6 de janeiro de 2010

Journal des Journées N°78

JOURNAL DES JOURNÉES




Le mercredi 6 janvier 2010, édition de 17h 23





N° 78







Platon et Aristote vus par Raphaël


Communiqué de Jacques-Alain Miller


Mon cours de cette année débutera le mercredi 27 Janvier. Il aura douze séances : trois en février (les 3, 10, 17), trois en mars (10, 17, 24), deux en avril (7, 14), une en mai (le 26), et deux en juin (2, 9). Il ne se tiendra pas aux Arts et Métiers, car le CNAM ne loue plus ses amphis, m’a-t-on dit, mais dans les seuls locaux qui se sont trouvés disponibles, ceux du Centre Rachi, 39, rue Broca, Paris 5e. Ce cours restant « ouvert » dans son principe, l’assistance y est limitée, et, pour des raisons de sécurité, il m’est demandé de fournir la liste des auditeurs. Je me vois donc contraint de demander à ceux qui souhaitent le suivre de se déclarer auprès de moi, en précisant leurs coordonnées et en me donnant le moyen de les situer : il faudra m’indiquer si vous êtes étudiant au département de psychanalyse de Paris VIII ou dans une Section clinique, membre d’une institution du Champ freudien (ECF, ACF, ou autre), ou si quelqu’un du Champ freudien peut répondre de vous ; si ce n’est pas le cas, je vous proposerai éventuellement de me rencontrer, ou, à défaut, un collaborateur. Cette demande doit m’être adressée par mail uniquement - avec objet : COURS - à l’adresse : n.marchaison@gmail.com



Editorial

Le 5 janvier 1980, Lacan faisait connaître par une lettre restée fameuse sa décision de dissoudre l’Ecole freudienne de Paris, qu’il avait fondée en 1964. Trente ans ont passé. Le lacanisme a survécu à Lacan. Le platonisme avait de même survécu à Platon.

La direction de l’Académie, qu’il avait fondée en 387 av. J.-C., était passée après lui aux mains de Speusippe, son neveu, fils de sa sœur Potonè, qu’il avait lui-même désigné. L’Académie, estime Luc Brisson, « resta fidèle aux orientations de son fondateur. Elle s’employa essentiellement à systématiser, à diffuser et à défendre la pensée du maître, face à d’autres Ecoles proposant une pensée concurrente. » (Philosophie grecque, M. Canto-Sperber éd., PUF, 1997, p. 599). Elle dura trois siècles, jusqu’à la prise d’Athènes par Sylla en 87 av. J.-C., qui vit disparaître les quatre grandes institutions philosophiques de la ville, rattachées à Platon, à Aristote, à Epicure, et aux Stoïciens. Les quatre réapparaissent en 176, sous la forme de « chaires de philosophie », dotées par Marc-Aurèle.

Il faut attendre Plotin, et l’Ecole qu’il fonde à Rome (244-269), pour assister à une renaissance sensationnelle de la doctrine, repensée à partir du Parménide et de Pythagore ; une convergence avec l’aristotélisme s’amorce. Le néo-platonisme sera diffusé dans le monde, au cours de ses incessants voyages, par Porphyre, qui donna également l’édition standard des Ennéades. Une Ecole renaît à Athènes, dirigée durant un demi-siècle par l’infatigable Proclus (412-485) ; sa Théologie platonicienne marque l’acmé du néo-platonisme. L’Ecole d’Alexandrie passe dans les mains des chrétiens ; l’orthodoxie religieuse byzantine obtient en 529 la fermeture de l’Ecole d’Athènes ; toute activité philosophique disparaît du monde latin, tandis que sept platoniciens distingués émigrent en Perse.

