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Diagnostiquer - un
effort de poésie
Gil Caroz
Belgique
Querelle diagnostique
ou phénomène clinique ?
Lors de l’après-midi
casuistique de mars 2015(1), Jacques-Alain Miller a souligné́ que le diagnostic
n’est plus en vigueur dans une clinique qui prend acte du « tout le monde
délire » lacanien. Dans ce contexte, a-t-il ajouté, le diagnostic ne se dit
plus, il est sous-entendu. Par ailleurs, ce qui est à mettre en avant est
l’interrogatoire clinique en tant qu’il permet de constater le phénomène, le
préciser et le décrire très brièvement. Cette description concise est de
l’ordre d’une nomination.
Si le clinicien ne peut se
passer d’une connaissance du catalogue de la vraie psychiatrie, à distinguer
du DSM, sa compétence à décrire le tableau clinique dépend de son talent de
bien dire, celui qui lui permet de nommer le phénomène tout en n’effaçant pas
le sujet derrière le rapport clinique. Le génie de Clérambault est ici
source d’inspiration. Parlant des rapports que Clérambault rédigeait chaque
jour par dizaine, Paul Guiraud, qui a préfacé sonŒuvre Psychiatrique,
les qualifie de « certificats sur mesures, œuvres d’art autant que de science
». En une ou deux pages, Clérambault savait « épouser sans lacune et sans
défaut la personnalité du malade, ne reculant pas devant le néologisme qui
était toujours de filiation authentique. On peut dire qu’il a presque créé
une école littéraire qui devrait être celle de toutes les
administrations(2). »
L’usager du DSM 5 peut se contenter
de noter le code 297.1 (F22) pour indiquer que le patient souffre de Delusional
disorder. Ensuite, son art se réduit à préciser s’il s’agit du type
érotomaniaque, grandiose, de jalousie, de persécution, somatique ou « mixed
». A l’opposé, les descriptions littéraires de Clérambault dans ses
courts « certificats » donnent à la personne décrite une consistance vivante.
Il ne s’agit pas seulement d’un tableau clinique, mais d’une présence, une
épaisseur de corps, nourrie à l’occasion par des citations du patient. Ainsi,
on croit entendre la voix d’Amélie, lingère dans une maison religieuse,
décrivant l’étrangeté de l’automatisme mental qui la parasite. « Quand on
dit « on », dit-elle, on a l’air de parler de deux personnes… Il y a quelque
chose qui parle quand il veut, et qui arrête quand il ne parle plus. » Plus
loin, Clérambault note concernant Amélie que « son érotisme se manifeste par
des sourires et des rougeurs prolongés » ou encore qu’elle « commence et elle
arrête des gestes impulsifs. Elle dit tout haut ce qu’elle suppose que nos
pensons. » C’est comme si le lecteur participait à l’entretien quand il lit
sous la plume de Clérambault : « Une moitié d’elle se fatigant à la fin de
l’interrogatoire et lui inspirant à ne pas répondre, une autre moitié, qui
nous est favorable, s’irrite, et à haute voix elle rebiffe l’autre : « on veut
répondre, laissez, on attendra bien un peu. (3) »
On songe ici à L’amante anglaise de Marguerite Duras qui nous
permet de toucher du doigt la réticence psychotique à partir de la mise en
scène du lien qui s’installe entre l’auteur du crime et l’homme qui
l’interroge pour tenter de cerner le trou indicible de sa motivation. Et quand
Clérambault conclut de façon laconique « En résumé : Automatisme. Érotisme.
Mysticisme. Mégalomanie », ces mots qui appartiennent à une classification
universelle, sont transformés en nominations de quelques phénomènes
éminemment singuliers du cas d’Amélie.
Les présentations de malades du
Dr Lacan témoignent de l’enseignement de Clérambault qu’il reconnaît comme
son seul maître en psychiatrie. Telles que nous les dépeint Jacques- Alain
Miller (4), elles relèvent de la tragédie grecque, sauf que les participants
à la présentation, à la fois chœur et public, sont dans une attente non pas
d’une catharsis, mais d’un diagnostic qui serait le dernier mot sur le patient.
