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JOURNAL DES JOURNéES
N° 40
le mercredi 14 octobre 2009, édition de 10h 03
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A propos des mathématiques pures
par Joachim Lebovits
Cher Jacques-Alain,
Dans le numéro 39 du JJ, vous évoquez, à la lettre E de l’abécédaire, les mathématiques pures. Quelles sont ces mathématiques qui méritent le brevet de pureté que vous semblez leur décerner ? Et quelles sont donc les mathématiques qui ne le méritent pas ?
Pour ma part, je ne pense pas que les différentes branches des mathématiques soient, tels des diamants, de pureté diverse.
A moins qu’il faille comprendre les mathématiques pures comme s’opposant aux mathématiques appliquées, la pureté résidant alors dans l’intention première du mathématicien qui ne voudrait pas se compromettre à créer ou développer des mathématiques qui pouvant s’avérer utiles, se compromettant ainsi à servir des corps alors que les mathématiques pures seraient l’apanage des purs esprits. Le mathématicien Jacobi pensait quant à lui que « le but unique de la science est l'honneur de l'esprit humain ».
N’est-ce pas cette façon de distinguer les différentes branches des mathématiques qui fit écrire au mathématicien anglais Hardy, dans son Apology, en 19401 : « Les vraies mathématiques n’ont aucun effet sur la guerre. Personne n’a encore trouvé un objectif militaire qui serait dépendant de la théorie des nombres. » ? La théorie des nombres est pourtant à la base de la cryptologie (dont Jacques Stern que vous recevrez pendant ces Journées du mois de novembre est un illustre représentant). Est-ce par ailleurs un hasard si le système de cryptographie asymétrique a été inventé pendant la Seconde Guerre mondiale (au CGQH2) de Cheltenham en Angleterre ? (Government Communications Headquarters, on pourra consulter à ce sujet le chapitre 6 du livre de Simon Singh intitulé histoire des codes secrets).
On sait ce qu’il en est des intentions, premières ou non, des mathématiciens et des non mathématiciens ! La dichotomie entre les mathématiques qui n’auraient pas d’applications et celles qui en seraient porteuses ne tient pas, et ce pour une raison assez simple : il n’existe pas de branches des mathématiques dépourvues d’applications.
Restent peut-être encore quelques doux rêveurs considérant que les mathématiques qu’ils produisent ne s’appliqueront pas. A ceux-là je réponds « Patience ! »
Après plus de 359 ans, mêmes les mathématiques de Fermat sont utilisables, utiles et utilisées dans les autres disciplines scientifiques. Je maintiens qu’aucun mathématicien ne peut raisonnablement prétendre à l’inusabilité de ses recherches.
De Jean-Pierre Kahane (éminent mathématicien, membre de l’Académie des Sciences) qui utilisait le terme « mathématiques pures » dans une de ces communications, j’obtins - alors que je lui indiquais que cette notion de pureté me paraissait inopérante et sans fondement véritable - la réponse suivante : « Sur les mathématiques "pures" vous avez raison ; il n'y a pas de frontière entre connaissance et applications. »
Sur le fond, je pense avec lui que la ségrégation entre mathématiques pures et appliquées appartient au passé.
Une conception intégrée des sciences mathématiques qui impliquent d’autres acteurs que les mathématiciens au sens strict (en particulier les physiciens et les informaticiens qui produisent aussi des mathématiques) se fait jour.
Les mathématiques reçoivent des apports de toutes parts et interagissent avec toutes les disciplines scientifiques. C’est ainsi qu’ont germées les idées mathématiques les plus essentielles dont le mouvement brownien est un exemple.
Nul doute pour finir, que les mathématiciens, qui oeuvrent pour l’honneur de l’esprit humain, doivent pouvoir évoluer dans le paradis crée par Cantor sans cependant s’affranchir du réel qu’ils contribuent à cerner.
Bien à vous.
