Masques du semblant Bernard Lecoeur Cherchant à préciser ce qu’il en est de la dimension de l’imaginaire, Lacan se réfère souvent au semblant, pour ne pas les confondre. Du second il a donné plusieurs exemples dont un lié au phénomène de perception. A la fin de son Séminaire Les psychoses, il interroge la place à donner à l’illusion que produit l’apparition d’un arc-en-ciel. Ce dernier, précise-t-il, comme tel n’est pas imaginaire. C'est quelque chose issu du réel et qui n’advient au statut de semblant que par la vertu du signifiant. Dans une période ultérieure de son enseignement il avancera une formulation plus générale selon laquelle le discours scientifique ne trouve le réel qu'à ce qu’il dépende de la fonction du semblant (1). Cette présentation de l’incidence du semblant pour la science n’est pas à restreindre à une question de méthode. Un autre aspect l’accompagne, tout aussi important, et qui touche aux rapports que le discours de la science instaure entre le sujet et le semblant. C’est cet abord qui est ici examiné. Fabriquer un sujet La science fait porter le semblant sur le sujet, c’est là une condition de production de son savoir (2), nous dit Lacan. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le discours de la science doit lier ses avancées au sort d’un sujet. Pourquoi s’embarrasser d’un tel fardeau si ce n’est pour se prémunir contre le retour d’une présence divine, trop encombrante dans le champ de la cause ? L’apparition de pareil fantôme amoindrirait tout effort de formalisation. Par cette simple remarque une opposition se dégage, selon laquelle l’enjeu de la science est de construire un semblant de sujet, en tant qu’opérateur de la recherche, alors que la psychanalyse, elle, fonde son action sur un agent qui vise à se faire semblant d’objet. Dans Radiophonie Lacan reprend cette question du statut du sujet considéré à partir du discours de la science. A quoi peut bien s’apparenter un tel discours ? Il prend " ses élans du discours de l'hystérique ", nous dit-il, ce qui implique de n’être pas complètement étranger à une certaine division, où confinent ses origines. Comment qualifier un tel sujet ? Contrairement aux idées reçues, son habit n’est en rien celui de la certitude. Loin d’être ce monolithe maçonné dans le savoir, il se rapproche plutôt de celui du doute, d’un sujet réduit à la pensée de son doute. C’est par cette voie méthodique du semblant appliqué à la pensée, que s’obtient le cogito adopté par la science. Le discours de la science trouve à s’écrire d’une manière identique à celui de l'hystérique. A un détail près, qui change tout. Si tous les termes du discours peuvent être reportés à la même place, un sort particulier doit être réservé à l’élément désigné comme plus-de-jouir. Dans la science, le plus-de-jouir (a) se voit recouvert d’un masque très particulier, un masque de fer. (3) Une compagnie lacanienne des masques A de nombreuses reprises Lacan a eu recours au masque dont l’étymologie, rappelons-le, renvoie à la sorcière voire au démon.(4) Le masque est ce dont le partenaire de la mante religieuse est paré, dans un apologue où le désir, en tant que question, fait du suspens la temporalité de l’angoisse. Dans une dimension non moins tragique, le masque est aussi ce devant quoi le jeune enfant reste interdit à l’instant où il découvre qu’un masque peut en cacher un autre. A moins qu’il ne s’agisse de celui des amants de l’Opéra, la déception est d’autant plus vive que l’agalma côtoie le déchet. Ne pas oublier dans cette galerie le masque à volets, mis en avant par Lévi-Strauss, et que Lacan dépliera comme un espace propre au moi et aux idéaux de la personne. À cette collection il faut donc en ajouter un, le masque de fer. L’une de ses fonctions essentielles pourrait être ainsi résumée : à l’inverse des précédents, il ne peut donner lieu à aucun démasquage. Le masque de fer n’est susceptible de ne rien livrer d’autre que ce qu’il donne à voir, laissant une béance là où l’on attendait une vérité de la représentation. Ce qui, bien entendu, n’a pas, pour autant, découragé certains de donner à la vérité un visage. Combien d’hypothèses, des plus farfelues, n’ont-elles pas été émises pour proclamer l’identité de celui dont le nom propre fut réduit au masque qu’il portait ? D’un frère jumeau de Louis XIV au surintendant Fouquet, en passant par d'Artagnan, ou encore un amant de la reine…, les divagations historiques les plus extravagantes sont allées bon train. Sans doute parce que le masque de fer n’est pas l’écran d’une vérité mais le carcan d’un vide. Rendre présent tout en dissimulant est un franchissement qui lui reste étranger. A la différence du discours de l’hystérique qui use de la jouissance du corps comme matière à faire du vrai, le masque de fer, déposé par la science, empêche le sujet de traiter le plus de jouir comme une vérité dont on peut soutirer une satisfaction. Larvatus prodeo La référence au masque s'enrichit d’une recommandation que Descartes formule devant l’émergence du cogito : " Les comédiens, appelés sur la scène, pour ne pas laisser voir la rougeur sur leur front, mettent un masque. Comme eux, au moment de monter sur ce théâtre du monde où, jusqu'ici je n'ai été que spectateur, je m'avance masqué." (5) Le Larvatus prodeo a rencontré d’incontestables succès auprès de commentateurs nombreux, donnant lieu à de multiples interprétations, parmi lesquelles figurent les arguments d’une philosophie du double jeu, voire d’un Descartes libertin, amateur du jeu des masques. Évitant ce piège, Lacan souligne combien la fonction du masque cartésien est déterminante dans l'avènement d’un sujet par le discours de la science. La pose d’un masque de fer sur le plus-de-jouir porte atteinte, de manière rédhibitoire, à la mise en jeu de toute satisfaction. Ainsi, les signes qui témoignent, ou trahissent, l’avènement d’une jouissance humaine, comme cette rougeur qui gagne le front de l’acteur sitôt que l’intime entre en scène, se trouvent-ils scellés. C’est à ce prix que la vérité peut être renvoyée au signifiant, c'est-à-dire à un chiffrage excluant toute jouissance. L’efficacité du masque de fer ne tient pas à ce qu’il cache mais au signe qu’il donne à lire, Larvatus pro deo. L’homologie entre le discours de l'hystérique et celui de la science étant acquise, reste l’essentielle différence. Si le premier fait de l'objet a l'enjeu d'une quête portant sur la vérité du désir, le second opère par une contention de l’objet, un " cadenassage ", qui confine à