17 de junho de 2013
Compte-rendu de la 36ème rencontre du Pont Freudien à Montréal, avec Dominique HOLVOET
Compte-rendu de la 36ème rencontre du Pont Freudien à Montréal,
avec Dominique HOLVOET
Par Ruzanna Hakobyan
Les 26, 27 et 28 avril 2013 à l’Université du Québec à Montréal se tenait la 36ème rencontre du Pont Freudien avec Dominique Holvoet, président de la New Lacanian School (NLS), membre de l’ECF et de l'AMP. Cette rencontre était la dernière d’une série de trois, consacrée cette année à la psychose ordinaire.
Avant tout, il faut souligner l’effet produit sur les participants par ces journées, où Dominique Holvoet, avec sa manière passionnée de transmettre la psychanalyse, a su réveiller chez certains un désir de s’engager plus dans les activités du Pont Freudien et, pour quelques-uns, de se rendre au Congrès de la NLS à Athènes.
La rencontre s’est déroulée en trois temps.
1. La conférence : « L’impact de la langue sur le corps »
Dominique Holvoet nous indique que toute la psychanalyse est concentrée dans le titre de la conférence. Lorsque l’on pense, on pense avec les mots et il y a une rencontre de ces mots avec le corps.
Le choix des signifiants qui viennent des parents et qui accompagnent la venue de l’enfant induit une certaine résonance des mots. Pour le sujet, au-delà du discours, il y a imprégnation du désir par le langage. C’est cette imprégnation que Lacan nomme lalangue. Lalangue, c’est l’imprégnation du désir dans le langage par la jouissance, c’est la langue intime de chacun.
D. Holvoet a indiqué que le corps ne se limite pas à sa fonction d’enveloppe, de sac, contenant les organes : le corps n’est pas seulement le corps orthopédique. Ce n’est pas non plus seulement le corps unifié dans le miroir.
Le corps qui intéresse la psychanalyse concerne le champ de la pulsion. C’est par ce corps que le sujet est relié au monde. La langue, elle, est faite de matière langagière.
Dans la langue, il y a toujours un écart qui se trouve au fondement de l’équivoque et de l’interprétation. L’équivoque ne se rapporte pas au sens établi. L’équivoque se supporte de ce que J.-A. Miller a appelé la « fuite du sens ». Quand on parle, il y a une équivocité, une suspension du sens qui crée l’impact de la langue sur le corps ; il y a des mots qui imprègnent la langue d’une manière particulière. Par exemple, l’enfant reçoit des mots qui laissent leurs traces avant même qu’il ne les comprenne. L’art de l’interprétation se justifie par l’écart entre ce qui se dit et ce qu’on entend. Comme l’indiquait S. Freud, il y a un sens caché dans ce qu’on dit.
Partant de l’idée de Lacan de « l’inconscient structuré comme un langage », D. Holvoet a parlé du premier temps de son enseignement, où il se concentre sur la différence entre le signifiant et le signifié.
Dans le deuxième temps, l’enseignement de Lacan est orienté par la différence entre la lettre et le signifiant. La dimension de la lettre introduit le décollement du signifiant du signifié. La lettre, c’est un signifiant qui est séparé de la signification. Plus on va du côté de la lettre, moins on est du côté de la signification stable, rigide.
La lettre est un élément du langage qui vient découper le Réel d’une manière différente de ce que fait le signifiant. Le signifiant vient symboliser quelque chose du Réel, la lettre est plutôt du côté de la coupure.
Et la lalangue ? La lalangue (comme la lettre) n’est pas représentable, n’a pas de signification. La lalangue, c’est la mise en lettre, la valeur, de ce qui est jouissif. C’est la manière propre du sujet de prononcer certains mots.
Dominique Holvoet termine la conférence en soulignant que de s’orienter de lalangue permet de modifier le statut de l’interprétation. Il ne s’agit plus ici de restaurer la vérité du symptôme, sinon d’attraper le rapport jouissif du sujet au langage. C’est pour cela que l’interprétation lacanienne vise à dé-significantiser.
Les deux journées suivantes de la rencontre ont été consacrées à la question de la psychose ordinaire.
2. Le séminaire de lecture portait sur le texte de S. Freud « Extrait de l’histoire d’une névrose infantile »1 (L’homme aux loups) que D. Holvoet a commenté en s’appuyant sur la lecture faite par J.-A. Miller2.
Le cas de l’Homme aux loups, qui est considéré comme le premier cas de psychose ordinaire dans la pratique analytique, permet d’attraper la question de la psychose lorsque la dimension de la forclusion n’apparaît pas au premier plan.