[Touché ! Luc, mon fils, que tu connais, m’avait bien dit que la distinction traditionnelle, multi-séculaire, « pure et appliqué », si prégnante chez Kant, et qui se retrouve dans le bourbakisme, appartenait au passé, il m’avait même fourni un lot d’articles à ce sujet, et ça m’arrangeait bien mon pragmatisme lacanien. Je voulais en parler à mon cours, peut-être l’ai-je fait – mais, écrivant la plume au vent, sans me relire, c’est le vieil adjectif qui est remonté tout naturellement à la surface, pour dire qu’il ne s’agissait pas de science expérimentale – ce qui, d’ailleurs, se discute aussi bien, puisqu’il y a bien les « Gedankenexperiment ». Et tout ça parce qu’il me fallait un adjectif à cet endroit, question de rythme, ou d’euphonie, je ne sais plus. Je dois dire que tu as l’œil, Joachim, et l’oreille. Tu aurais une expérience de la psychanalyse que cela ne m’étonnerait pas. Bon, je te répondrai en forme. Mais là, il faudra que je trime un peu, ce qui veut dire que ce n’est pas pour tout de suite. Merci de ta présence dans ces pages. Ce n’est que d’un mathématicien que je peux lire sans rire « pour l’honneur de l’esprit humain ».]
Une devinette
par Nathalie Jaudel
Quel est le personnage de bande dessinée à la tignasse blonde tirant vers le roux, jeune homme vif et facétieux, véloce, habile et moqueur (« on ne t’a jamais dit qu’il ne fallait pas jouer avec le feu ? »), redresseur de torts au français impeccable, qui n’a jamais peur du ridicule, connaît ses classiques et fait feu de tout bois, sait qu’il vaut mieux ne pas contrarier les fous, n’hésite pas à se déguiser en marquise du Poulet de Bresse ou en Morgane, donne à l’occasion des leçons d’histoire (« *** conte la fin de la civilisation Aztèque et la naissance de la République mexicaine » pour inciter Indiens et Espagnols à vivre ensemble), guérit les orpailleurs de leurs obsessions, dit à chacun ce qu’il doit faire et se dépense sans compter ?
Premier indice : 122 de ses aventures ont été publiées entre 1928 et 1988.
Deuxième indice : Il a pour créateur Louis Forton, l’inventeur des inénarrables Pieds-Nickelés.
Troisième indice : Son meilleur ami s’appelle Razibus Zouzou, et son meilleur ennemi le professeur Trublion.
Réponse : uıʇoɔıɹɟ ıqıq
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LETTRES ET MESSAGES
Agnès Aflalo : Paradoxes au Paradis
Le JJ 39 est drôle, percutant, et écrit avec une simplicité qui porte. Cela dit, une controverse sur l’idée du Paradis et de Dieu serait la bienvenue. S’il ne fait pas de doute que la religion doit beaucoup aux obsessionnels, plutôt hommes, il faut ajouter que la mystique tire son origine de l’hystérie, plutôt femme, mais son origine seulement, si Dieu nomme bien sa jouissance (Marie de la Trinité, et Lacan, le Séminaire XX).
Par ailleurs, avancer que Dieu n’ex-siste pas, est-ce incompatible avec le fait que Dieu est inconscient, que Dieu est Dire, Di-eu-re ?
Réponse à Agnès Aflalo
Votre idée d’une controverse sur l’idée de Dieu et sur la notion de Paradis est, chère Agnès, on ne peut plus opportune. Où avions-nous la tête, on se le demande. Rien n’est plus urgent que de savoir comment savoir que Dieu existe, et s’il est bon ou s’il est un grand meuchant. Et qui, mieux que vous, pourrait l’animer, la nourrir, cette controverse ?