assigner le plus-de-jouir à résidence. La satisfaction qui s’attache ordinairement à la question de la vérité se trouve, dans le cas présent, mise hors circuit par la voie du semblant. Ce procédé est remarquable, il distingue la suppression du sujet par la science d’un processus plus général de forclusion d’un signifiant. Congé de jouissance Afin d’apprécier de manière plus précise l’opération de mise à l’écart du plus de jouir par le discours de la science aidons-nous d’un terme rencontré sous la plume de Lacan, dans Lituraterre. Ce texte, essentiellement consacré à la production et à la fonction de la lettre, fait de celle-ci une rupture. De quoi ? Du signifiant, ou mieux une rupture du signifiant en tant que semblant. Cela trouve à s’illustrer par l’effet qu’engendre la lettre sur tout ce qui, dans notre monde, appartient au domaine de la forme (morphe) ou à celui des phénomènes chers à Descartes, tels les météores. A cet égard il existe une grande proximité de la science et de la lettre, Lacan reprenant là une idée pour lui déjà ancienne. Toutes deux " opèrent " - voilà leur faire commun - dans le sens d’une dissolution des formes perceptibles. Cependant persiste une différence, non négligeable, à l’endroit de la jouissance. Dans la science, nous dit Lacan, elle est " congédiée ". " La lettre qui fait rature s'y distingue [de la dimension du signifiant] d'être rupture, donc, du semblant, qui dissout ce qui faisait forme, phénomène, météore. C'est ça, je vous l'ai déjà dit, que la science opère au départ, de la façon la plus sensible, sur des formes perceptibles. Mais, du même coup, ça doit être aussi d'en congédier ce qui, de cette rupture, ferait jouissance... " (6) Congédier. Ce verbe est l’occasion de rappeler combien l’étymologie est une source de richesses, d’avantage par les opacités de sens qu’elle fait naître que par l’exhumation d’hypothétiques significations oubliées. Si ‘donner son congé à quelqu’un’ est bien en effet lui rendre sa disponibilité, ça n’en est pas moins l'action par laquelle on dispose ce quelqu'un à un certain endroit en lui assignant une place. Aussi le congé est-il l'action de se rendre à un endroit et de s'y tenir. Poser un masque de fer sur le plus-de-jouir, ainsi que procède le discours de la science, contribue à lui donner congé, ou encore à l’aliéner en un lieu indexé par une signification univoque. Par exemple, la dimension de perte pure qui s’attache à la notion freudienne de pulsion peut être convertie, par une économie savante de plus et de moins, en une figure de la vie où le hors-sens de la jouissance est reconduit au baquet des conceptions du monde, marqué de l’estampille du sens commun. L’homme masqué Située sur le parcours qui, partant du symbolique s’oriente vers le réel, la lettre tient une place un peu paradoxale par rapport au mur du semblant. Elle s’en trouve si proche qu’elle en arrive à le rompre. Le domaine de la lettre est une limite, un point de bascule, qui nous incite à ne pas céder à la tentation d’un " tout est semblant ". Un tel énoncé, en effet, par la généralisation abusive qu’il induit, dévalue la portée du semblant. Cette bascule est à situer en un point où, passant d’une référence qui implique l’autre signifiant (S1 / S2), le semblant pivote vers une auto-référence. Là encore la compagnie des masques peut nous procurer une aide précieuse pour saisir ce passage, en ayant toutefois, au préalable, ajouté un exemplaire nouveau à notre collection. C’est dans la pièce de Wedekind, L’Eveil du printemps, qu’il se rencontre. Celui que revêt un personnage, précisément appelé ‘L’homme masqué’, auquel Lacan accorde une fonction éminente, d’être celle du semblant par excellence. Le projet de la pièce vise d’abord à montrer en quoi consiste l’affaire, pour les garçons, de faire l'amour avec les filles. Le point de vue ainsi adopté ne cherche pas à établir une symétrie sexuelle. Dans une telle affaire la tâche du garçon est de rejoindre " son type ". Loin de chercher à faire l’un, ou pire l’unique, sa position est celle de l’un entre autres. Pour faire l’homme il doit " s’entrer entre les semblables ", ce qui peut entraîner quelques difficultés, comme c’est le cas pour un certain Moritz de la pièce. S’exceptant et ne voulant rien entendre de cette position il fait la fille, selon l’expression dont le gratifie son ami Melchior. Pourquoi pareil destin ? Comment Moritz en vient-il à s'expatrier dans un au-delà du réel du sexe qui le conduit droit au royaume des morts ? La réponse que propose Lacan tient en peu de mots. L’errance du garçon résulte de son refus de se faire la dupe d’un nom, d’un nom dont le modèle passe pour être celui du père. C’est cette fonction que dit très bien ‘L’homme masqué’. L'intérêt de ce personnage - ou plutôt celui même du masque qu’il porte - n'est pas de ramener le père aux avant-postes mais plutôt de réfléchir au nom, à sa valeur de nom propre comme excellence du semblant (7). La préface à la pièce de Wedekind est d’ailleurs l’occasion, pour Lacan, de reconsidérer son abord de la question du nom. Il ne cherche plus, comme par le passé, à lui donner un statut à partir de la logique mais se tourne vers la théorie des nombres. Le nom propre est un nom de nom de nom, l’introduction d’un triple dans la nomination fondant ainsi une version nouvelle du masque. Ca n’est donc plus à partir d’un emboîtement de signifiants que s’apprécie le statut du nom mais à partir d’un lien avec l’impossible : celui qu’il y a à rejoindre le deux (8). Le deux, pris tout seul, conduit à une impasse de caractère logique. Le nom propre, nom de nom de nom, serait le semblant offrant, si ce n’est une issue, du moins une voie de dégagement face à l’inaccessibilité dont se soutient l’impossible rapport entre les sexes. Considéré de la sorte, le nom propre comme masque du semblant n’engendre pas de représentations et ne produit aucun effet de signifié. Encore moins incarne-t-il une unité d’où se déduirait de l’être mais renvoie plutôt à une existence, prise au sens fort. Le fait de se tenir à côté. " Le masque seul existerait à la place vide où je mets la femme " (9), confie Lacan. C’est une confidence, en effet, que celle de désigner le lieu où, pour un quelqu’un, fût-il Lacan en personne, s’engendre le semblant. Ici, un vide où la femme repose. Loin d’être oratoire, cette précision ne met en valeur nul trait particulier propre à un sujet mais fait entendre l’accent d’une singularité qui est celle d’un parlêtre. Cet accent a d’ailleurs déjà résonné par le passé, lors d’une séance du séminaire portant sur le lien du nom propre avec cette catégorie, si problématique pour la logique aristotélicienne qui est celle du singulier (10). -