Mesuré à l’aune de ces neuf siècles, le lacanisme n’en est qu’à ses débuts. Le régime des écoles de pensée est, au premier abord, fort différent au 21e siècle de ce qu’il fut dans l’Antiquité. Tout est plus vite. L’Université est là, tombeau des savoirs. Néanmoins, c’est à ces écoles du temps jadis que Lacan fit référence quand il fonda l’Ecole freudienne de Paris ; des analogies, sinon des constantes, se signalent à l’attention.  JAM












archives du journal










Philippe Benichou me confirme que tous les numéros passés du Journal des Journées du n° 1, 1er septembre 2009, au n° 77, 24 décembre, sont archivés sur le site de l'ECF, à l’adresse :





http://www.causefreudienne.net/agenda/evenements/journal-des-journees-de-l-ecf





Par ailleurs, sur le site http://disparates.org/JJ/, on trouve un archivage réalisé à l’initiative de Véronique Muller, avec mon autorisation ; cet archivage, encore très partiel, bénéficie d’une mise en page originale et de commentaires divers.





Toujours avec mon autorisation, une sélection mensuelle en espagnol se prépare à Buenos Aires, à l’initiative de Vera Gorali,. — JAM


LETTRE DU PREMIER JANVIER

par Yves Depelsenaire


Je suis membre de l’ECF depuis ses débuts. J’y ai été accueilli par le charmant Robert Lefort, un des quelques anciens de l’Ecole Freudienne de Paris resté fidèle à Lacan après sa dissolution. Je garde de notre entretien un souvenir ému. J’avais trente ans. Je n’étais ni médecin ni psychologue. Bref, je sortais de nulle part.

Je suis resté viscéralement attaché à l’existence de cette Ecole. Dans un sens, elle représente toujours pour moi ce qu’elle fut à ses débuts : le lieu sur lequel Lacan pariait qu’elle préserverait son enseignement. Jeune et mouvante encore,….

Mais le jour où j’aurai le sentiment qu’il n’en est plus rien, elle ne m’intéressera plus.

A présent, j’ai à peu près l’âge de Robert Lefort à cette époque. Je ne suis pas sûr qu’aujourd’hui pareil accueil me serait encore réservé. C’est ce qui me motive à écrire ces lignes.

Rien de plus énervant que le jeunisme. Je ne pense pas qu’il suffise d’ouvrir la porte de l’Ecole à des bataillons de « moins de x années » pour la ranimer. Mais il est clair que son malthusianisme invétéré est consternant. Ce n’est pas neuf. Je connais d’excellents collègues, plus complètement jeunes et pour cause, qui se sont lassés de frapper à la porte de l’Ecole. Certains ont le grand malheur de n’être ni médecin ni psychologue. L’Ecole, sensée attachée au principe de la psychanalyse laïque, semble, à ma grande surprise, avoir intégré cette condition dans la sélection de ses membres. Mais j’en connais qui ont fait l’effort de fastidieuses années en faculté de psycho, et qu’on ne traite pas mieux pour autant.

Même dans la conjoncture qui suit les récentes Journées, je n’oserais pas les encourager à représenter leur candidature, de crainte de les exposer à une nouvelle déception cruelle. Beaucoup sont pourtant actifs depuis bien longtemps dans les divers réseaux du Champ freudien. J’admire leur persévérance. Je les plains quand je les découvre taillables et corvéables à merci.

Deux cas précis, mais significatifs, m’ont frappé. Il s’agit de deux personnes, que je connais fort bien, pour les avoir proposées comme passeurs voici une dizaine d’années. Selon les échos qui m’en sont parvenus, elles ont rempli leur tâche à la plus grande satisfaction des cartels de l’époque.

Elles n’ont toujours pas été admises à l’Ecole depuis. Comme je m’en étonnais un peu auprès d’un membre du Conseil il n’y a pas très longtemps, il me fut répondu qu’elles étaient décidément animées d’un trop grand désir de reconnaissance. La bonne blague ! Comme si d’un tel désir impur, chacun dans l’Ecole était nettoyé ! Connaissant la modestie trop grande des intéressées, et l’authenticité de leur rapport à la psychanalyse, les bras m’en sont tombés.

L’Ecole souffre d’un autre mal, qui s’est révélé mieux que jamais à l’occasion des dernières Journées, et que mon ami Hellebois a fort bien défini : l’unanimisme. C’est ce qui me fait redouter qu’en dépit des espoirs soulevés par ces Journées où l’analysant prit la parole, et où la singularité de l’énonciation fut éminemment sensible, l’aile du désir trop tôt retombe.