Je vous avais jadis mandatée pour me représenter à un colloque sur Marie de la Trinité, cette patiente de Lacan, des années 50, starifiée depuis peu dans certains milieux catholiques, et dont les carnets sont désormais promus et exploitées par les éditions du Cerf, maison menée de main de maître par le père Eric de Clermont-Tonnerre, que j’ai eu l’honneur et le plaisir de recevoir rue d’Assas. Vous êtes introduite dans ces milieux, vous y êtes d’autant mieux reçue que vous appartenez, par votre filiation, à une autre tradition, l’hébraïque, et vous suivez tout ce qui se fait sur cette attachante créature de Dieu, notamment les recherches de notre collègue Kristell Jeannot, de Marseille, qui a eu accès, pour la thèse de doctorat qu’elle prépare, aux archives encore confidentielles, et à de nombreux inédits.
D’autre part, vous avez un énorme carnet d’adresses, dont vous avez fait bénéficier LNA-Le Nouvel Âne, l’ECF et l’AMP, à plusieurs reprises, et en toute discrétion - et aussi, vous manifestez dans les rapports humains une ténacité au dessus de tout éloge. Donc, si je vous demande un papier du pape pour le Journal, vous aurez un papier du pape. Mais je ne vous le demande pas, surtout pas : le fort parfum d’ironie qui, par ma faute, imprègne ces lieux pourraient incommoder Sa Sainteté, sans compter l’odor di femina qui rôde, du fait de la démographie du peuple analytique. En revanche, théologiens décalés, archevêques dessalés, sœurs désœuvrées, écrivains sataniques, mystiques en goguette, vous pourriez être la providence de tout ce petit monde-là.
Pour ne pas être en reste sur notre ami Eric Laurent, qui vous a récemment nommée « chargée de mission internationale » pour l’AMP, je suis tout disposé à faire de vous la « chargée d’affaires théologiques » du JJ – à une condition toutefois : si la matière que vous réunirez, je n’en doute pas, menace le JJ d’embolie, vous voudrez bien créer votre propre blog ad hoc.
Quant à votre ultime question - in cauda venenum – elle m’étonne, et je me réserve de lui faire un sort à une autre occasion.
Marie-Catherine Meriadec : Michel Onfray, critique de Freud
Comme vous me l'avez demandé lors de notre contact téléphonique, je vous fais part d'un nouvel élément relatif aux graves attaques que Michel Onfray adresse à la psychanalyse : il s'agit de l'argument de son "séminaire de philosophie", tel qu'il figure sur le site de l'université populaire de Caen. Je suis désolée de jouer les trouble-fêtes dans ce moment d'effervescence joyeuse qu'occasionne la préparation des Journées.
« Cette année sera consacrée majoritairement à Freud. Je soutiendrai dix thèses : son épistémologie procède de la psychologie littéraire ; son corpus est un capharnaüm spéculatif et non un continuum doctrinal ; son étiologie postule le psychique, elle refoule le somatique; sa thérapie relève de la pensée magique ; sa pensée ne se situe pas du côté des Lumières, mais de l’antiphilosophie ; sa politique procède du pessimisme autoritaire ; sa doctrine s’impose par un verrouillage sophistique ; la constellation de ses disciples suppose affiliation religieuse ; l’histoire du freudisme s’est constituée avec une narration légendaire. Les dernières séances concerneront Reich. »
Réponse à Marie-Catherine Mériadec
Je ne crois pas, chère collègue, que vous soyez vraiment désolée de jouer les trouble-fêtes, je crois au contraire que vous en êtes ravie - sauf que vous ne troublez aucune fête : elle serait peu de choses, cette « effervescence joyeuse » dont vous parlez, s’il suffisait pour la doucher, des « 10 thèses » que, tel Luther à Wittenberg, M. Onfray a placardées sur le site de son « université populaire de Caen ».