(1) Lacan J., Séminaire 18. Seuil. Leçon du 20 janvier 1971 -
(2) Lacan J., Note italienne. Autres Ecrits. Seuil. p. 308 -
(3) Lacan J., Radiophonie. Scilicet 2/3. p. 89 -
(4) Dictionnaire étymologique de la langue française. O. Bloch et W. Von Wartburg. PUF. -
(5) Descartes R., Lettre à Beeckman. Cogitationes privatae (1619-1621) -
(6) Lacan J., Séminaire XVIII. Seuil. p. 122 -
(7) Lacan J., Préface à L’Eveil du printemps. Autres Ecrits. Seuil. p. 563 -
(8) Lacan J., L’étourdit. Scilicet 4. Seuil. pp. 24,34,50. -
(9) Lacan J., Préface à L’Eveil du printemps, op. cit., p. 563 -
(10) Lacan J., Séminaire XII. Inédit. Leçon du 5 mai 1965
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| - A fantasia feminina e o semblante
Ana Lúcia Lutterbach Holck Em um texto anterior (1) procurei estabelecer, a partir da experiência do passe, alguns pontos sobre as relações entre a posição feminina no final de análise e a posição do analista como semblante, instigada por um breve e preciso comentário de Miller em sua conferência, Semblantes e Sintoma. Miller lembra que, para Lacan, o analista ocupa a posição de semblante, a mesma posição que uma mulher pode vir a ocupar no final de uma análise. Posição feminina que não se confunde com a mulher, nem com o identificar-se com o objeto. E ele conclui: "O analista não existe, assim como A mulher não existe, existem analistas, como atesta a experiência do passe". Seguindo o que desenvolvi na ocasião, procuro agora estabelecer a função da fantasia feminina, o final de análise e o semblante. O semblante e a transferência Em francês, o termo "semblant" faz parte do discurso corrente. O próprio Lacan vai elevá-lo à dignidade de conceito depois de pescá-lo na vida cotidiana, da boca de sua neta quando esta tecia elucubrações sobre a diferença entre o que "era de verdade e o que era de semblante" (2). Em português, semblante tem o sentido de rosto, face; ou, menos usual, de aparência, fisionomia, aspecto. No entanto, Miller, em La Naturaleza de los semblantes, nos diz que, em Lacan, semblante tem relação com aparência mas não coincide com esta, também não é simulacro, mentira ou falsidade, nem artefato, aproxima-se mais do parecer. "A natureza está repleta de semblantes", nos ensina Lacan no Seminário 18, como as aparições brilhantes e efêmeras do arco íris, gotículas de água suspensas e coloridas com as cores do espectro solar que aparece no céu como um arco multicor inapreensível. O conceito de transferência, ao contrário do conceito de semblante, é tão antigo quanto a psicanálise e Lacan, além de dedicar um ano de seminário ao tema, este atravessa todo o seu ensino. A transferência, como nos assinala Laurent, "[...] é a chave da relação com o saber em uma análise. [...] Trata-se à primeira vista, de um conjunto de sentimentos, positivos e negativos, que correspondem aos modos da relação fantasmática de cada analisante. Ela ultrapassa a pessoa do analista."(3). Só à primeira vista a transferência é o conjunto de sentimentos, o primordial são "os modos da relação fantasmática" que se revelam na relação transferencial, ou seja, a transferência é o uso que o analisante pode fazer do analista para deduzir o objeto que, supostamente, foi para o Outro, âmago da fantasia. Sujeito suposto saber e semblante de objeto seriam posições que um analista pode ocupar na transferência. Uma análise e o semblante
No testemunho do passe, apresento a análise em três tempos – biografia, biografagem e biografema –, e três versões do objeto: as duas primeiras na via da identificação e ao final como semblante do objeto causa. Na primeira etapa, biografia ou vida descrita, mais uma vez devastada pelo amor, tratava-se de uma narrativa prosaica predominada pelo amor e onde tudo tomava sentido e muitos. Temendo a transferência erotizada, buscava um analista que pudesse se colocar fora da série do amor. Busca ingênua e ao mesmo tempo reveladora. Ingênua porque pretendia deixar fora o que seria a própria mola da análise e reveladora porque, ao procurar fazer obstáculo ao saber inconsciente, ficou patente a erotomania histérica, a identificação ao objeto amável. De uma proliferação de sentido na tentativa de recobrir o real, na segunda etapa, biografagem ou vida de escrita, essa busca resulta num certo esgotamento e descortinam-se brechas no saber, marcas de gozo sem sentido, que permitiram a escrita da fantasia e suas consequências. Inicialmente, havia na transferência uma preponderância do sujeito suposto saber, mas no salto do saber ao gozo, a analisante lança mão do analista como objeto fora dele para deduzir sua própria posição de objeto. Essa operação só é possível, quando o analista, suspenso de seu ser, torna-se semblante de objeto e se oferece como lugar vazio. Como resultado dessa operação, há redução do palavreado e o objeto ressalta, destaca-se. As duas posições do analista, semblante e intérprete, não são coincidentes mas se enlaçam pois, no ato da interpretação o analista torna-se oráculo inspirado em sua experiência como semblante de objeto. Se na biografia prevaleceu a narrativa repleta de sentido, na biografagem a escrita ficcional, no terceiro tempo, biografema ou escrita vida, houve um privilégio da letra: "Entre centro e ausência, entre saber e gozo, há litoral, o literal" (4). Biografemas (5), para Barthes, são alguns pormenores, gostos, inflexões. No final de uma análise, prevalece o silêncio do analista que dá lugar à invenção do analisante, ao que Lacan chamou, sinthome. Invenção com o que resta de uma análise, peças soltas, retalhos de gozo sem sentido, cenas fulgor, traços, uma escrita vida sobre algo que já desapareceu. Como a experiência de análise resulta em um analista? Como o final de análise está associado à posição de semblante? O feminino e o semblanteDurante o dispositivo do passe recortei distintos momentos em relação ao objeto (6). Primeiro, identificação ao objeto ideal, inatingível, sustentado pelo amor cortês, aquele que deixa a dama no lugar da Coisa, daquilo que não pode ser tocado sem horror. Depois, identificação petrificante ao objeto da fantasia perversa, objeto dejeto, vítima submetida ao gozo do Outro. A cada fracasso da precária identificação, tanto ao objeto ideal como ao da fantasia masculina, resultava na queda em um abismo ilimitado, puro vazio e desejo de morte.
