11 de fevereiro de 2008

Ecole de la Cause freudienne - La lettre en ligne n° 45

La lettre en ligne n° 45
LEL n°45 - février 2008
E d i t o r i a l
Le colloque Déprime–Dépression organisé les 1er et 2 février 2008, sous le haut patronage du ministère de la Santé, par Jacques–Alain Miller, vient de se terminer. Il confirme ce que nous lisons sous sa plume en ouvrant le Nouvel Âne n°8 : « C’est la civilisation démocratique développée qui est en état de choc. Une guerre intestine la déchire, une véritable guerre civile froide qui s’accentue à mesure que la quantification généralisée, le cognitivisme, la génétique, les bio et nano technologies affirment leur prétention à régenter pour ainsi dire, le dasein. » Le signifiant-maître de la dépression tel qu’il s’étend sans nuances, à travers les savants dosages médicamenteux ou les nouvelles formes de « rééducation émotionnelle », se passe de son S2, le savoir, pour tenter de rendre l’objet a cause d’un désir singulier, commun. N’est-ce pas là le signe de la déshumanisation propre à notre époque : des sujets rassemblés en groupes que l’on pourrait qualifier de « fonctionnels »1 attendant le traitement adéquat ? La langue est porteuse de bien d’autres signes de ravalement du sujet, les notions de « stress » et de « pression » se sont substituées à l’angoisse et à la douleur morale. Il s’agit moins de pensées et d’affects que de « cerveaux qui se fatiguent plus rapidement ». Est-il nécessaire de rappeler que le stress est « un syndrome général d’adaptation dont la dimension psychologique est absente »2 ? Il est issu du vocabulaire des vétérinaires pour rendre compte de la mort subite qui peut se produire chez les petits animaux lors d’une capture.
Un écho inquiétant déjà nous vient du Japon : le karoshi, mort subite par « stress au travail ». Les désordres psychiques remplacent psychose et névrose. Les notions de troubles provocateurs oppositionnels, de troubles des conduites viennent mettre en évidence, au mépris du signifiant, ce qui dérange dans le comportement. Le glissement sémantique atteint la criminologie en désignant les criminels sous les termes d’ogres et de prédateurs.
Ce colloque nous a montré que la psychiatrie a épousé l’air du temps et tend à réduire le sujet au silence. En effet, le DSM est un instrument par lequel la « maladie » n’est que la recomposition ou plus exactement la création d’un sujet virtuel résultant de la combinaison de quelques signes entre eux. Autrement dit, la psychiatrie a accepté la disparition de la folie comme l’être de l’homme fondé dans la langue. La pratique croissante de la sismothérapie (l’électrochoc d’hier) en témoigne.
Le meeting des 9 et 10 février organisé par le Forum des Psys, à la maison de la Mutualité à Paris, sous le titre « Quelle Politique de Civilisation, "Réhumaniser" la société : comment ? Cognitivisme ou psychanalyse, Vivre sous Sarkozy» prolongera nos réflexions. Mais d’ici là, un gai savoir, combatif et critique se déploie dans les pages du Nouvel Âne n°8.
Dans ce contexte le congrès de l’Association Mondiale de Psychanalyse qui se tiendra à Buenos-Aires en avril 2008 sous le titre
« Les objets a dans l’expérience analytique » résonne à contre courant de cette jouissance stéréotypée où se prépare un avenir sans nom. A l’époque de l’Autre qui n’existe pas, du déclin du père et de l’Idéal, la psychanalyse, en retrouvant à travers « l’objet cause d’un désir » le sens d’une vie démontrera dans cette rencontre internationale que notre clinique est politique.
Francesca Biagi-Chai
1. Lacan, Introduction théoriques aux fonctions de la psychanalyse en criminologie, Ecrits, Seuil, 1946, p. 145.
2. Définition du dictionnaire

Ecole de la Cause freudienne (ECF) 1, rue Huysmans, 75006 Paris France
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