Pour ma part, je ne m’avancerai pas à parler des « attaques » de M. Onfray contre la psychanalyse, et contre Freud. Sans doute croit-il « attaquer » – mais faut-il pour autant lui emboîter le pas ? Je dirai qu’il chatouille, qu’il formule à l’endroit de Freud des critiques pointues, révèlent un esprit clair, positif, et relativement bien informé. J’irai jusqu’à dire qu’à les considérer de près, je ne suis en désaccord formel avec aucune de ces « thèses », sinon avec la conclusion qu’il en tire sans doute, à savoir que la psychanalyse est ipso facto à éradiquer, quand je pense qu’elle est à promouvoir – mais c’est un détail.
Sans doute l’épistémologie de Freud ne relève-t-elle pas seulement de la littérature. M. Onfray semble méconnaître son « allégeance » au scientisme de son temps, qu’évoque Lacan passim, par exemple p. 857 des Ecrits, avec les noms de Helhmoltz et de Dubois-Reymond, ou encore son intérêt pour les constructions de Brentano, qui marque un texte aussi fondamental que Die Verneinung. Mais il faut convenir que son information n’était pas, dans ce domaine, ce que l’on aurait pu souhaiter. Son peu de goût et de respect, et même sa méfiance, défiance, méconnaissance, envers la philosophie, son ignorance de Frege et de Husserl, des débats du Cercle de Vienne – de Vienne ! – qui pourtant existait de façon informelle dès avant la Grande Guerre, et même de Wittgenstein, sans omettre le divin Ferdinand, Saussure du nom. Le génie de Freud subvient à tout, c’est entendu, et n’en est que plus éclatant, il n’empêche que c’est la béance de ces trous qui donnèrent champ libre à Lacan pour faire, en 1953, une entrée fracassante dans la psychanalyse.
Thèse n°2 : « Son corpus est un capharnaüm spéculatif, et non un continuum doctrinal ». Oui, on sourit. Il est exact que le corpus de Freud est assez kitsch. Mais depuis quand le corpus des références d’un penseur doit-il être un « continuum doctrinal » ? Je croyais au contraire qu’on appréciait chez ceux qui pensent l’étendue et la diversité de l’information. En quoi le « corpus » d’Aristote est-il un « continuum », alors qu’il avait tout lu, et avait un avis sur tout, depuis les parties des animaux jusqu’à l’art d’embobiner son prochain (la rhétorique, on appelle ça). Et Leiniz ? Plus capharnaüm tu meurs. La liste des cours de Kant donne le tournis. Et Hegel, qui croyait avoir rangé tout le savoir humain dans sa petite caserne conceptuelle, dans son palais d’idées ?
Je ne suis pas sûr que M. Onfray apprécie comme moi l’idéalisme allemand. Mais si l’on prend les empiristes écossais et anglais, et aussi Gilles Deleuze, c’étaient de merveilleux touche-à-tout. Et c’est aussi ce que j’apprécie chez M. Onfray quand il m’arrive de le lire, par exemple, dernièrement, son opuscule sur Charlotte Corday. Pas inhibé pour un sou, il pérore à jet continu de omni re scibili, et quibusdam aliis, avec un aplomb de sénateur et une verve de bateleur qui forcent l’admiration, et ont fait sa fortune.
Non, le corpus du penseur n’a nullement à être un « continuum doctrinal », ceci n’a point de sens, c’est la doctrine dont on peut, sous certaines réserves, admettre qu’elle doive se présenter comme continue, cad sans solution de continuité – et, à cet égard, Freud, qui s’est consacrée à la même expérience durant tant d’années, et en produisant continûment une somme gigantesque, en transformation continue, comme par déformation topologique, est, je crois, imbattable. Et Lacan, trente ans à doctriner toutes les semaines… Mais plus l’effort doctrinal est continu, plus il importe que le corpus référentiel soit large et diversifié. Or, je l’ai déjà dit, celui de Freud est, sur certains points cruciaux, insuffisant. Donc, accordons à M. Onfray que le corpus freudien prête le flanc à la critique – mais peut-être moins, tout de même, que l’épistémologie dudit Onfray , à en juger par cette thèse.