A revelação da fantasia permitiu verificar que fazia-me um objeto para se ter, fazer e acontecer, para um suposto gozo do Outro. Nomear o gozo teve como efeito a extração do objeto que velava o furo e a fantasia perdeu sua consistência imaginária, o eu se esvaziou. O objeto foi transposto em sua função de obstrução para a de causa de desejo. O objeto como causa de desejo é efeito desta separação, do descolamento da identificação, quando se crê ser o objeto para a posição de causa, onde não se é, mas pode consentir em fazer-se semblante de objeto causa de desejo para um outro. A experiência de análise, quando produz um analista, produz essa espécie de milagre, é seu efeito, seu fim. Como nos ensina a experiência mais comum, nas relações, as mulheres privilegiam o amor e os homens o sexo. As mulheres amam o amor, amam serem amadas. Daí as eternas queixas femininas: "sou apenas um objeto para ele", numa depreciação do desejo masculino. Podemos considerar que, na expectativa de se fazerem amadas, as mulheres se identificam ao objeto da fantasia masculina, mas ao fazê-lo tornam-se objeto dejeto por isso a depreciação do desejo masculino. No Seminário 8 Lacan diz que no final da análise há uma transposição de amado em amante. Nomear o objeto da fantasia, é justamente se dar conta que não existe O objeto do desejo, a fantasia não passa de um artifício singular que torna um objeto desejável, ou seja, é a maneira de cada um fazer existir a relação que não há. Isso não é sem consequências também para o amor. A mulher sai da posição de permanente expectativa de escutar palavras que a convençam de ser o objeto de amor, para associar o amor ao sexo. É com um novo amor e contando com o corpo que uma mulher, pode se fazer objeto sem sê-lo, momento raro, fulgurante e efêmero, no qual ela torna-se semblante de um objeto que além de não existir, ela o desconhece. Essa experiência, de desidentificar-se do objeto e conceder em ocupar a posição de semblante, está associada à posição de analista como semblante. Suspenso de seu ser, o analista torna-se semblante de a, e, como as gotículas suspensas do arco íris, é colorido pelo espectro, pelo fantasma do analisante e algo inapreensível se realiza em ato. Na expressão "faire semblant", como em "savoir-faire" o verbo fazer não indica uma ação do eu, mas uma posição. Para o analista, fazer semblante é a única posição sustentável na transferência, como observa Lacan no seminário "Ou pire...": "[...] o analista não faz semblante: ocupa a posição de semblante. Ocupa-a legitimamente porque com relação ao gozo, [...], não tem outra posição sustentável...". E mais adiante: [...] Quando o ator usa sua máscara, seu rosto não gesticula, não é realista, o pathos está reservado ao coro, por que? Para que o espectador, aquele da cena antiga, encontre seu mais de gozar nele" (7)."Não há O psicanalista, como não existe A mulher", existem psicanalistas um por um, a cada vez e de vez em quando. Isso que resta de uma análise, exige um trabalho sem fim até o fim: "Cada um responde como pode e como quer. A resposta de um não convém a nenhum outro, ela é inconveniente, responde àquilo que necessariamente ignoramos e é nesse sentido, indecifrável, jamais exemplar". [...] Longe de todas as injunções do "Eu devo" e de todas as pretensões do "Eu quero". [...] A resposta "é preciso", pode, de fato, ser ouvida, mas aquilo que no "é preciso" não se ouve é resposta a uma pergunta que não se descobre".
