Par Milena Popova et Bilyana Mechkunova
Le séminaire a eu lieu à Sofia le vendredi 7 février 2014 sous la présidence de Réginald Blanchet,
psychanalyste à Athènes, membre de la New Lacanian School, membre de
l'Ecole de la Cause Freudienne et de l'Association Mondiale de
Psychanalyse, membre de la Société Hellénique de la NLS et enseignant au
Collège clinique d'Athènes.
Le séminaire était dédié à « L'objet du désir » qui est le thème de travail de la NLS cette année.
La psychanalyse s'engage dans une voie fausse, enseigne Lacan, lorsqu'elle assimile l'objet du désir à l'objet du besoin, voire de la demande. Il se soutient du fantasme. L'objet du désir, celui autour duquel la dialectique du désir s'articule, c'est l'objet du fantasme. De sorte que la satisfaction du désir
n'est jamais que la jouissance du fantasme. Le sujet, dans son désir,
ne fait jamais que jouir de son fantasme. Lacan, dans le Séminaire VI Le désir et son interprétation, s'emploie à déployer les modalités propres de l'objet du désir saisi comme autre imaginaire dans sa formule du fantasme ($◊a), dans la névrose et la perversion.
Réginald Blanchet a proposé deux extraits du Séminaire VI de Jaques Lacan, pour la discipline du commentaire : chapitre « L'objet Ophélie », auquel Lacan consacre sa cinquième leçon :
1.... « l'objet - qui est l'objet de désir uniquement en ce qu'il est terme du fantasme » (Le Séminaire, livre VI, p. 370).
2. « dans l'articulation du fantasme l'objet prend la place de ce dont le sujet est privé, c'est à savoir, du phallus » (Le Séminaire, livre VI, p. 370).
Les deux extraits ont été commentés par Vessela Banova et Bilyana Mechkunova. Le fondement de la psychanalyse part de la thèse que du fait qu'il entre dans le langage, l'être vivant perd quelque chose. Dans la psychanalyse lacanienne, cette perte est appellé φ, phi (le phallus) et aussi - φ, moins phi où le signe moins indique une perte. Le sujet devient sujet, c'est-à-dire le sujet émerge par le fait qu'il a perdu quelque chose qui est le phallus, et c'est ce qu'on définit comme la castration.
Il s'effectue une perte chez l'être vivant en raison de l'entrée dans
le langage. C'est une perte phallique et le sujet, attaché au
signifiant, remplace ce qu'il a perdu. Le sujet cherche dans les objets
de son désir ce qu'il a perdu de cette façon. Autrement dit, l'objet du désir vient pour le sujet remplacer ce qui a été perdu, c'est-à-dire la perte phallique, c'est-à-dire - φ, moins phi. Le sujet est ce qui émerge après que cette perte se soit effectuée, et l'objet est ce que le sujet cherche, car cet objet va remplacer la perte.
Réginald
Blanchet a repris les commentaires des extraits en présentant les
concepts théoriques qui soutiennent l'apprentissage du graphe du désir auquel Lacan consacre deux, même trois leçons dans le Séminaire VI.
Le graphe comprend deux niveaux. Le premier niveau est celui du signifiant et de la
demande, le deuxième - celui de l'inconscient. Au moment où le sujet se
met à parler, tous les étages du graphe se mettent en action et
fonctionnent simultanément et parallèlement. Le désir se situe et agit à
la limite entre les deux étages. Lacan part du fait constituant du
sujet parlant et de la chaîne signifiante. Le signifiant S1 s’articule au signifiant S2. Il est nécessaire que la chaîne s'interrompe pour qu'il y ait
un effet de signification. S'arrêter plus tôt ou plus tard entraîne un
changement du sens. Le sujet qui parle n'est pas présent, mais il est
représenté dans la chaîne signifiante. La chaîne signifiante et ses
coupures supposent une interprétation qui est au bout du compte une
interprétation du désir,
car la question est ce que ce sujet veut nous dire. Ce sujet qui n'est
que représenté, Lacan le pose à la base du graphe, en face du désir. C'est le sujet de la chaîne signifiante et de l'intervalle signifiant, il est objet du désir. Quand le sujet parle et s'adresse à l'Autre, il adresse une demande. Ou bien nous voulons quelque chose,
ou bien nous demandons la présence de l'Autre. Ce premier étage du
graphe est accessible à la conscience.
Puis Réginald Blanchet a présenté le deuxième niveau du graphe où le sujet disparaît et il ne reste que sa demande au niveau inconscient - ce sont les différentes modalités de la pulsion orale, anale, le regard, la voix.