N°3 : « Son étiologie postule le psychique, elle refoule le somatique ». Postulat : oui, bien vu, cela s‘appelle chez nous le sujet supposé savoir. M. Onfray en a comme un pressentiment obscur, et c’est déjà beaucoup. Il est amusant qu’il utilise le vocabulaire de Freud pour stigmatiser chez lui un prétendu « refoulement » du « somatique ». Je ne suis pas bien sûr que l’œuvre de M. Onfray présente un « continuum doctrinal » suffisant pour que l’on puisse lui assigner une conception bien déterminée du corps, hormis l’idée, je le crois sur la lecture des journaux, d’un certain sybaritisme, ou hédonisme, affiché. Eh bien, là dessus, Freud et Onfray se rencontrent. Freud retient du corps ce qu’il appelle la pulsion, et que Lacan comme Onfray nomment la jouissance. Voilà M. Onfray bien encadré, comme le Christ entre les deux larrons.
Chère collègue Mériadec, vous voyez mon approche : elle n’est point frontale, elle est enveloppante. Vous êtes une Amazone, vous voudriez charger Onfray sabre au clair, telle Uma Thurman dans Kill Bill. Pour ma part, je me ferais plus volontiers la tête d’Oskar Homolka dans le War and Peace de King Vidor, plus malin en Kutuzof plissant ses petits yeux mongols, que dans le rôle de l’inepte Verloc, l’agent secret de Sabotage, d’Hitchcock.
J’accélère. 4 : « sa thérapie relève de la pensée magique » : mais oui, concédons-lui, collègue Mériadec, que la question se pose, que Lacan a tenté de les différencier (cf. « La science et la vérité »), et qu’il n’était pas tellement convaincu, dans son tout dernier enseignement, d’y être parvenu. Mais cela ne règle aucunement la question, je veux dire, son compte à la psychanalyse : il faut encore savoir comment ça marche, la magie. Eh bien, nous disons que la magie opère par suggestion, cad par la vertu des mots, des phrases, du langage - qu’il n’est rien de plus puissant que le signifiant sur « le psychique » et sur le « somatique » - que l’analyse utilise cette magie-là pour la retourner contre elle-même, cad : - purger le patient des sorts que, par magie et imprécation, on a jetés sur lui, en lui parlant, ou en parlant de lui, tout simplement - le mithridatiser contre l’intimidation intellectuelle, par exemple, exercée par des gourous à la manque que la crédulité publique incessamment fomente – oh ! et puis, c’est marre. Vous m’avez compris.
5 : « Sa pensée ne se situe pas du côté des Lumières, mais de l’antiphilosophie. » Oui, Freud était antiphilosophe, je l’ai déploré tout à l’heure. Mais les Lumières aussi : elles étaient « progressistes », et c’était Newton (et Locke) contre Descartes. Avec Pascal, et à partir des Lumières, il n’est pas un seul grand philosophe qui n’ait été un antiphilosophe. Kant, qui fiche par terre toute la métaphysique. Hegel, qui noie ses prédécesseurs dans le puits du Savoir absolu, et… Tiens, pour une fois, je vais citer Badiou, trouvé sur Google à « antiphilosophe » : « Voyez Pascal, Rousseau, Nietzsche, Wittgenstein : personnalités impérieuses, implacables, engagées contre les « philosophes » dans une lutte sans merci. Descartes, pour Pascal ? « Inutile et incertain ». Voltaire, Diderot, Hume, pour Rousseau ? Des corrompus, des comploteurs. Le philosophe, pour Nietzsche ? Le « criminel des criminels », à fusiller sans délais. Les conceptions de la métaphysique rationnelle pour Wittgenstein ? De purs et simples non-sens. Et pour Kierkegaard, la majestueuse construction hégélienne ? L'absence au monde d'un vieillard. »
6 : « sa politique procède du pessimisme autoritaire » Eh oui, pessimiste, c’est certain. Et c’était raisonnable et lucide quand l’Autriche allait se donner à l’Allemagne, et à un certain petit caporal qui n’avait pour lui que son verbe enchanteur, ses aboiements irrésistibles, sa voix - ô objet petit a vocal, que de crimes commis à ton son ! – toujours le truc « magique », quoi ? Autoritaire ? Oui, il n’aimait pas trop la démocratie à l’américaine et le règne du marché, il préférait François-Joseph et le signifiant-maître à l’ancienne, tel que manié par les fin-de-race débiles régnant sur l’Europe d’avant 14.
