’Islam est, depuis le temps de son fondateur, l’étroit amalgame entre la politique et la religion. Amalgame indissoluble, qui se présente encore à l’heure actuelle comme une théocratie absolue. En revanche, au fl des siècles, l’Occident a connu dans ce domaine des oscillations. Déjà au IVe siècle, saint Augustin et les Papes vont faire la différence entre l’État de Dieu et l’État temporel, ce qui sera l’objectif de Dante. La frontière qui sépare les deux ne sera défnitive qu’au XVIIe siècle, au moins chez les catholiques, après les positions prises par Venise grâce à Paolo Sarpi, un ami de Galilée.

L’autre point dolens est l’universalisme des deux religions. Pour les musulmans, il va de soi que tout vivant est soumis à Dieu – ce que l’on peut, à la limite, concevoir. Mais cela comporte la reconnaissance de son Prophète et l’obéissance aux règles théocratiques. Il est probable que l’universalisme islamique provienne de l’universalisme paulinien. Mais alors que le salut islamique est bien fxe, celui du Christ est interprété par l’Église, ce qui donne des variations. Il sufft de comparer ce que le Concile de Florence proclame en 1442, Extra Ecclesia nulla salus, avec le salut éternel pour tous les hommes de bonne volonté, formulé par le dernier Concile, Vatican II. Les musulmans sont compris dans ce dessein du salut, soit du fait de leur reconnaissance du Créateur, soit pour avoir la foi d’Abraham qui leur permet d’adorer – comme font les juifs et les chrétiens – le Dieu unique et miséricordieux du Jugement dernier (4).

Ce qui frappe, c’est l’immobilisme du côté de la doctrine islamique et le constant, inexorable mouvement de la doctrine catholique, et cela, malgré les dogmes. L’universalisme islamique se base sur la conquête territoriale et corporelle, l’universalisme chrétien va vers l’assentiment personnel et singulier des esprits.

À ce point, il faudrait étudier de près la conception de Dieu dans les trois religions monothéistes. On verra que cette conception donnera une vision différente de la religion et de l’intériorité. Par exemple, dans l’Islam, il n’y a pas à proprement parler de sacerdoce, et donc il n’y a pas de médiateur entre Dieu et le fdèle. Mais il semble que ce soit l’intériorité qui fasse défaut à la religion musulmane, bien que le soufsme en témoigne, plus particulièrement les mystiques et les poètes arabes.

Je termine avec les mots du plus grand d’entre eux, al-Hallag, bien que sa foi et son rapport à Dieu aient été interprétés par ses coreligionnaires comme athéisme et qu’il fût donc exécuté en 922 : « Pour celui qui aime, il sufft d’isoler le Un » (5). 

Notes:


1: http://www.washingtonpost.com/blogs/worldviews/wp/2015/02/20/the-islamic-state-threatens-to-come-to-rome- italians-respond-with-travel-advice/
2 : Parmi les nombreux ouvrages en italien cf. M. Molinari, Il Califfato del terrore. Perché lo Stato islamico minaccia l’occidente, Milano, Rizzoli, 2015.

3 : Cf. Tahar Ben Jelloun, E’ questo l’Islam che fa paura, Milano, Bompiani, 2015.
4 : Cf. Constitution dogmatique du Vatican II Lumen gentium, art. 16 (Rome, 1965). 5 : Cité par H. Küng, Islam. Passato, presente e futuro, Rizzoli, Milano, 2005, p. 400.

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