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RI3 – La Liste
Véronique Servais-Poblome nous adresse un petit synopsis sur deux livres de Elizabeth Motsch, qu'elle a lus. Ils parlent fort bien de l'autisme, l'autisme d'Asperger, à partir du témoignage d'une mère qui est l'auteure et de son fils autiste, "Gabriel", qui a grandi, "La bécassine de Wilson".
En cette période de vacances, merci à Véronique de nous donner envie de lire ces deux ouvrages.
JRR.
En cette période de vacances, merci à Véronique de nous donner envie de lire ces deux ouvrages.
JRR.
Gabriel et la bécassine de Wilson,
ou le choix de la vie pour un sujet autiste
ou le choix de la vie pour un sujet autiste
Après « Gabriel » (1), Elisabeth Motsch nous présente le partenaire de Gabriel, « La bécassine de Wilson » (2). « Gabriel » est l’histoire racontée à des enfants d’un petit garçon, autiste d’Asperger, qui change d’école, qui dit ne pas aimer le changement et qui finit par dire qu’il veut rester dans cette école. Son école n’est pas si ordinaire que cela : il rencontre quelques enfants mais surtout un professeur de théâtre qui le laisse en marge de la classe, ce qui lui permet de rejoindre les autres, d’abord en mimant sans parler, puis en parlant pour endosser un rôle sur la scène du semblant.
Gabriel a maintenant quinze ans. Il est passionné par la bécassine de Wilson, il en sait des choses sur elle, mais pas tout : par exemple, alors que Gabriel aime marcher, il se demande combien de kilomètres la bécassine parcourt exactement chaque été. La bécassine de Wilson, pour Gabriel, c’est comme si elle lui était familière et pourtant, elle lui échappe. C’est comme son objet qui le fait causer. Il a beau dire à une étudiante en psychologie, qui le questionnait sur le syndrome d’Asperger, qu’il ne pense rien de spécial à propos des filles, Gabriel se souvient de cette jeune femme qui avait la voix douce, la manie de rire à ses réponses et qui avait bu un jus d’orange avec lui. Et puis il s’intéresse à la bécassine de Wilson : le frère de Gabriel dit qu’il en est amoureux !
Les parents de Gabriel racontent les embûches qu’ils ont rencontrées. Parler de traits autistiques fermait les portes d’un établissement scolaire et une institutrice qui ne voulait pas de Gabriel dans sa classe avait répondu : « Je suis inapte à m’adapter » ! Pourquoi des gens intelligents ne voyaient-ils pas que Gabriel faisait de son mieux mais que les codes sociaux étaient pour lui comme une langue étrangère ? Avec le temps, la maman a pris l’habitude de moins s’embarrasser de codes inutiles et le père finit par trouver que les normaux sont des gens bizarres.
La famille Almate a fait quelques rencontres plus heureuses, avec une institutrice, Héloïse, patiente, qui n’élève pas la voix, jusqu’à être placide, trop empathique, comme si elle présentait un syndrome d’Asperger à l’envers ! Puis, il y a aussi le docteur Julio, psychiatre et psychanalyste, qui tenait une consultation dans un lieu public et gratuit, et avec qui Gabriel dessinait des dinosaures qui font peur et des dinosaures rayés comme la chemise rayée du docteur, « pour faire rire ». Gabriel ne voulait pas faire parler les dinosaures mais il était intarissable sur les espèces : « Chaque semaine semblait charrier son contingent, comme si les paléontologues en découvraient au fur et à mesure. » Le docteur Julio n’apprécie pas la méthode comportementaliste A.B.A. (3), « un nom rabat-joie à lui seul ». Pour lui, les neurobiologistes se prennent pour ce qu’ils sont, des savants. Leur habitude de contempler les cerveaux trafiqués des souris les rend vaguement suspects d’indifférence à la souffrance d’autrui. Il ne suffit pas de déterminer des gènes responsables, le cerveau humain reste une immense énigme quoi qu’on en dise. Le docteur Julio se méfie de ceux qui pratiquent le dressage…
Au dernier jour de vacances pour Gabriel, de la vie pour le vieux, Gabriel rencontre Louis. Ils se rencontrent sans se comprendre : Louis et Gabriel ne pensent pas au même magot (c’est aussi un macaque !), ni au même front ou au même poilu. Louis parle de la mort et Gabriel de la vie, de la bécassine de Wilson. Pour Gabriel que la mort fait peur, il avait décidé qu’il ne mourrait jamais. Pour faire conversation, Gabriel reprend les mots de son père et de sa mère : après la mort, le corps pourrit, point final. Les humains deviennent de la terre, point final. Puis, ils deviennent des arbres, point final. Quant à Louis, il a l’idée que sa famille veut l’enfermer dans une maison de repos et veut son argent. Mais Louis, qui boit du vin d’une main et tient son fusil de l’autre, s’enferme tout seul dans le souvenir de la guerre, de ses parents, de sa femme qui l’a quitté. Pour Louis, personne ne l’attend. Pour Gabriel, il doit y aller, sa famille l’attend pour le repas.