7 : « sa doctrine s’impose par un verrouillage sophistique » Oui, Popper a joué ce coup-là. Freud avait démonté tout ça par avance. Et Lacan ne se gêne pas pour afficher « le sophisme des trois prisonniers - « sous les verrous » en effet… Le problème, voyez-vous, M. Onfray, c’est que le sophiste, ce n’est pas Freud, c’est l’inconscient.
8 : « la constellation de ses disciples suppose affiliation religieuse ». Oui, Lacan parle bien de son excommunication. Mais c’est plutôt bureaucratie qu’Eglise.
9 : « l’histoire du freudisme s’est constituée avec une narration légendaire. » Oui, mais ôtez la légende, l’arche demeure.
Je compte 9 thèses, non 10 Sans doute la 3 vaut-elle pour deux. Tout cela ne ferait pas de mal à une mouche. Freud, insensible à l’outrage… Ah ! elle est belle, l’université populaire… ce n’est pas encore cette fois-ci qu’on l’instruira, le peuple, sur son malheur... tiens, pourquoi nous, nous ne faisons pas une université populaire ?... nous sommes peuple, aussi…
Marie-Catherine Mériadec, de temps à autre, ne manquez pas, s’il vous plaît, de nous donner des nouvelles de ce garnement d’Onfray.
Philippe Benichou : Référencement sur Internet
Merci, chère Jeanne Joucla, pour votre message via le JJ. L'année dernière, au moment de l'AG de l'ECF, si on tapait les mots "lacan + psychanalyse" dans Google, le site de l'ECF apparaissait vers la dixième page. Nous nous sommes attelés à ce problème depuis le lancement du nouveau site, notre partenaire technique et moi-meme. Le site a été optimisé pour Google, et, depuis la rentrée, le site de l'ECF est en première page si on tape ces deux mots. Je travaille encore à choisir pour chaque page des mots-clés et des titres, pour continuer à perfectionner le référencement de l'ensemble du site par Google.
Réponse à Philippe Benichou
Mais oui, notre interlocuteur véritable, l’Autre qui se tient derrière les petits autres avec lesquels nous ferraillons, l’Autre qui calcule pendant que le monde se fait, c’est Google. Etre bien noté par Google, avancer dans le classement Google, gagner des pages Google, rien n’est plus important dans le monde d’aujourd’hui. Et la remontée sensationnelle du peloton que vous avez accomplie en un an fait penser aux exploits de Charly Gaul ou d’Anquetil sur le Tour de France. Un objectif : le maillot jaune ! Etre en tête dès que l’on tape « psychanalyse ». Et dès que l’on tape « Lacan ». Et « Freud ». Et « pulsion ». Et « orgasme ». Et « organisation. Et tous les mots en tion. Et tous les mots, tous les mots….