Este último parágrafo é condensação da resposta de Blanchot (8) à pergunta: o que é escrever? A posição do analista é a do leitor desinteressado mas que ao interpretar, servindo-se de sua experiência como semblante de objeto, permite ao analisante se deixar tomar pelo textual e fazer de sua falação uma escritura: tudo que é escrito parte do fato de que será para sempre impossível escrever como tal a relação sexual"(9). Uma escritura incomparável, resposta inconveniente, isto é, que não convém a nenhum outro. E não o faz porque quer, nem porque deve, trata-se de uma escolha forçada. Forçada mas sem nenhuma injunção vinda do Outro, simplesmente porque "é preciso", resposta a uma pergunta ignorada. -
(1) "A mulher, o analista e o semblante", texto apresentado no VIII Congresso da EBP, Florianópolis, abril/ 2009. -
(2) De la naturaleza de los semblantes, p.10. -
(3) Laurent, E. O real do sinthoma ou a inocência do sinthoma. Opção Lacaniana, nº 54, p.35. -
(4) Lacan J., "Lituraterra". In Outros Escritos. JZE: Rio de Janeiro, 2003, p.21. -
(5) Barthes R., Sade, Fourier, Loiola. Lisboa: Edições 70, 1979. p.14. -
(6) Cf. Holck A.L., Patu. a mulher abismada. Subversos, Rio de Janeiro, 2008. p.106 a 116. -
(7) Lacan, J. Seminário...Ou pire, lição de 10 de maio de 1972 (Inédito). -
(8) Blanchot, M. O livro por vir. Ed. Martins Fontes, São Paulo, 2005. p. 39. -
(9) Lacan J. O Seminário. Livro XX. Mais Ainda. Zahar, Rio de Janeiro, 1982. p.49. -
Du littoral, en psychanalyse -
Une lecture de Lituraterre -
Marie-Hélène Roch Ce titre est motivé par la question que pose Lacan dans son écrit intitulé Lituraterre : "Est-il possible du littoral de constituer tel discours qui se caractérise de ne pas s’émettre du semblant ? "(1) Dans Le Séminaire, livre XVIII, Lacan s’avance, explique Jacques-Alain Miller, vers une construction effective d’un discours qui ne serait pas du semblant, ce qui revient à faire de la lettre un usage qui n’est pas un usage de semblant, qui n’est pas un usage de signifiant, qui ramène le signifiant à la lettre qui le borde.(2) Cette avancée entraîne cette question-clé : comment penser un rapport de limite entre savoir et jouissance, entre deux écritures (l’une parle avec le corps, l’autre ne veut rien dire), entre centre et absence, entre la psychanalyse et les autres modes du discours. L’image du littoral apparaît dans Lituraterre en donnant une ligne à ce clivage. Le littoral est une ligne de partage entre la terre et la mer, deux domaines qui n’ont pas la même structure, ni la même substance : " Ils n’ont rien en commun, même pas une relation réciproque ". (3) Structure et substance sont des termes hétérogènes l’un à l’autre, J.-A. Miller en donne une lecture inédite dans son cours de cette année. Quand il annonce qu’il importe maintenant de raisonner autrement, nous comprenons qu’il s’agit de raisonner du littoral, à commencer par la différence qu’il y a entre lecture et écriture, entre sens sexuel et jouissance, entre semblants et sinthome. Rappelons que Lituraterre est placé en ouverture de l’édition des Autres écrits. Il est présenté sous la forme d’une leçon ("Leçon sur Lituraterre "), chapitre VI du Séminaire XVIII, D’un discours qui ne serait pas du semblant. Les deux textes datent de 1971. Qu’est-ce qui est premier ? L’écrit, ou bien le discours que Lacan prononce à son séminaire ? La lettre ou la logique du signifiant ? Cette question était d’actualité dans les années soixante-dix, dans un contexte de promotion de l’écrit, et Lacan en fera la critique dans la leçon qu’il appelle " une démonstration littéraire ". La lettre lacanienne s’écarte de la sublimation pour atteindre quelque chose de particulier à la psychanalyse, quelque chose d’une nature radicale qui touche les effets de son discours : la lettre " est l’effet radical du discours ". (4) Elle ajoute quelque chose de plus, une marque spécifique à l’être parlant. Sa nature en psychanalyse nous donne de quoi conférer au sinthome sa place exacte. N’y a-t-il pas déjà dans cette leçon l’abord d’une clinique du singulier ? Du littoral, entre lecture et écriture " Ce que vous lui apprenez à lire (l’inconscient) n’a alors absolument rien à faire, en aucun cas, avec ce que vous pouvez en écrire ". (5) 1. Ce que vous lui apprenez à lire (...) Commençons par nous demander comment Lacan définit ses écrits : " Mes écrits, un titre plus ironique qu’on ne croit : quand il s’agit soit de rapports, fonction de Congrès, soit, disons de " lettres ouvertes " où je fais question d’un pan de mon enseignement ".(6) Ce sont " lettres ouvertes ". Elles ne sont pas lisibles immédiatement, mais font parler d’elles, nourrissent des générations, sont en avance sur leur temps, leur destination est tardive, mais elles trouvent toujours leur destinataire. Dès les premières pages de son écrit, la lecture, celle de l’interprétation, vise le niveau de radicalité dont témoignent, par exemple, des oeuvres exigeantes par la position de leurs auteurs, de ceux qui ont compris que la lettre était palea. Beckett met en scène le couple (un couple de vieux) dans la poubelle, Joyce montre ce qu’on peut attendre d’une psychanalyse à sa fin. Ce sont des effets radicaux. La lettre est primitive, elle n’est pas première, elle se distingue d’être d’un autre usage que le signifiant. Letter/litter, motérialité/matérialité, maniement Quel est l’usage du signifiant ? C’est sa matérialité phonique, car le signifiant ce n’est pas le signifié, " le signifiant c’est ce qu’on entend ". (7) Quand J.