Lacan esquive cette attente en
faisant un pas de côté. Il arrive à affirmer le diagnostic, et dans le même
temps le suspendre et le problématiser pour en prolonger l’étude. Sa
référence à la classification est là pour dire la normalité du sujet
psychotique qui ne manque pas de reconnaître l’Autre dans l’automatisme mental
qui le traverse. Pour le reste, Lacan suit le fil freudien d’une nomination de
la jouissance singulière qui l’emporte sur la nomenclature psychiatrique. En
effet, Ernst Lanzer est entré dans l’histoire de la psychanalyse sous le nom
de L’homme aux rats plutôt que comme un cas de névrose
obsessionnelle. De même, on pense à Serguei Constantinovitch Pankejeff
comme étant L’homme aux loups avant de considérer le cas de névrose
infantile, diagnostic par la suite contesté.
Ainsi, aux côtés de la
nosographie psychiatrique qui convient, la psychanalyse tente d’épouser au
plus près non seulement la personnalité mais aussi la jouissance sujet. La
nomination des phénomènes relève d’une compétence littéraire, plus que
scientifique. Rien de mieux pour se former à cet effort de nomination que la
cure elle-même. Savoir nommer sa propre jouissance est une condition préalable
au bien dire relatif à la nomination de la jouissance de l’autre.
Diagnostiquer, c’est faire un effort de poésie.
Texte issu de
l’Hebdo-blog n°61, consacré à la prochaine Journée FIPA
(1). BOSQUIN-CAROZ, P.
Compte rendu de l’Après-midi casuistique des CPCT et associations apparentées
(FIPA).
(2). de CLERAMBAULT, G.,
Œuvre psychiatrique, PUF, Paris, 1942.
(3). Ibid. p. 457- 458.
(4). MILLER J.-A., «
Enseignements de la présentation de malades », La conversation d’Arcachon,
Paris, Le Seuil, 1997, p. 285-304.
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Subjective and
objective in “ordinary psychoses”
Marco Mauas
Israël
I remember
that some years ago Jacques-Alain Miller quoted Seneca in his definition of
what “classic” means: something you don’t learn or read, but rather you relearn
or re-read. Since then, this line is a sort of a good friend of mine. I read
the line as an invitation.
1- What is “neurosis”?
This is a question which
emerges from JAM’s “Ordinary psychosis revisited”. When Jean-Pierre Deffieux
visited us in December, he could ask the question with his own voice. The
effect is shocking. When you read Freud’s texts for the first time, especially
if you are still slightly inclined to believe in prohibitions or prescriptions
or proscriptions of sexuality, it seems very clear what neurosis is about. It
consists in a variety of symptoms, none of which is crystal clear from the
beginning, but you feel they are there. You didn’t need to question their
existence. Now, suddenly, there is a question: what do you mean, “neurosis”?
This is not a question which arises outside your framework, on the contrary, it
is, if we use the terms of Thomas Kuhn, at the center of your scientific
community. If “neurosis” was at a certain point a Freudian paradigm, the very
existence of the question: “what is neurosis”, implies a certain change in
paradigm. Something has changed, softly but surely. Perhaps it is not a
“scientific revolution”, but not so far from it.
Jacques-Alain Miller
re-defines neurosis, the good old paradigm, posing a series of “criteria”, as
–only for example- a clear cut differentiation among Ego, Id and Superego, and
a clearly delineated Superego. I personally needed a re-reading of Freud to try
to formulate what could be this “clearly delineated”. Wasn’t it clearly
delineated from the beginning?
Well, in his text “The
economic problem of masochism”, from 1924, Freud stresses that what he calls
Superego:
“…is much a
representative of the Id as of the external world. It came into being through
the introjection into the Ego of the first
objects of the id’s libidinal impulses - namely, the two parents. In this
process the relation to those objects was desexualized; it was diverted from
its direct sexual aims. Only in this way was it possible for the Oedipus
complex to be surmounted. The super-ego retained essential features of the
introjected persons - their strength, their severity, their inclination to
supervise and to punish. As I have said elsewhere, it is easily conceivable
that, thanks to the defusion of instinct which occurs along with this
introduction into the ego, the severity was increased. The super-ego - the
conscience at work in the ego - may then become harsh, cruel and inexorable
against the ego which is in its charge. Kant’s Categorical Imperative is thus
the direct heir of the Oedipus complex.”