Pour ma part, les enthousiasmes de commande ont toujours eu cet effet sur moi. Hellebois, lui, arrive à s’en amuser. C’est le bon remède. Je vais tâcher de me régler là-dessus.

Ces dernières années, l’unanimisme s’est manifesté dans deux directions opposées. Il y eut d’abord la période « Tous au CPCT ». Période sympathique à maints égards, qui, ne l’oublions pas, Jacques-Alain Miller l’a heureusement rappelé en un hommage mérité à Hugo Freda, a ramené de nombreux jeunes collègues vers l’Ecole comme lieu privilégié de formation clinique. Puis, suite aux objections, certes fondées, exprimées par Jam, ce fut la période, ô combien moins sympathique, du « Horreur CPCT ».

On avait connu le même mouvement avec « Vive la passe à l’entrée » !, suivi du « Que nul n’entre ici s’il n’y est déjà ». Ouverture-fermeture de l’inconscient, imparable battement dialectique. Inéluctable ?

Quel cri jaillira dans quelques mois ? Je ne jouerai pas au non-dupe et à l’oiseau de mauvaise augure. Je n’en présume donc pas. Mais comment faire pour que ce qui fait promesse ne soit pas mangé sous couvert d’applaudissements ? That’s the question, et il n’y a naturellement pas de réponse toute cuite. Sachons au moins ce qui nous pend au nez.

Jacques-Alain Miller : Commentaires sur quelques questions abordées dans la lettre précédente

La question des admissions. Une institution vit, cher collègue, comme vous vivez. Vous étiez jeune, vous êtes vieux. Une institution qui naît, qui se débat pour exister, est reconnaissante à ceux qui veulent la rejoindre dans le dénuement où elle est. Vous savez où nous en étions à la mort de Lacan. L’Ecole, c’était quoi ? Un petit groupe de jeunes responsables, qui s’accrochaient ; quelques aînés : les Lefort, les Lemoine, Wartel, Razavet, d’autres ; et quelque 100 membres de l’Ecole dissoute, dont l’ECF était le radeau de la Méduse. Pour faire nombre, on prit 50 membres en provenance du département de psychanalyse de Paris VIII, et encore 50, venus de nulle part, comme vous dîtes.

L’Ecole de 2010 n’est plus l’Ecole de 1980, pour le meilleur et pour le pire. Rejoindre l’Ecole aujourd’hui, ce n’est pas monter vaillamment sur un esquif où se pressaient les débris d’un désastre obscur, c’est entrer dans un établissement ayant pignon sur rue, puissant et respecté, assez richement doté pour lâcher les cordons de sa bourse sans même s’en apercevoir, bardé de toutes les accréditations sociales, introduit dans les ministères, partie prenante d’un vaste réseau international aux liens serrés. Eh bien, si l’Ecole a tellement changé, est-il surprenant que les conditions d’admission à l’Ecole aussi aient changé ?

Ce ne fut pas différent au commencement de l’Ecole freudienne, jadis, en 1964. Pour atteindre à grand peine la centaine de membres, il fallut à Lacan draguer un morveux de vingt ans qui le lisait depuis six mois, et deux de ses camarades, qui ne valaient pas plus cher (moi, Milner, et, si mon souvenir est bon, Yves Duroux). Le dialogue de Susanne Hommel avec Lacan témoigne de l’esprit de l’époque: « Je viens vous demander d’être membre de l’Ecole. — Mais je vous demande d’être membre de l’Ecole. Pas tout le monde veut devenir membre de l’Ecole. »

Seulement, à l’Ecole freudienne, la politique d’admission demeura inchangée. C’est ainsi qu’en seize ans, elle atteignit et dépassa le chiffre de 600 membres (en dépit de la saignée due à la révolte des notables et à leur départ, pour fonder le « Quatrième Groupe »). Dès 1973, quand je repris contact avec l’institution, les lacaniens, disons au moins les lecteurs de Lacan, y étaient moins nombreux que la somme des élèves de Dolto et de ceux de Jean Oury (psychothérapie institutionnelle). Cette croissance, alimentée par les pontes qui poussaient chacun leurs affidés, fut l’une des causes de la disparition de cette Ecole. Si l’Ecole de la Cause freudienne passe cette année le cap des trente ans, je tiens que sa croissance mesurée, le fait que nous soyons 377 ou 378 membres (chiffre que je viens d’obtenir d’Anne Ganivet, Secrétaire de l’Ecole), n’y est pas pour rien.