-A. Miller nous dit qu’il s’agit maintenant de raisonner autrement, ce qui s’entend, c’est que le signifiant résonne mieux avec un corps. Mais avec quel corps ? En 1959, Lacan soutenait une thèse sur l’interprète. En jouant de l’équivoque sur le signifiant, il affirmait que conformément à l’acteur, l’inter-prête son corps avec son inconscient bel et bien réel. Un corps imaginaire et pulsionnel, du texte symbolique, un inconscient réel, cela formait alors un noeud borroméen orienté selon SIR . Maintenant, quel est l’usage de la lettre ? La lettre est plutôt aphonique sous l’écriture joycienne qui la radicalise : letter, c’est litter (reste, déchet). Son usage, c’est son maniement par Joyce, c’est " ce qui du signifiant est venu truffer le signifié "(8), livrant une oeuvre qui ne tombe pas sous le sens et qui accomplit lom Joyce comme sinthome. C’est une expérience de jouissance pure. Le corps n’est plus imaginaire et symbolique, il se jouit, selon la dernière définition de Lacan. Il se jouit de la lettre, c’est visible dans l’oeuvre de Joyce. La différence que fait Lacan entre ce que l’on apprend et ce qui s’en écrit libère un usage spécifique de la lettre dans lalangue. Plaçons-nous un peu en amont de Lituraterre, dans Encore, où cette dimension est ouverte, par exemple dans l’équivoque du mot motérialité. De quoi s’agit-il ? De ce qui s’ajoute à la langue pour qu’elle puisse être parlée et donc être entendue. Ce qui s’ajoute, c’est la matérialité de sa propre langue intime, non déjà accomplie. Quand du signifiant s’injecte dans le signifié jusqu’à produire un mot d’esprit, par exemple ‘famillionnaire’, on voit que de la jouissance parasite s’est infiltrée. Dans Encore, lalangue devient " notre affaire à chacun ". Le langage, " ça n’existe pas, c’est ce que l’on essaye de savoir concernant la fonction de lalangue ". Le savoir n’est qu’hypothétique au regard de lalangue " dont les effets vont bien au-delà de tout ce que l’être qui parle est susceptible d’énoncer ". Lire son inconscient, ce n’est pas uniquement recenser les usages d’une langue comme le fait le dictionnaire, mais c’est laisser apparaître ce que la lettre y recèle d’opacité, un dire hors du commun. Si Lacan formule que le langage se perfectionne quand il sait jouer avec l’écriture (9), c’est qu’il a le projet de renvoyer chacun au perfectionnement de sa langue ; qu’elle puisse offrir davantage de silence pour soi-même et d’opacité pour les autres. Car perfectionner sa langue, c’est le faire non pas dans l’espoir qu’on finisse par se comprendre mieux, mais qu’il soit possible de vivre avec un autre sexe, une autre langue, sans devoir absolument s’y adapter. Du littoral, parce qu’il n’y a pas moyen de lire, d’apprendre de son inconscient autrement sans verser dans le mensonge. Se tenir au bord du savoir pour pousser plus loin sur la voie du réel, c’est-à-dire essayer de cerner ce dont il s’agit. " Ce ne serait déjà pas mal que se lire s’entendît comme il convient, là où on a le devoir d’interpréter ", précise Lacan (10). L’envoi est pour l’analyste. Son interprétation n’est pas ouverte à tous les sens ; elle se ferme à son artifice dans un moment qui sonne juste. Ce qui se lit nécessite pour un être parlant une hypothèse sur l’inconscient comme supposé savoir, un engagement de la psychanalyse vers une politique que Lacan appelle dans son écrit " la politique du symptôme ". Il suffirait, dit-il, " que de l’écriture nous tirions un autre parti que de tribune ou de tribunal, pour que s’y jouent d’autres paroles à nous en faire le tribut "(11). Est-ce pour de vrai ou est-ce pour du semblant ? La politique du symptôme cherche à inscrire des effets qui ne soient pas de tribune ou de diatribe mais des effets qui nous concernent, des effets réels à " ce que s’y changent nos propos ". Il ne s’agit pas de tenir un discours, c’est le symptôme qui le tient, qui vaille que vaille me tient. Enfin ce qui se lit se supporte aussi d’une théorie de l’écriture psychanalytique où " l’écriture peut être dans le réel le ravinement du signifié "(12). 2 . (...) Avec ce que vous pouvez en écrire À la page 64 de ce Séminaire, Lacan écrit au tableau un caractère chinois SZU, regrettant que la craie l’empêche de mettre les accents que permet le pinceau. Ce n’est pas le sens qui est important, (szu veut dire retors, veut dire aussi personnel au sens de privé), mais c’est sa forme écrite qui est remarquable. Le caractère chinois a la forme d’un graphe (d’une agrafe) servant à supporter les termes autour desquels tourne le discours de Lacan. Il numérote les accents et inscrit sur le trait du haut : 1) " les effets de langage ". Il donne à l’ordre symbolique " sa demansion ", c’est-à-dire, ce qui est demeure, de la vérité sachant que l’Autre c’est le corps. Et sur le trait horizontal, il inscrit en 3) " fait de l’écrit ". En 2) il situe le croisement d’où les effets de langage prennent leur principe. Ils prennent leurs principes du discours analytique. À ce croisement, le discours analytique est révélateur de quelque chose, il est un pas. Le graphe fait cas de la primauté du langage sur l’écrit. Le pas au croisement vient marquer l’écart produit (c’est ce que nous voulons souligner en reprenant le binaire donné par J.-A. Miller) entre ce qui se lit (l’inconscient transférentiel) et ce qui s’écrit (de l’inconscient réel) comme pas-à-lire. Ce " pas-à-lire " relève encore de la logique du signifiant mais à son joint avec le vivant.(13) Il s’agit dans cette avancée d’une parole renouvelée de son lien à la jouissance. Ce qui s’en écrit procède de la précipitation : ce qui a plu du semblant ; de la rupture, de l’invocation. " Ce qui de jouissance s’évoque à ce que se rompe un semblant ".