So, a “clearly
delineated Superego” is a Superego whose two-faced representation may be
clearly noted, one face toward the external world, and the other face toward
the Id and its drives. Kant’s categorical imperative is also a no-imperative if
it lacks the drive’s severity, a detail that is clearly stressed in Lacan’s
“Kant with Sade”.
Jean-Pierre Deffieux, in
the opportunity of his seminar in Israel in last December, referred to the
question “what is neurosis?”, and answered—among other very important
details that I will not present here—by a no less surprising rupture of
paradigm: you need to be sure of the presence of desire in the case. He
quoted Lacan’s seminar “Desire and its interpretation”, lesson of 24 June 1959:
“This desire of the neurotic is something
which is only a desire at the horizon of all his behaviour.”
2- What is “psychosis”?
In his June 2012
intervention closing the NLS Congress in Tel-Aviv, Eric Laurent brought about
this other question. It was so soft that perhaps we didn’t feel what was all
about.
At the beginning, he
makes one point, and it is what was for Freud the scope of this term:
“The psychoses were
understood by Freud as a form of productive discourse, sustaining the effort of
subjects who fall wide of any belief in the father and ordinary tragedy, and
responding to the clinical field newly systematised by psychiatry.”
From there, he arrives
to the relationship that may be established between symptom, singularity and
the difficulties and even impasses in classification:
The paradox is that we
took on board the word “psychosis” at a time when a new systematicity, a new
classification, was emerging in the discourses. Lacan’s teaching turned this
approach to psychosis into the indication of a path where, just as we consider
the full set of equivocations at the level of the Other rather than the rules,
we consider just how much in each case the subject is unclassifiable. Les
inclassables de la clinique was a title chosen by Jacques-Alain Miller for one
of our congresses. The clinic’s unclassifiable cases mark the effort by which
the symptom, beyond groupings according to typical forms, can designate a
subject’s singularity.
I say this is situated
in the same direction as Lacan's later teaching. When the most elementary
questions arise as new, the new paradigm reveals itself as “subjective”, more
than objective, including more than ever the psychoanalysts themselves.
It reminds me some lines
of the very early Lacan, when in his “variations of the standard treatment”, he
writes:
“Thus an external
coherence persists in the deviations of analytic experience that surround its
axis, with the same rigor with which the shrapnel of a projectile, in
dispersing, maintains its ideal trajectory with the center of gravity of
the pyramidal shape it traces out.
The condition of the
misunderstanding which, as I noted above, obstructs psychoanalysis path to
recognition thus turns out to be redoubled by a misrecognition internal to its
own movement.”
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Puissance de
l'image
Réginald Blanchet
Grèce
« Que resterait-il de l’humanité sans la
psychose ? »
(Jacques-Alain Miller, Barcelone février 2005)
Il n’est plus inhabituel désormais, depuis que le
clinicien d’orientation lacanienne s’en est avisé, que des sujets qui ont
recours à son office fassent état d’un nouage RSI constitué autrement qu’au
Nom-du-Père. Il arrive qu’un tel nouage donne la prévalence à l’imaginaire, et
que le symptôme qui, au titre de quatrième rond, fait tenir le nouage des trois
autres, attienne essentiellement à l’imaginaire. Il y aurait lieu de parler ici
strictement d’une causalité imaginaire du sujet au sens où capturé par
une image il s’en soutient effectivement. Une telle causalité fait sa psychose
ordinaire.
Il arrive que le sujet qui se soutient ainsi de
l’imaginaire se présente comme un sujet mimétique. C’est le sujet
« comme si » dont Lacan dira qu’il est entré dans l’ordre signifiant
« par une sorte d’imitation extérieure ». Le sujet ici se fait image,
image d’un alter ego. Cette image ne fait pas que le capturer :
elle le constitue. Le sujet ici est pur mirage : il se mire dans l’autre.