Jacques-Alain Miller : La femme abandonnée
On m’avait demandé, pour vendredi soir minuit, le 16 octobre, de dialoguer sur France 2 avec Barbara Schulz : Sabina Spielrein, l’hystérie, Freud. Maintenant, on m’annonce qu’il faudra, auparavant, que je m’entretienne avec Mme Brunel, l’épouse divorcée du ministre Besson, sur : le sort de la femme de 50 ans, abandonnée par son mari pour un tendron. Au point où j’en suis, j’ai dit oui. Des femmes de 50 ans, j’en connais qui ont mari et/ou amant(s). Je connais aussi des hommes de 50 ou 60 ans, abandonnés par leur femme pour un gamin, ou une gamine, ou encore les petits-enfants du couple. Il y a aussi la vigoureuse quinquagénaire, mariée à un éphèbe, qui le trompe gaiement avec des vieux. Il y a celles qui considèrent qu’à 50 ans, le moment est enfin venu pour elles de se libérer du devoir conjugal, le bien nommé, pour sublimer un bon coup : l’aide samaritaine (via : écologie, religion, syndicat, parti, association…), le tourisme, les copines, l’histoire de l’art, la psychanalyse… Il y a la fille de 20 ans abandonnée par son mari pour une femme plus âgée, jugée plus savante, ou plus charmante. « Il y a plus de choses, Horatio… » Contributions - témoignages et idées - demandées à vous qui lisez ce Journal : ça élargirait ma palette, me rendrait service, et à la bonne cause, et nourrirait l’affamé Journal, ogre véritable.
Réponse à Jacques-Alain Miller
Je vous vois, permettez-moi de vous le dire, sur une pente savonneuse. Vous passez une crise visiblement par un crise de « positivisme clinique », antonyme de « négativisme » : c’est un mal qui consiste à dire oui à tout. Demain, vous direz oui quand M. Giesbert vous demandera de vous entretenir avec M. Berlusconi de ses prétendues partouzes, de ses supposées call-girls : « ce serait offenser le Point et l’Italie que de refuser ». Puis, on vous priera de dialoguer avec l’une de ses call-girls à propos de M. Berlusconi, et vous plaiderez : « elle est repentie, puis-je la bouder ? ». Et enfin, de mal en pis, ce sera l’interview du pape Benoît, et son idée coquine qu’il est essentiel que l’humanité fasse l’amour sans préservatif. Berlusconi, les call-girls, passe encore, mais le pape ! le préservatif !
Rosa Yurevich : Atlantique
Je suis très désolée : ceux qui retireront leurs badges le vendredi auront droit à un cadeau et à un billet de tombola, mais nous qui ne serons là que samedi matin, nous n’aurons droit à rien. Ce n’est pas juste. Etre là le jeudi ou le vendredi, c’est facile pour ceux qui vivent à Paris, ou en France, ça l’est beaucoup moins pour ceux qui, comme moi, vivent à Cordoba, et traversent l’Atlantique. Alors, je proteste. Nous aussi, nous voulons cadeaux et tombola !
Réponse à Rosa Yurevich
Vous avez raison, chère Rosa, parfaitement raison. Ma seule excuse vient d’Alfred de Musset : c’est que l’on se saurait penser à tout.
Les Franco-Belges seront privés de dessert s’ils attendent samedi matin pour retirer leurs badges, ainsi que les résidents en France et Belgique, quelle que soit leur nationalité. En revanche, les autres auront droit à tous les avantages, spécialement ceux qui traversent les océans pour se joindre à nous. Mariana Lusa, qui assure la coordination de l’accueil, et qui, miracle, vient d’Argentine, veillera tout particulièrement sur eux.
A mon avis, il serait juste de prévoir 2 cadeaux, et non pas un seul, vu le kilométrage. On devrait s’inspirer des compagnies d’aviation, et de celles qui vendent des cartes de crédit : avantages ! avantages ! davantage d’avantages ! Encore un effort pour venir à bout de la castration imaginaire ! Qui a dit que c’était impossible ? J’attends de pied ferme la prochaine protestation. Je l’étoufferai sous les cadeaux ! Je jugulerai toutes les contestations comme M. Dassault : en mettant la main au portefeuille… de l’Ecole !
Après tout, Jules César n’a pas fait autrement. « Panem et circenses » ! Et ça marche toujours ! C’est comme ça que se gagnent les élections… Arroser le peuple ! Le secret est là ! L’arroser de cadeaux ! Et, si le cadeau ne marche pas, le canon à eau ! et si, ça aussi, ça ne suffit pas, alors, le canon à obus ! Vive le Père Ubu !