(1) Gabriel, de Elizabeth Motsch, Mouche de l’école des loisirs, 2006.
(2) La bécassine de Wilson, de Elizabeth Motsch, Actes Sud, 2008.
(3) L'A.B.A ou Applied Behavioral Analysis, en français Analyse Comportementale Appliquée, est une approche inspirée du behaviorisme, des recherches de Pavlov et Skinner sur le conditionnement, et créée par Ivar Lovaas aux États-Unis dans les années 1960. Elle consiste en une analyse du comportement, associée à une intervention éducative intensive visant à obtenir la meilleure intégration dans la société par l'augmentation des comportements jugés adaptés et la diminution des comportements jugés inadaptés.
Gabriel a maintenant quinze ans. Il est passionné par la bécassine de Wilson, il en sait des choses sur elle, mais pas tout : par exemple, alors que Gabriel aime marcher, il se demande combien de kilomètres la bécassine parcourt exactement chaque été. La bécassine de Wilson, pour Gabriel, c’est comme si elle lui était familière et pourtant, elle lui échappe. C’est comme son objet qui le fait causer. Il a beau dire à une étudiante en psychologie, qui le questionnait sur le syndrome d’Asperger, qu’il ne pense rien de spécial à propos des filles, Gabriel se souvient de cette jeune femme qui avait la voix douce, la manie de rire à ses réponses et qui avait bu un jus d’orange avec lui. Et puis il s’intéresse à la bécassine de Wilson : le frère de Gabriel dit qu’il en est amoureux !
Les parents de Gabriel racontent les embûches qu’ils ont rencontrées. Parler de traits autistiques fermait les portes d’un établissement scolaire et une institutrice qui ne voulait pas de Gabriel dans sa classe avait répondu : « Je suis inapte à m’adapter » ! Pourquoi des gens intelligents ne voyaient-ils pas que Gabriel faisait de son mieux mais que les codes sociaux étaient pour lui comme une langue étrangère ? Avec le temps, la maman a pris l’habitude de moins s’embarrasser de codes inutiles et le père finit par trouver que les normaux sont des gens bizarres.
La famille Almate a fait quelques rencontres plus heureuses, avec une institutrice, Héloïse, patiente, qui n’élève pas la voix, jusqu’à être placide, trop empathique, comme si elle présentait un syndrome d’Asperger à l’envers ! Puis, il y a aussi le docteur Julio, psychiatre et psychanalyste, qui tenait une consultation dans un lieu public et gratuit, et avec qui Gabriel dessinait des dinosaures qui font peur et des dinosaures rayés comme la chemise rayée du docteur, « pour faire rire ». Gabriel ne voulait pas faire parler les dinosaures mais il était intarissable sur les espèces : « Chaque semaine semblait charrier son contingent, comme si les paléontologues en découvraient au fur et à mesure. » Le docteur Julio n’apprécie pas la méthode comportementaliste A.B.A. (3), « un nom rabat-joie à lui seul ». Pour lui, les neurobiologistes se prennent pour ce qu’ils sont, des savants. Leur habitude de contempler les cerveaux trafiqués des souris les rend vaguement suspects d’indifférence à la souffrance d’autrui. Il ne suffit pas de déterminer des gènes responsables, le cerveau humain reste une immense énigme quoi qu’on en dise. Le docteur Julio se méfie de ceux qui pratiquent le dressage…
Au dernier jour de vacances pour Gabriel, de la vie pour le vieux, Gabriel rencontre Louis. Ils se rencontrent sans se comprendre : Louis et Gabriel ne pensent pas au même magot (c’est aussi un macaque !), ni au même front ou au même poilu. Louis parle de la mort et Gabriel de la vie, de la bécassine de Wilson. Pour Gabriel que la mort fait peur, il avait décidé qu’il ne mourrait jamais. Pour faire conversation, Gabriel reprend les mots de son père et de sa mère : après la mort, le corps pourrit, point final. Les humains deviennent de la terre, point final. Puis, ils deviennent des arbres, point final. Quant à Louis, il a l’idée que sa famille veut l’enfermer dans une maison de repos et veut son argent. Mais Louis, qui boit du vin d’une main et tient son fusil de l’autre, s’enferme tout seul dans le souvenir de la guerre, de ses parents, de sa femme qui l’a quitté. Pour Louis, personne ne l’attend. Pour Gabriel, il doit y aller, sa famille l’attend pour le repas.
(1) Gabriel, de Elizabeth Motsch, Mouche de l’école des loisirs, 2006.
(2) La bécassine de Wilson, de Elizabeth Motsch, Actes Sud, 2008.
(3) L'A.B.A ou Applied Behavioral Analysis, en français Analyse Comportementale Appliquée, est une approche inspirée du behaviorisme, des recherches de Pavlov et Skinner sur le conditionnement, et créée par Ivar Lovaas aux États-Unis dans les années 1960. Elle consiste en une analyse du comportement, associée à une intervention éducative intensive visant à obtenir la meilleure intégration dans la société par l'augmentation des comportements jugés adaptés et la diminution des comportements jugés inadaptés.
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