De façon plus générale ce rapport en miroir avec l’autre s’étend au monde tout
entier. Le sujet se donne pour spectateur, « spectateur total » aux
dires d’un patient. Engagé lui-même dans le spectacle du monde comme élément du
spectacle il donne l’apparence de son intégration dans le discours commun voire
dans le lien social. Ceci fait sa normalité. Elle est essentiellement de
semblant. Son rapport aux réalisations effectives, aux engagements personnels
qui en appelleraient à son énonciation propre, le dénonce.
Il apparaît dès lors que le sujet de la mimesis
est aussi un sujet en trompe-l’œil. C’est un sujet qui se camoufle, qui
se fonde dans la masse et qui prend, tel le caméléon, les couleurs du monde
ambiant et le pli de ses valeurs. Ici, le moi idéal mais aussi les idéaux du
sujet sont d’emprunt. Le sujet ne les assume pas lui-même, il en endosse les
accoutrements. L’image en quoi il se fait consister voile son vide subjectif,
et son camouflage son être regardé. C’est aussi sa façon de se prémunir du
regard qui le viserait, lui, tout spécialement. C’est sa manière de faire avec
l’objet regard dont il n’est pas séparé. Mais de se lover sous les semblants de
son autre pour s’y diluer ne suffit pas toujours : par instants tel
patient se percevait comme regardé de partout.
C’est dire que l’élection d’un semblable comme alter
ego avec qui se soutenir dans un tête-à-tête spéculaire vise à loger le
regard omnivoyant et à le limiter. L’alter ego fonctionne de la sorte
comme un dompte-regard (Lacan) qui préserve le sujet du surgissement de
l’objet désarrimé du symbolique, soit donc l’objet qui équivaut à son abolition
de sujet, à sa réduction à l’état d’être joui par l’Autre. Car le regard de son
semblable lui renvoie une image. Elle est par construction image idéale
qui le préserve de sa qualité d’objet de jouissance. L’image voile ici l’objet
et préserve le sujet de l’angoisse causée par l’objet pulsionnel qui n’est plus
manque mais instance du réel.
Mais si l’image captive c’est parce que la
jouissance elle-même capture : sur un mode assenti ou, au contraire,
défensif du sujet. La puissance de l’image tient à l’objet a qui
organise le champ scopique. Lorsque le sujet se constitue comme sujet de la
pulsion scopique régulée avant tout par l’image, par le symptôme imaginaire, il
y a lieu d’inférer une assise symbolique défaillante et un rapport à la
jouissance non phallicisé. Celui-ci s’organiserait dès lors selon l’algorithme a /Φ0 au lieu
du rapport canonique a /-φ. Ce
que montrent déjà la dimension persécutrice du regard et l’instabilité du
nouage moyennant le symptôme imaginaire. La tendance à la mélancolisation du
sujet réduit à l’état de déchet en sa qualité d’objet joui dans le regard de
l’Autre est encore l’effet de son rapport à un corps qui n’est pas fait de
l’incorporation du symbolique. En l’absence des phénomènes plus aisément
repérables liés à P0 et qui manifestent un désordre essentiel
de l’ordre symbolique, il conviendra d’établir au plus juste le rapport du
sujet à l’imaginaire qui, souvent, assure à ce dernier l’apparence de la
normalité, c’est-à-dire de la banalité commune - ce qui ne veut pas dire
névrotique - quand il n’est que le masque d’un rapport défensif au réel de la
jouissance désarrimée. C’est encore ce qui fait l’ordinaire de la psychose et
son signe discret souvent.
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4 -
Ordinary
Psychosis and Addiction in the Postmodern Era
Thomas
Svolos
United States
Starting from the premise that we
are in a new social era, which we can call postmodernism, we can observe two
major clinical phenomena. It was psychoanalysis that formulated the first major
phenomenon with the name, from J.-A. Miller in 1998, of ordinary psychosis. I
would observe that the other social and psychiatric fields don’t know what to
say about this – books on things like the manic world of today, and the NIMH
researchers and clinicians are arguing about psychiatric diagnosis.