Jarry a tout dit. Le pouvoir, c’est Ubu ! Tous des hurluberlus !
« Non, pas Obama, quand même ! » Si ! Obama aussi ! Ceci n’est pas de la psychologie, voyez-vous, c’est de la structure - de la structure de la politique. Nul n’y échappe. Tous sont frappés. « Mais pas vous, quand même ! Pas les membres de notre Directoire, de notre cher Conseil ! » Et pourquoi croyez-vous que tout ce monde-là permute ? Parce que le plus innocent, bienveillant, le pouvoir le transforme, le signifiant–maître le happe, le « corrompt ». On permute vite fait, afin d’inhiber la croissance parmi nous de Pères Ubu - et de Mères Ubu aussi, possiblement pires encore, comme dans Shakespeare.
Pour réfréner les abus des Ubus des deux sexes - et de n sexes d’ailleurs, pourquoi se priver ? - il convient de multiplier les canaux de protestation possibles, et les forums à ciel ouvert où le quidam interpelle impunément les chefs du moment. La colère des puissants – je plaide pour ma paroisse - est moins à craindre que leur silence, leur phobie du contact, leur demeure inaccessible, leurs agendas toujours déjà pleins, leurs loisirs sacro-saints, leurs dérobades, leurs dissimulations.
L’inimité est fatale entre gouvernants et gouvernés, c’est comme ça. Il faut donc s’en servir Ad majorem Scholae gloria, AMSG.
Le plus dangereux de tous, à vrai dire, le plus nocif à terme, c’est le dirigeant qui se fait aimer. Un « Génie des Carpathes », comme Ceaucescu. Un gourou de secte, habile à se faire prendre pour un bienfaiteur de l’humanité, une Mère Teresa, un nouveau Solon, voire un inoffensif « chef d’orchestre ». La musique est affaire d’harmonie, c’est pourquoi les pouvoirs encouragent toujours la musique et la danse. Pardon, Emmanuelle Garcia, votre lettre m’a bien intéressé, je n’ai pas lu Berlioz, je réparerai ça. Il est dangereux, votre chef d’orchestre, parce qu’il vous fait oublier la vraie nature du pouvoir, à savoir que le pouvoir est l’ennemi naturel du citoyen. Celui-là, il faut le permuter dès que possible, et même un peu avant. Plutôt regretté qu’encombrant. C’est mon idée, ce n’était pas celle de Lacan.
Précision : je ne publierai aucun texte dont la teneur significative serait : « Ne me quitte pas ! »
Ceux d’entre les lecteurs qui n’ont pas eu la chance d’apprendre l’histoire romaine à l’école se reporteront avec profit à l’article « Cincinnatus » de Wikipedia ; en attaché, la statue dudit dans la ville de Cincinnatus (Etat de New York).
Mes hommages, Rosa, faîtes bon voyage.
Dernière heure
Graciela Brodsky m’a informé cette nuit qu’elle venait d’apprendre que le diplôme délivré par notre Institut de Buenos Aires venait d’être reconnu par l’Etat argentin, et qu’il aura valeur nationale. Elle me dit que c’était inespéré il y a encore quelques mois, et que l’appui de notre ami José (« Pépé ») Nun, secretariado de Cultura de la Nacion, a certainement été décisif. Elle est aux anges. Merci à Pépé, qui a bien mérité du Champ freudien. Tiens ! il faudrait créer une décoration, on la lui donnerait. Je me demande où en est le décret d’application de la loi Accoyer. Il faudra que je me renseigne.
Les Journées 38 ont lieu les 7 et 8 novembre prochains à Paris, au Palais des Congrès
ECF 1 rue Huysmans paris 6è Tél. + 33 (0) 1 45 49 02 68
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