Le désir de l'Autre est marqué par un inconnu au début, qui peut
apparaître suite à l'interprétation des formations de l'inconscient.
Voilà pourquoi Lacan va dire qu'à ce niveau l'Autre n'existe pas. Alors,
quand le désir du sujet est interprété en termes des pulsions, le sujet
répond avec une formation particulière qu'est le fantasme. Là il est
articulé à un objet de la pulsion et quand ilse retrouve face au désir de l'Autre, le sujet répond avec son fantasme. Le symptôme apparaît au niveau de la chaîne signifiante.
Le fantasme est toujours présent et actif dans un symptôme. Mais si la
jouissance présente dans le fantasme apporte de la satisfaction au
sujet, dans le symptôme, elle se vit comme déplaisir.
Réginald Blanchet a aussi indiqué les trois déterminants qu'on définit dans l'étude d'un fantasme principal : l'expression, les objets des pulsions et la forme que prend le trou, la non-existence de l'Autre dans le fantasme.
En
bas du graphe de Lacan, on retrouve le système des identifications. Ici
le sujet comme sujet dans la chaîne des signifiants apparaît et
disparaît. En tant qu’il est représenté par
la chaîne signifiante, il est représenté par les intervalles dans la
chaîne – à travers les lapsus, les actes manqués, les rêves... Le sujet
de l’inconscient apparaît et disparaît, c’est dans sa structure. A cette
structure instable correspond la fixation du sujet au niveau du
fantasme et au niveau du symptôme. Le symptôme et le fantasme sont
une sorte de réponse à cette apparition et disparition du sujet. Il y
en a une troisième réponse – au niveau des identifications.
Lacan s’arrête sur cette formation imaginaire au niveau du fantasme qui répète une dimension fondamentale du sujet parlant, qu’est l’expérience de la dimension de l’imaginaire. Lacan situe icil’expérience spéculaire de voir son image au stade du miroir. Mais il le réfère à l’autre comme alter ego. Tandis que dans le miroir nous voyons un moi qui anticipe son unité, il s’agit ici de quelquechose d’autre - un déplacement dans la direction de l’expérience de la dimension de l’imaginaire par rapport à l’autre vu dans le miroir. Cet autre, noté par le petit a,
est celui que nous retrouvons dans la formule du fantasme. Le fantasme
reproduit cette expérience de la dimension imaginaire qui se constitue
dans le rapport à l’autre.
Toutes les valeurs que le sujet prend sont incluses dans ce graphe du désir. Elles sont liées d’une manière particulière. Comme sujet parlant, il est le sujet de la demande et il a à faire avecquelque chose qui est au-delà de l’Autre, qui constitue le désir de l’Autre. Au-delà de la demande à l’Autre est le désir de l’Autre. Le désir a le fantasme comme point d’appui et de fixation.
Un des nombreux détails à retenir de ce Séminaire est cette note de
Lacan qui dit que le désir peut être un peu plus prêt de l’Autre ou un
peu plus prêt des pulsions. Cela peut être rapporté à des manifestations
cliniques diverses et Réginald Blanchet a en donné des appuis théoriques précieux.
Les deux cas cliniques présentés au séminaire étés commentés dans les termes du graphe.
Milena Jekova, psychologue, psychothérapeute à Sofia, a parlé de sa façon d’accompagner une jeune femme qui ignore
complètement la dimension de désir. Au premier niveau du schéma – le
niveau de la demande – elle est coincée dans la demande d’amour et elle
n’a pas d’accès au deuxième niveau de la dimension du désir. Cette femme éprouve l’horreur d'elle-même
comme objet de jouissance de la maladie, elle s’est identifiée à cet
objet – le déchet malade. Sa relation à l’autre est réduite à la demande
que l’autre s’occupe, prenne soin de son corps malade.
Anelia Vassileva,
psychologue, psychothérapeute à Sofia, a présenté le cas où se joue le
théâtre statique du fantasme d’un jeune homme. C’est un sujet qui a un
besoin permanent de recevoir des directions de l’autorité et c’est sa
façon de tenir. Il
se trouve dans une relation imaginaire à l’autre dans le miroir. Le
fait que le petit autre l’amène chez le thérapeute. Dans ce cas se révèle la figure du Sur-moi, qui n’est pas refoulée ; c’est un fantasme à ciel ouvert. Cet homme incarne l’objet qui été maltraité par l’Autre.
Dans les deux cas – la femme-objet des soins et l’homme–sujet des commandes,
la position du sujet est celle du sujet maltraité. Cette position du
sujet n’a pas de connotation phallique et elle se voit clairement dans
la psychose.
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