Psychoanalysis, in contrast, has worked for 20 years now with ordinary
psychosis, putting it to use as a concrete response to what we find in the
analytic experience.
The second major clinical phenomenon
is addiction – whose importance is no doubt recognized in the social field, the
psychiatric field and in psychoanalysis.
So, I pose a question: what, if any,
relationship or connection exists between these two different clinical
phenomena in our current social era? My wager here is that one answer to
this question might be developed following Lacan’s graph of sexuation.
I would start with an observation
from the upper half of the graphs. I argue that we can characterize the
pre-postmodern era as falling within a masculine position. The paternal
imago was strong and the world was phallicized. All of x was under the
function of the phallus. Thus, this world was a realm of neurosis, in the
classical sense. Then, of course, we have the exception. Now, much has been
made in the exegesis of the graph of the position of the exception as
the obscene father (from Freud). But, why not look at this position
differently? The classical Lacanian notion of psychosis, of Schreberian
psychosis, is yet another articulation of this position – an exceptional x that
does not fall under the dominion of the phallus. Thus, we have a clinic with
clear boundaries organized around the masculine position with regard to the
sexual non-relation – a clinic of neurosis or exceptional psychosis, phallus or
no phallus.
As for our postmodern era: this can
be structured around the feminine position. We might start with the observation
that there does not exist an x that is not subject to the phallic function,
that is not signified. We might read this at a social level as the
Marxist observation that there is no limit now to commodification and the
extension of the value system that derives from capitalism to all domains of
subjective experience (capital as limitless, all about flows, liquid,
etc.).
Or, at a subjective level, we might
say that there is no longer the position or the fantasy of exception. But, the
phallic function of all x is not complete, it is not all. And, here is
where I suggest we might pinpoint both ordinary psychosis and addiction.
J.-A Miller identified three things
for the clinician to look out for in ordinary psychosis: disturbance of the
body (eg, the body event); disturbance in the social relation; or, a
disturbance in the innermost sense of being. I suggest that these might be
understood, in a sense, as an incomplete or not all functioning of the
phallus with regard to the body (not fully mortified by discourse), social
discourse (not fully organized by the phallus), or sense of being (the master
signifier not fully in place). In contrast with the pre-postmodern masculine
position, where it is all or nothing, here in the postmodern on the
feminine side, it is a matter of not all, for all.
What is interesting to me is to
think of what we might say about addiction in this context. One hypothesis,
which I would propose, is that if ordinary psychosis is an articulation of the
subjective position, addiction is the staging of a subject’s
relation with the object a. And here we can go back to Miller's three
themes, which are indeed three of the ways of addiction: for body effects, the
experience of intoxication; for an effect in social relations – to
act differently around others; or, to change one's innermost sense of
being ("I only feel myself when I use" is a frequent refrain). For
Lacan, addiction is defined as detachment from the phallus. But, for some,
the detachment is not absolute or complete (though, I think we can in fact
articulate a Schreberian addiction – da logic of addiction as exception), but
not all for the ordinary psychotic. Thus, I suggest that, in the postmodern
era, following the logic of the feminine position with regard to the
sexual nonrelation, ordinary psychosis and addiction might in fact have this
logical link.
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De fait
Claudia Iddan
Israël
Depuis S. Freud, les signes discrets, les petits détails
du discours du parlêtre ou ceux de fait orientent la clinique. Telles de
petites boussoles, ils indiquent la direction de la cure à l'analyste. Pour
exemple, le regard jouissant de l’Homme aux rats qui, au moment de raconter la
torture terrifiante, avait donné son nom propre, sa trace singulière.
Le domaine de l’art représente l'une des sources d’inspiration
dans la recherche et l’éclairage de questions fondamentales du psychisme, ainsi
que de certains signes discrets qui sont à même de révéler une structure. Je
prendrai ici référence à l’art moderne, plus précisément au body-art, où
la performance exhibe crûment le corps humain, sa matérialité, dans une tentative
de dévoiler le réel et d’élever sa deshumanisation au rang d’œuvre d’art. La
mutilation corporelle en constitue la plupart des fois la voie préférée.