Je n’oublie pas les deux passeurs que vous aviez nommés, et qui sont restés sur le carreau, injustement dîtes-vous. Il faut nous en dire plus : ont-ils eux-mêmes fait la passe, vos passeurs ? ont-ils parlé aux dernières Journées ? Et, au demeurant, pourquoi ne pas dire qui ils sont ?


« Un trop grand désir ». Je n’aime pas plus que vous cette phrase que vous rapportez. Le « trop » n’est pas le problème. Dieu fasse que de très ambitieux collègues nous rejoignent ! Nous avons plus à craindre de ceux dont l’ambition se bornerait à devenir membres. La question, à mon sens, n’est pas tant de reconnaître que de promouvoir. Et je dis que l’Ecole, si elle veut être autre chose qu’une fiction - si nous désirons qu’elle existe, survive, et mieux que survivre, se régénére périodiquement - doit ici faire preuve de quelque égoïsme institutionnel : que peut-on faire pour elle ? que peut-on lui apporter, quel savoir, quelle énergie, quelles promesses ? Non, elle n’est pas là pour récompenser des bien-méritants, ni pour servir de maison de retraite à de vieux serviteurs, ni pour faire plaisir à des sympathisants. Ce n’est pas « une mère suffisamment bonne », ni non plus « un monstre froid ». L’Ecole est un calcul sur l’avenir. Elle est sortie d’un pari sur l’avenir fait par Lacan, et qui était une dissolution. Ce pari a été gagné. A notre tour de parier.


Pas de chantage à la pureté. L’Ecole, en tant qu’elle a des membres, qu’elle les sélectionne, ce n’est pas la psychanalyse pure, c’est la psychanalyse appliquée. C’est la psychanalyse appliquée à la constitution et au gouvernement d’une communauté professionnelle, et aux relations de cette communauté avec les puissances établies dans la société, et avec l’appareil de l’Etat. Pendant les années où j’ai siégé au Conseil, j’ai veillé à la passe, et j’ai veillé aussi à ce que le nombre des non médecins parmi nous soit balancé par un nombre égal de médecins. Ceci n’est pas pour rien dans la reconnaissance dont jouit l’Ecole. Et, pour reconnaître, il faut être reconnu. Un médecin apporte à l’Ecole un crédit social qu’un non médecin ne lui apporte pas, c’est ainsi. Une gestion avisé de l’intérêt de l’institution le prendra en compte.


Les ni… ni… Faut-il s’étonner, s’indigner, que l’Ecole soit réticente à admettre des non médecins et non psychologues ? Le monde a changé depuis que le charmant X* recrutait le charmant Y*. L’amendement Accoyer s’est imposé à nous, et ce n’est pas faute de l’avoir combattu. Toute l’Europe réglemente aujourd’hui l’activité psy sur des bases comparables. Le méconnaître serait pratiquer ce qui s’appelle la politique de l’autruche.

L’Ecole n’existe pas au ciel des Idées, c’est une institution qui se démène pour la cause freudienne dans le monde effectivement réel, wirklich, et cela comporte de passer des compromis, oui - à condition, bien entendu, qu’ils soient « révolutionnaires », comme disait quelqu’un, je veux dire qu’ils fassent avancer la cause. Au fond, je ne m’entends qu’avec des hégéliens, je veux dire avec ceux qui ont le concept de la « loi du cœur ». François Regnault saura les multiplier parmi nous. Lacan, quoi qu’on dise, est toujours resté fidèle à Hegel, là-dessus au moins.