(14) Dans cette version de l’écriture, la lettre est objet a équivalent au sicut palea de Saint-Thomas ; et aussi elle est trou, " godet à faire accueil à la jouissance ". L’écart produit entre lecture et écriture introduit un écart entre le vrai et le réel, et produit ce glissement dans la nature du signifiant qui passe au semblant. La passe en donne témoignage ; elle se fait à partir des semblants dénudés, débris où le dire trouve sa force d’invention et d’artifice. Du littoral, entre savoir et jouissance Au regard de la lettre, le semblant Cette avancée vers l’écriture du sinthome conduit Lacan à l’invention d’une nouvelle catégorie, le semblant. Car au regard du réel de la lettre, le signifiant c’est du semblant. Pour l’expliquer, Lacan part d’un phénomène de la nature. Les semblants sont de la nature, les nuages sont des signifiants, la langue est matière en suspension et à transformation. Les semblants comme les nuages se dissolvent et tombent en pluie. Avant que ça se produise, il n’y a que brouillard. Si cet effet de rupture et de ruissellement tombe des nuées, ça ne tombe pas des nues, ce n’est pas un phénomène magique, ça peut se lire. De même, les phénomènes géologiques se déchiffrent, puisque le semblant est une catégorie qui inclut le signifiant et ses effets, une conjonction de métaphore et de métonymie où le désir se glisse, où la jouissance s’invoque. Comment la substitution du signifiant par le semblant s’est-elle faite ? " Le semblant, c’est proprement le rapport du signifiant au signifié ", dit J-A Miller.(15) La définition du semblant se déduit de l’écriture de l’algorithme S/s que J-A Miller a transformé en un nouvel algorithme, qu’il écrit : Réel //semblant, avec une double barre pour marquer " l’intersection vide entre le réel et le sens ", " un rapport d’exclusion ". Par conséquent, il y n’y a du semblant qu’au regard du réel, un réel équivalant à la jouissance qui habite lalangue, ces trous dans la structure que Lacan évoque dans Lituraterre comme les sillons du ravinement, la trace primitive du troumatisme de la langue.. Lituraterre se place sous cet algorithme réel // semblant, il répond à " L’instance de la lettre dans l’inconscient ", et au " Séminaire sur La lettre volée ". Lituraterre dérange l’automaton signifiant que met en scène le conte d’Edgar Poe. C’est une logique où fondamentalement rien ne bouge, où la lettre commande de sa place la compulsion de répétition ; son pouvoir d’illecture se montre à l’œuvre dans ses péripéties. La lettre se tient en réserve dans le discours du Maître ; quand on veut la maîtriser, elle se joue de nous ; le ministre du conte d’Edgar Poe croit la tenir en son pouvoir, et se fait posséder par elle jusqu’à risquer ses effets. Effets de féminisation, précise Lacan. De quoi s’agissait-il alors ? De ce qui faisait obstacle à la logique du signifiant, c’est-à-dire les effets de passivité et d’inertie de la jouissance imaginaire. Dans Lituraterre, la lettre lacanienne sort de l’inertie du programme. L’écrit de Lacan prend la temporalité de l’évènement, de l’instant de voir, de la contingence, de l’imprévisible, de l’inédit : la lettre y est lettre de jouissance pure, elle rompt avec les semblants. Elle est ruissellement, bouquet du trait premier, inédit : " Rature d’aucune trace qui soit d’avant ". (16) C’est une nouvelle écriture qui prend son départ de l’inconsistance, de l’absence - de la trace de jouissance. La barre est placée sur A, le silence est S, la parenthèse cerne le trou dans l’infini. Ce qui ne s’écrit pas, la jouissance qu’il faut pas, Lacan dans la logique du pas-tout l’écrit S (A/). Dans cette orientation, la lettre est un trou réel et elle prend un double aspect selon les modes sexués du parlant. Dans la logique du pas-tout phallique, de l’autre sexe féminin, elle traduit l’absence et le hors-sens sexuel. Dans la logique du Un, universel masculin, elle marque le centre que Lacan écrit grand phi, c’est-à-dire la castration, une modalité logique du fini, celle de l’impossible à négativer. La lettre ne livre pas son contenu. C’est le message qu’a formé Edgar Poe sur la lettre, nous dit Lacan : " Cette lettre, ajoute-t-il, qui est ce dont je parle de cette page à cette page, vous verrez que je suis celui qui l’a écrite. Est-ce que je savais ce que je faisais ? Eh bien, je ne vous le dirai pas. Ce dont je parle, c’est du phallus ; et je dirai même plus, personne n’en a jamais mieux parlé ".(17) La lettre est littorale, elle est trou et elle est a, bord d’un trou, " godet toujours prêt à faire accueil à la jouissance " (18). C’est une positivité (terme que J.-A. Miller a promu dans son cours de cette année) : il annonce une version de l’écriture, celle du noeud borroméen, qui donne à ladite écriture son autonomie et son style. La lettre n’est-elle pas proprement littorale ? Le bord du trou dans le savoir que la psychanalyse désigne justement quand elle l’aborde, de la lettre, ne voilà-t-il pas ce qu’elle dessine ? (cf. " Lituraterre ") Elle dessine le bord entre centre et absence, entre sens sexuel et jouissance autre. La lettre lacanienne a est la lunule de séparation entre les sexes, la condition littorale du rapport entre les sexes. La condition littorale des sexes " Il était une fois deux sexes ". Tel était le titre du journal, Le Monde, proposant à ses lecteurs la saga de l’été sur le thème masculin/féminin. Je cite : " Des mythes originels aux dernières découvertes scientifiques, voici tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la guerre des sexes : comment elle a commencé, ce qu’elle a engendré, si elle peut s’achever. " Annonce alléchante, s’il en est. Lacan nous conduit des mythes freudiens à la sexuation des êtres parlants ; à la formalisation d’un rapport de limite entre jouissance sexuelle (savoir qui touche à l’inconscient) et jouissance hors système. " Là est la nouveauté de ce que j’introduis aujourd’hui (...) Ce n’est que de l’écrit que se constitue la logique ", dit Lacan. (19) Il montre en des schémas l’impasse des sexes. A la page 142, puis 144, il dessine deux schémas intitulés : " La caractéristique du tiers terme ", puis " Schéma de l’hommoinzin ". L’écrit fait usage de capiton et a valeur de fonction. L’opérateur grand phi " fait de l’écrit ", fixe le rapport de l’homme et de la femme sur la barre. L’absence de fermeture du triangle fondamental (caractéristique du tiers terme) indique l’impossibilité d’écrire ce qu’il en est du rapport sexuel, ce que nous trouvons sous forme d’impasse, d’obstacle, de béance dans l’expérience analytique. La logique, dit Lacan, porte la marque de l’impasse du sexuel, ce que le schéma laisse apercevoir. Dans la jouissance sexuelle, il y a quelque chose qui est forclos et qui se satisfait sans but sexuel. Nous l’apprenons d’une analyse. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas tant la sexualité qui fait problème, chacun s’en arrange ; mais ce qu’on apprend de source sûre (c’est du vécu), c’est qu’on ne s’arrange pas du corps, de sa jouissance. C’est le corps qui fait énigme à l’être parlant car il est une approche singulière qu’il nous faut en permanence aborder comme un rivage. Nous apprenons du discours de Lacan, c’est-à-dire du discours analytique qu’il formalise, que l’écrit c’est la jouissance.(20) J.-A. Miller a fait remarquer que Lituraterre se situait entre le cinquième et le sixième paradigme. Entre le cinquième où la jouissance est discursive, un noyau chiffrable, et le sixième où il y a rupture : la jouissance est hors élaboration. Dans cette configuration où les limites ne sont plus clairement situées, la lettre littorale vient fixer le point d’insertion de la jouissance dans le semblant. Lacan fait référence au lancement du premier spoutnik, un évènement qui fait date. Il montre l’usage de la nature de semblant de l’objet a. De même que l’homme dans l’espace a besoin de la navette pour survivre, de même on peut se dire que la jouissance a besoin elle aussi pour survivre d’être encapsulée dans un objet a. C’est un problème de survie de la jouissance et par conséquent, une ‘solution d’utilité clinique’. Du littoral, entre semblant a et sinthome J.-A. Miller précise, je le cite : " À la clinique de l’au moins un, de l’universel (qui fait cas du particulier), il faut opposer la clinique du singulier ".(21) La clinique de " l’au moins un " intéresse la clinique de la névrose ; l’hystérique en a démontré les impasses. Lacan rend hommage à ses capacités de logicienne, celles qui consistent à cerner la jouissance hors sexuel, qu’elle rend absolue, comme un point à l’infini. Son orientation sur la jouissance se fait sous l’égide du Nom-du-Père, ce qui a pour conséquence son impossibilité à s’accomplir comme femme. Produire le singulier, la lunule de séparation, le bord du savoir, la condition littorale des sexes, c’est ce que peut faire la psychanalyse orientée par le réel de la lettre. Dans son commentaire de Lituraterre (cours 1998/99), Eric Laurent situait le littoral sur les opérations d’aliénation/séparation, en montrant que Lituraterre était une théorie de l’écriture psychanalytique permettant la production d’un trait unique. La séparation inscrit le littoral, il passe à l’intérieur du chaos interne d’un parlêtre. Il se dessine : $(a)S2. Le littoral s’inscrit comme bord de la lunule, entre la jouissance et le savoir touchant à l’inconscient d’un sujet. Le trait s’ajoute, il n’est pas unaire, il ne délimite pas une frontière où chacun se retrouve du même côté, mais il est trait unique : un hétérogène interne et constant. Eric Laurent a extrait de son cours un écrit intitulé : " La lettre volée et le vol sur la lettre "(22) qui donna lieu en son temps à une conversation passionnante avec J.-A. Miller. Il fait référence à la théorie de l’unique trait de pinceau du peintre et lettré Shitao que Lacan a étudié avec François Cheng.(23) Il nous met en mesure de comprendre que pour la psychanalyse, la rature n’est pas rature de l’être philosophique, mais se rapproche de l’exploit de la calligraphie : " rature d’aucune trace qui vient d’avant ". Dans la calligraphie, la lettre tient lieu d’un pari qui se gagne avec de l’encre et un pinceau, " ... où le singulier de la main écrase l’universel ".(24) C’est un trait inédit. Encore faut-il faire accepter son trait. Produire le singulier, c’est ce que peut la psychanalyse, du littoral entre semblant et sinthome : entre un " ce n’est pas ça - c’est ça . À la fin de son écrit, à notre adresse on peut lire entre les lignes une alternative qui pourrait se formuler ainsi : ou le mathème, ou l’empire des semblants. Y aurait-il un autre choix ? un choix autre qu’exclusif ? Qu’est-ce que veut faire passer la psychanalyse ? À quoi pourrait-elle satisfaire ? " Le discours analytique passera s’il arrive à faire entendre sa pratique du non-rapport sexuel, " notait récemment J.-A. Miller dans son cours.(25) L’analyste s’oriente d’une clinique du singulier. C’est une expérience de littoral, celle que Lacan survolant la plaine sibérienne évoque par la métaphore des sillons du ravinement. C’est voir - tout à coup, en un instant -, comme l’émigrant voit à l’approche du rivage la terra incognita, le semblant dénudé, l’inconscient depuis la jouissance : ce vaste trou de liberté qu’est sa langue. -
1) Lacan J, " Lituraterre ", Autres écrits, Seuil, 2001, p. 18 et dans livre XVIII, " Leçon sur Lituraterre " p. 124 -
2) Miller J.-A., La Cause freudienne n°62 -
3) Lacan J, opus cit, p. 14 et p. 117 -
4) Lacan J, Le Séminaire, livre XX, Encore, p. 36 -
5) ibid, p. 38. -
6) Lacan J, op. cit,, Autres écrits, p. 12 -
7) Lacan J, op. cit,, Encore, p. 34 -
8) Ibid, p. 37 -
9) Ibid, p. 37 -
10) Lacan J, Autres écrits, " Postface au Séminaire XI ", p. 504 -
11) " Lituraterre ", p. 18 -
12) ibid p. 17 -
13) Opus cit, Autres écrits, cf. 4ème de couverture. -
14) Lacan J, op. cit, p. 17 -
15) Miller J.-A., L’Orientation lacanienne, cours non publié, 1998/99 -
16) Lacan J, op. cit, p. 16 -
17) Lacan J, " D’un discours qui ne serait pas du semblant ", op. cit,, p. 94 -
18) Ibid.. -
19) Lacan J, livre XVIII, p 64 -
20) Ibid, p. 129 -
21) Miller J.-A., La Cause freudienne n°71, leçons 10 et 17 /12/ 2008, " Des Choses de finesse en psychanalyse " -
22) Laurent E, La Cause freudienne, n°43, " La lettre volée et le vol sur la lettre " ; les cours des 10 /03/99 et 14/04/99 de l’Orientation lacanienne. -
23) Nous avons les traces de ces échanges dans l’Ane n°25, février 86, et dans Lacan, l’écrit, l’image, Paris, Flammarion, 2000. -
24) " Lituraterre ", op. cit. -
25) Miller J.-A., cf. cours " Des choses de finesse en psychanalyse "
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