D. Holvoet a montré comment, pour l’Homme aux Loups, à la fois, on est dans le « rejet » de la castration et, en même temps, dans la reconnaissance de la castration comme un fait. Pour Lacan, il s’agit de deux registres différents : Symbolique (refus de la castration à travers la phrase « je ne suis pas châtré ») et Imaginaire (identification à la position féminine qui fonctionne comme suppléance). Pour l’Homme aux loups, il s’agit de la forclusion du signifiant phallique, d’un signifiant, mais pas de l’image.
Partant du texte de Lacan « D'une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose », D. Holvoet a ensuite développé la question : l’élision du Phallus (Phi0) est-il la conséquence de la forclusion ou est-ce une opération indépendante ?
La deuxième partie de la journée été consacrée aux présentations de cas cliniques.
Reine-Marie Bergeron (membre de la NLS et de l’AMP) a présenté un cas qui nous a permis d’étayer notre réflexion à propos de la direction des cures de sujets mélancoliques chez qui il n’y a pas eu de déclenchement.
Ruzanna Hakobyan (membre de NLS et de l’AMP) a présenté un cas de psychose ordinaire, qui permettait de saisir les solutions que la patiente a pu construire pendant son travail analytique.
3. Le séminaire théorique – La psychose ordinaire : L’issue par le symptôme
Lors de ce séminaire, D. Holvoet a repris plusieurs éléments du texte de E. Laurent : « La psychose ou la croyance radicale au symptôme ».
D’abord, l’opération majeure de la psychanalyse ne serait plus l’interprétation qui produit du sens, mais l’interprétation devient une lecture, un « constat ». L’interprétation (du côté de la production de sens) est une opération qui porte sur la parole, alors que le constat porte sur l’écriture du symptôme en tant que marque signifiante sur le corps, c’est-à-dire qu’elle porte sur la lettre.
L’interprétation porte sur le fonctionnel, le constat de ce qui existe.
Quelle est la conséquence de tout ceci pour les psychoses ?
Pour répondre à cette question, D. Holvoet reprend la 1ère et la 2ème métaphore de Lacan.
1ère métaphore : en 1958, pour Lacan, le signifiant du NP, c’est le signifiant qui ordonne le discours.
NP DM
___ ____ NP ( A
DM X ____
Phallus)
Dans les psychoses, le sujet se trouve hors champ de la métaphore paternelle. Ici il n’y a pas de signifiant phallique, il est forclos. À ce temps de l’élaboration de Lacan, la solution pour les psychoses se situe du côté de la métaphore délirante.
D. Holvoet indique que Lacan ne s’en est pas tenu à cette élaboration de la métaphore paternelle. Très tôt dans son enseignement, la figure du père a été élevée au rang symbolique, de fonction : ainsi, le NP est pluralisé.
À la pluralisation du NP va correspondre la deuxième métaphore.
Ce qui va apparaître dans la 2ème métaphore, c’est que l’Autre n’est pas complet. S(A barré), le grand Autre n’est pas complet, il y a un signifiant du manque dans l’Autre. Ça signifie que l’Autre ne peut pas garantir la stabilité absolue des significations.
De la 1ère à la 2ème métaphore, on passe ainsi de la consistance à l’inconsistance de l’Autre. Du côté du phallus, on passe du phallus (Phi) à moins phi.
Grand Phi ---> -petit phi
NP ---> S( A barré)
Cela amène Lacan à dire que non seulement il y a un manque dans l’Autre, mais aussi, que l’Autre de l’Autre n’existe pas, qu’il n’existe pas comme Un.
Dans la 1ère métaphore, l’Autre comme Un est défini comme l’extimité : S (1/S) ;
dans la 2ème métaphore – ce qui fait Autre pour nous, c’est l’inconscient. Le point de référence et de consistance ici – c'est la jouissance :
S( A barré)
___________
- petit phi
et la métaphore qui vient après est :
( A barré)
______
J
Ce qui signifie que malgré la castration, il y a pour chacun une jouissance non négativable qui reste au-dehors : c’est le sinthome. Et cela est un point de consistance, que Lacan appelle le réel ; un point d’impossible pour soi-même.
La clinique de la psychose invite à travailler sur ce point, soit la question de savoir y faire avec cet impossible pour soi-même, de supporter un peu mieux l’impossible à négativer de l’Autre.
À l’époque actuelle de chute des idéaux où l’Autre n’existe pas, il y a nécessité pour chacun d’inventer un Autre. Il s’agit toujours d’un bricolage, d’un montage. Dans ce sens, ce sont des sujets psychotiques dont nous pouvons apprendre quelque chose. Il ne s’agit pas de réinstaller l’Autre qui jouit de tous les autres, mais, par exemple, de se laisser enseigner des sujets psychotiques qui font de l’organe langage un instrument et ne se font pas instrumentaliser par le langage.
La salle a été comble tout au long des trois jours, et l'énonciation particulièrement vivante et pleine d’enthousiasme de D. Holvoet a fait de cette rencontre un événement. Nous l'en remercions vivement.
Montréal, mai 2013.
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