Il sera donc plus difficile désormais de devenir membre de l’Ecole si l’on n’est ni médecin, ni psychologue (je ne le suis pas plus que vous). Cela nous permettra précisément d’admettre des ni… ni… de talent, qui seront nécessairement peu nombreux. Se faire psychologue, ce n’est pas le bout du monde, tout de même. Quand Laplanche, normalien, voulut devenir analyste, Lacan lui enjoignit de faire ses études de médecine. C’était au milieu du siècle dernier. Je ne vois rien d’indécent à expliquer au novice que la psychanalyse ne le dispense pas de régler ses factures de gaz, ni de rendre à César ce qui lui revient. Ce principe a la tradition pour lui.


Une subversion d’utilité publique. Une institution, considérée comme l’ensemble de ses membres, appartient évidemment au registre de l’extension. La définition du membre est en revanche une question intensionnelle. Si l’on veut que l’ensemble E, mis pour « Ecole », ne contienne que des psychanalystes, alors il ne faut prendre que des AE - à supposer que les jurys sachent ce qu’ils font. Lacan y a songé : c’est la formule qu’il proposait à ses élèves italiens (Autres écrits, p. 307 ). Sa pratique fut bien différente : présence de non analystes (idem, p. 269-272), nomination d’AME, faits pour répondre « au regard du corps social » (ibidem, p. 294).

Pourquoi une Ecole ? Il s’agit en somme de créer et de faire perdurer une institution qui satisfasse pleinement aux exigences de l’Etat et de la société, tout en abritant en son sein une pratique subversive du sujet qui s’appelle la psychanalyse pure. Pourquoi ces gages donnés, ces hochets reçus, ce grand déploiement de semblants ? Afin de loger la petite alvéole indispensable à la formation des analystes et à leur accréditation par d’autres analystes.

L’institution, ses compromis, voire ses ruses, déçoivent vos fantasmes ? Supprimez tout ça, il n’y a plus d’Ecole et il n’y a plus cette alvéole. Un trou n’existe jamais seul. Un trou n’existe pas dans le vide. C’est le contraire, vous voulez consolider l’institution en embrassant le siècle ? moderniser, intégrer l’institution à la société, aux médias, au marché ? devenir un rouage de l’Etat ou d’un de ses pseudopodes, l’Université, l’association Aurore, que sais-je encore ? Plus d’alvéole non plus.

Vous ne trouverez pas de recette, pas de mathème, pour vous dire comment faire, pour vous indiquer dans chaque cas, en chaque circonstance, comment négocier la passe entre Charybde et Scylla. Ici, on navigue à l’estime.


Malthusianisme. L’Ecole a-t-elle jamais fait preuve de « malthusianisme invétéré » ? Discutons-en. A moi il semble qu’il y eut pendant plus d’une décennie grande pénurie de jeunes à l’Ecole de la Cause, comme dans les autres institutions psychanalytiques. Une génération nous a fait défaut, vers 1995. La jeunesse a maintenant retrouv é le chemin de l’Ecole. Et pourquoi, et comment ? Ce fut à mon avis le vote unanime de l’Ecole contre l’amendement Accoyer, et la tenue d’une série de Forums jamais vus jusqu’alors, qui nous valut les faveurs de la jeunesse. Entre toutes les institutions analytiques, une seule, la nôtre, avait démontré en acte, et en prenant tous les risques, qu’elle avait à cœur, pour de vrai, l’avenir de la psychanalyse, et qu’elle se battait ici et maintenant, dans la Wirklichkeit, non point pour ses membres actuels, qui n’étaient pas menacés, mais bien pour leurs cadets. Notre offensive-éclair de novembre 2003 triompha en un mois, ne l’oublions pas, d’un texte pourtant voté à l’unanimité par l’Assemblée nationale (le 3 décembre, Accoyer retirait son amendement sous sa première forme ; laissons à d’autres de déplorer l’influence indue des intellectuels, ou des groupes de pression, dans la vie politique nationale). C’est à partir de 2004 (ou 2005) que les Sections cliniques signalèrent un afflux inédit de jeunes. J’imagine que c’est cette génération qui, en novembre dernier, est montée sur la scène. La génération Journées est la génération Forums, cinq ans après.