La performeuse Marina Abramovic se présente comme « la
grand-mère de la performance ». Pour elle, les performances sont des
actions de vie, pas des spectacles, et leur « fondement se trouve, selon
elle, dans la libération au moyen de la douleur : dans chaque cérémonie
traditionnelle ou rituelle, les gens essaient de dépasser la limite entre la
douleur physique et l’élévation de l’esprit afin de contrôler le corps et
casser les chaînes de la peur. »
Dans toutes ses performances, c'est soit le public,
soit elle-même qui marque son corps. J’ai entendu dernièrement un texte présenté
par Nassia Linardou-Blanchet dans lequel elle cite l’exemple où la performeuse
avait marqué sur son ventre l’étoile communiste et s’est laissée saigner jusqu'à
l’évanouissement. Il convient de rappeler ici que ses parents étaient des
partisans, ayant lutté aux côtés de Tito. La douleur physique remplit ici une
double fonction : casser toutes les chaînes symboliques et arriver à s’approprier
le corps en le contrôlant.
Ces marques sur le corps, à quoi
correspondent-elles ?
A ce sujet, J.-A. Miller fait le commentaire
suivant : « les piercings de bijoux incrustés sont à la mode aujourd’hui.
Les tatouages aussi. La mode s’est clairement inspirée de la psychose
ordinaire. Certains usages des tatouages sont un critère de la psychose
ordinaire, lorsque vous sentez que, pour le sujet, c’est une manière de s’attacher
lui-même à son corps. Cet élément supplémentaire fait office de Nom-du-Père. Un
tatouage peut être un Nom-du-Père dans la relation que le sujet a avec son
corps. »[1]
Je propose de penser ce type de marques sur le
corps comme une inscription réelle, une Inscription de facto, de fait,
qui « fait office de Nom-du-Père et s'inscrit directement sur le corps
sans passer par le symbolique : une simili-castration en quelque sorte. »
On connaît, dans la clinique, ces cas de psychoses où le sujet introduit la castration
de fait par la coupure du membre viril.
Si l'on revient au body-art, à la performance, l’action
exposée peut fonctionner comme sinthome en transformant le corps qui se défait
en œuvre d’art.
L’idée d’une opération « de fait » trouve
sa place dans le tout dernier enseignement de J. Lacan. Avec l’introduction du
nœud borroméen, les trois registres, imaginaire, symbolique et réel, sont équivalents,
ont le même poids. Cela conduit, bien entendu, à des changements qui mettent en
relief, d’un côté la place du symptôme-sinthome et, de l’autre, celle du corps.
L'un de ces changements est le passage de la fonction « une » du
Nom-du-Père à la « multiplicité » de versions du père, où chaque
version opère sur un registre différent. Dans le séminaire Le Sinthome,
le mécanisme de la Verwerfung, c'est-à-dire la forclusion du Nom-du-père,
adopte une forme supplémentaire et nouvelle qui opère plutôt sur le corps, plutôt
sur l’imaginaire que sur le symbolique. Lacan l’intitule Verwerfung de fait [2]. James Joyce
constitue l’exemple paradigmatique de la fonction « de cette démission
paternelle, de cette Verwerfung de fait, dans le fait que Joyce se soit senti
impérieusement appelé… » On sait, avec J. Lacan, que cet écrivain réussit à se
faire un nom propre et à l’élever à la dignité d’un Ego qui donne une
consistance à son corps.
La Verwerfung de fait est liée à la démission
paternelle, à une carence qui, bien entendu, active différents types de réponse
en relation avec le corps. Je voudrais proposer l’Inscription de fait du
côté du sujet comme une réponse possible qui fait aussi écho au dé-fait
paternel.
[1] J.A. Miller, Effet retour sur
la psychose ordinaire, Retour sur la psychose ordinaire, Quarto 94-95,
p. 46.
[2] J.
Lacan, Livre XXIII Le Sinthome, Editions du Seuil, Paris, p. 89.
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