La passe à l’entrée. J’avais en effet tenté de ranimer la passe parmi nous en rappelant que les postulants à la passe qui n’étaient pas nommés AE pouvaient néanmoins être recommandés par le jury pour être nommés membres par le Conseil. Cette pratique est entrée dans nos mœurs. Mais j’avais aussi proposé autre chose : que, sans prétendre pour autant en être au terme de son analyse, on puisse demander d’entrer à l’Ecole, comme membre, par le biais de la passe. Cette proposition fut adoptée avec un tel enthousiasme, et fit l’objet d’une telle propagande (« Allez-y ! c’est le moment ! ») qu’il fallut reconsidérer la chose. Quand il apparut que les jurys de la passe à l’entrée n’allaient pas beaucoup plus loin qu’à vérifier que le sujet en question était en analyse, cette « passe à l’entrée » fut suspendue. Qui aurait pu prévoir que les Journées de Novembre allaient la voir renaître ? qu’un sujet, écrivant pour un public, en dirait tellement plus qu’au mandataire d’un Conseil le recevant seul à seul ? en dirait autant, ou presque, qu’à un passeur ? Je n’ai pas fini de méditer là-dessus. Je vous invite à le faire.


Le suivisme. En trente ans, vous avez eu le temps de devenir un ancien, vous avez désormais une expérience et une sagesse à communiquer à ces jeunes qui sortent tout feu tout flamme des Journées. Quelle expérience ? que les mots d’ordre changent ; que le CPCT, un jour porté aux nues, est piétiné le lendemain ; qu’un « Vive la passe à l’entrée ! » annonce sa proscription prochaine. Quelle sagesse ? quelque chose comme : « Souvent femme varie, bien fol qui s’y fie ». Mais ici, qui varie ? qui dit blanc après avoir dit noir ? qui lance les mots d’ordre, et puis les rature ? Vous ne dîtes pas mon nom, mais qui n’a compris ? Vous n’êtes d’ailleurs pas le seul à percevoir les avatars de l’institution dans ce registre burlesque : un de nos collègues recommande à ses amis : « Ne jamais faire ce que demande Jacques-Alain, dans un mois il aura changé d’avis » ; pour une autre, ce n’est pas ce que j’énonce qui fait problème, mais mon « mode d’énonciation » et ses effets de suggestion. Bref, pas d’opposition sur le fond, mais des propos satiriques sur mes supposées volte-faces, et des moqueries visant ceux qui m’emboîteraient le pas sans réfléchir plus avant.

Que voulez-vous que je vous dise ? J’assume. Toute « Massenpsychologie » comporte en effet ces phénomènes que vous classez à la rubrique « unanimisme », mieux dit « suivisme ». C’est un aspect des choses. Le privilégier ne mène pas loin : ou bien on se retire, dans le dépit, ou l’envie, ou la colère, ou encore l’humour ; ou bien on s’active incessamment à décourager, démoraliser « les suivistes ». Dans les deux cas, on joue, comme vous le signalez, les non-dupes. A peu de frais on se sent supérieur à la masse. Quant à mes variations, permettez-moi de vous citer ma réponse à mon amie Flory, de Buenos Aires, parue dans le numéro 68 du Journal, en date du 8 décembre dernier :

« En 2000, il était urgent de donner à l’AMP son identité propre après vingt

ans de Rencontres internationales. C’est au feu de ces Rencontres que s’était

forgée l’EOL, et, de plus, l’AMP et l’EBP. Mais cette période, à se prolonger

indûment, aurait conduit à la confusion g : il fallait couper. Depuis dix ans

, nous sommes entre nous dans l’AMP. Nous avons conquis notre identité.

Désormais, elle nous emprisonne, nous. On croirait que l’AMP est devenue un

syndicat de co-propriétaires. Donc, nouveau renversement didactique : ouvrir,

non pas totalement, mais assez pour donner une perspective aux jeunes, et aussi

pour rénover le style et les manières de nos échanges, qui ont pris

dernièrement un sérieux coup de vieux. Diriger demande de prendre en compte

le facteur temporel. Aucun règlement n’est valable pour toujours. Il produit

d’abord les effets positifs qui ont motivé sa promulgation ; puis, après un temps

Tx, viennent les effets négatifs. L’ouverture devient chaos, la rigueur se fait

mortifère. Donc, il ne faut pas penser que « Miller change d’opinion comme de

chemise, un jour il ferme, un jour il ouvre ». Les chers collègues qui disent ça

oublient que le temps, je veux dire la durée, modifie l’effet des procédures.

Quand les responsables y sont attentifs, ils peuvent faire évoluer les choses en

douceur. S’ils ne s’en soucient pas, et laissent filer les choses, les changements

interviennent tout de même, mais brusquement. »

Pour le reste, croyez-vous que jouer le revenu-de-tout, ce soit aider « l’aile du désir », comme vous dîtes, à ne pas « retomber » ? Vous parlez d’un « enthousiasme de commande ». Qui commande quoi ? Vous ne comptez pas les fois où je n’ai pas été entendu. Ah ! vous ne vous en êtes pas aperçu. Eh bien, moi, si. J’ai le bonheur que certains, parfois, me suivent, me fassent confiance, et ne se sentent pas diminués pour autant (cela les porterait plutôt à produire). Que cela vous agace, je puis le concevoir, mais vous ne me ferez pas dire que c’est mal.

En conclusion, non, je ne crois pas que le problème le plus aigu, dans l’intitution, ce soit le suivisme, ni mes soi-disants revirements. Ce serait plutôt l’immobilisme, le sur-place avec apparence de mouvement : le manège de chevaux de bois. Quand on tourne en rond, on ne suit personne, en effet. Puisque vous êtes plus sensible que d’autres à ce phénomène de suivisme, ce qu’il faudrait, à mon sens, c’est que vous m’aidiez à examiner l’usage que je fais de cette autorité qui m’est consentie dans l’institution : est-il bon, est-il mauvais ? que doit-il être à l’avenir ? Cela mérite discussion.


La gérontocratie psychanalytique. Les vieux qui diagnostiquent chez les jeunes un mal qui s’appelle le « trop-de-désir », je trouve ça impayable. Oui, « la bonne blague ! », vous avez raison. Là, vous mettez « dans le mille ».

Reste que la gérontocratie a ses partisans, Confucius par exemple, dont la doctrine sur ce point ne semble point obsolète en Chine. Pour des raisons de structure, la pratique même de la psychanalyse engendre dans l’institution la gérontocratie, et c’est là une tendance difficile à contrarier. Voyez l’Ecole freudienne. Un premier lot d’anciens était parti avec Lagache à l’IPA. Les autres, restés avec Lacan, partirent cinq ans plus tard à l’occasion de la querelle de la passe. Lacan rattrapa Clavreul in extremis en le faisant vice-président, Leclaire s’installa sur l’Aventin, les jeunes de l’époque furent promus aux places vacantes. Mais cette génération de 1964 devint « gérontocratique » plus rapidement encore que les précédentes, et elle déserta l’ECF comme un seul homme dès que la génération suivante, celle de 1980, pointa son museau. Il me semble que cette génération-là, la vôtre, fera mieux que ses aînés : elle ne voudra pas décourager la génération de 2010, elle saura lui ouvrir la porte, et rester à ses côtés.


encore un mot. Comment un psychanalyste qui ne saurait pas s’orienter dans la société où il vit et travaille, dans les débats qui agitent celle-ci, serait-il apte à prendre en charge les destinées de l’institution analytique ? Rien de plus actuel que la grande idée que Lacan se faisait du psychanalyste en 1953 (c’était avant d’avoir dû en rabattre, vu son expérience des psychanalystes effectifs), et l’injonction qu’il lui adresse (Ecrits, p. 321) : « Qu’il connaisse bien la spire où son époque l’entraîne dans l’œuvre continuée de Babel, et qu’il sache sa fonction d’interprète dans la discorde des langages. » On pouvait négliger de l’entendre à l’époque où les pouvoirs publics se souciaient peu de l’activité des psys (Lacan, d’ailleurs, le déplorait). Puisque la psychanalyse est au 21e siècle une question de société, un problème de civilisation, il y a choix forcé : la passe sans le forum, ce serait l’Ecole devenue secte, la passe devenue semblant. Cela ne veut pas dire : prendre parti. Cela veut dire : témoigner en acte de notre position, comme psychanalystes, non pas seulement dans « la cure », mais dans « la cité ». Donc, rendez-vous au Forum du 7 février. 

Cette affiche est également en document attaché à cet envoi.

CALENDRIER

POUR LES JOURNÉES DE RENNES


Voici le calendrier que je propose pour l’organisation des Journées de l’Ecole à Rennes. Il reprend et actualise le calendrier que j’avais établi et diffusé dans le numéro 64, du 1er décembre dernier. La directrice des Journées, Sophie Marret, a tout pouvoir pour le modifier à son gré, et en fonction des événements. – JAM


Rappel du titre des Journées : Au début du 21e siècle, comment naît le désir de l’analyste


- Maintenant : les collègues dont le travail n’est pas passé aux Journées de Novembre, et qui, désirant un mentor, n’en ont pas encore un, sont priés de le faire savoir à Nathalie Marchaison par mail – objet : TAPIR - à l’adresse navarinediteur@gmail.com

- début février : la commission d’organisation forme un comité ad hoc pour la discussion des projets.

- Mi-février : la commission d’organisation donne le signal pour l’envoi des projets, qui s’échelonne sur une semaine.

- Courant mars : les projets reçus font, un par un, l’objet d’échanges entre un membre du Comité Projets et l’auteur.

- Courant avril : les auteurs rédigent le texte qu’ils proposeront pour les Journées.

- Début mai : la commission d’organisation forme un comité ad hoc pour la discussion des textes ; elle donne le signal pour l’envoi des textes, qui s’échelonne sur une semaine.

- Courant maI : les textes reçus font, un par un, l’objet d’un échange entre un membre du Comité Textes et l’auteur.

- dernière semaine de mai : la commission d’organisation donne le signal pour l’envoi des textes définitifs, qui s’échelonne sur une semaine.

- première quinzaine de juin : lecture, sélection et distribution des textes ; composition du programme.




Electrobrochure

du Débat sur la passe


L’Electrobrochure rassemblant tous les textes du débat sur la passe, du n°56 au n°75, est prête. Elle compte 182 pages. Nous l’avons en conséquence divisée en sept parties, qui seront envoyées à tous nos lecteurs en documents attachés, à raison d’un par jour à compter de ce numéro. La première livraison ci-jointe réunit les textes parus dans les numéros 56 à 62.


La Conférence sur la passe est réservée aux auteurs. Elle aura lieu le week-end des 16 et 17 janvier rue Huysmans. Accueil le samedi à partir de 14h 30, début à 15h 00 ; le dimanche, fin à 17h 00. Il est prévu de déjeuner ensemble le dimanche midi ; à cet effet, une salle a été réservée boulevard du Montparnasse ; le prix de ce déjeuner est de 35 euros. Pour finaliser la réservation, prière de faire un chèque de ce montant à l’ordre de : « ECF », et de l’adresser au plus vite, et en tous les cas avant lundi prochain, à : ECF-Passe, 1, rue Huysmans, 75006 Paris.


16 et 17 janvier : Conférence du Journal sur la passe (fermé)
23 et 24 janvier : Journées du RI 3 à Bordeaux
7 février : Forum des psys sur l’évaluation
11 avril : Forum des psys sur la justice
26-30 avril : Congrès de l’AMP
29 mai : Journée du Cereda
5 juin : Colloque du Cien à Nancy
26 et 27 juin : Journées de la NLS à Genève
10 et 11 juillet : Journées de l’Ecole à Rennes
25 et 26 septembre : “Médecine et Psychanalyse” à Clermont-Ferrand
9 et 10 octobre : Journées de l’Ecole à Paris


Deux documents attachés :

l’affiche du Forum anti-évaluation,

et la première partie de la brochure « Débat sur la passe »


http://www.causefreudienne.org/

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diffusé sur ecf-messager, forupsy, et amp-uqbar

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