Vanessa Sudreau - Une à une,
chacune de vos conférences distille un premier effet, une première modalité de
savoir, de rencontre. Mais une fois la lecture (qui est autre chose que
l'écoute) de l'ensemble rendue possible, chaque conférence réinterroge les autres,
les remanie, et de nouvelles questions apparaissent, en voici quelques-unes.
Lors de votre troisième
conférence à Toulouse alors que vous évoquiez la fondation d'une institution
vous avez eu cette formule assez laconique " une institution comme telle
toujours se fonde d'un trait", aujourd'hui, quelques mois plus tard,
comment reprendriez-vous cette formule, comment la reformuleriez-vous à
nouveaux frais ? Pour nous aider à mieux en saisir l’empan.
Alexandre Stevens - Oui, je
maintiens cette formule : une institution se fonde d’un trait. Evidemment il y
a là quelque équivoque dans l’usage du mot « trait ». On peut le prendre du
côté du signifiant, mais c’est alors à condition qu’il soit incarné : c’est un
dire qui prend effet. On peut aussi entendre le trait
comme lettre, une marque qui trace un bord nouveau entre réel et signifiant. Ce
« trait » n’est pas simplement un dit (je fonde), ni une intention fondatrice.
C’est un acte et ce n’est qu’après coup que ce qui a été fondé apparait comme
tel par ses effets.
VS - Autour de cette question du
trait toujours, ce trait d'idéal qui fait lien dîtes vous quelque part,
quelle(s) différence(s) établiriez-vous entre les Ravages de l'Idéal sur
lesquels vous insistez dans les premières conférences et ce trait d'idéal qui
émerge plutôt à la fin cycle ?
AS - L’idéal peut être du côté
de la consistance du moi, c’est ce que Freud appelle le Moi-Idéal. C’est un
ravage possible. Ce serait une institution dont les membres s’identifient à
l’objet idéal. Certains sujets travaillent pour leur Moi. Jacques-Alain Miller
a bien distingué lors de la dernière Journée d’Uforca cette position de celle
qui consiste à s’orienter de l’autre.
L’Idéal-du-Moi est en rapport à
l’autre et il est du côté du père. Il s’agit donc de s’en passer à condition de
s’en servir, c’est-à-dire d’en faire usage sans y croire. Une institution qui
peut nous intéresser est une institution qui rassemble des sujets sur un trait
d’idéal commun qui ne soit pas de l’ordre de la croyance et qui laisse toute sa
place à l’affirmation de la singularité de chaque sujet. C’est donc une
institution où l’hérésie est reine. Je comprends d’ailleurs ainsi la fondation
par Jacques-Alain Miller de « Zadig » qui met l’hérétique en valeur.
VS - Dans la même veine encore,
vous indiquiez que ce "trait" est mâle, et vous sembliez regretter, à la
fin du cycle, de ne pas avoir parlé d'avantage du féminin en
institution, Alexandre Stevens, c'est quoi ces histoires de mâle et de féminin
en institution ?
AS - Je suis intervenu là-dessus
à Pipol VI et ce texte a été publié dans Mental sous le titre « Quand il y a du
féminin en institution ». Pour le dire brièvement, le côté mâle est celui de la
logique de l’exception, le « je fonde », l’acte. Le côté féminin relève de la
logique du pas-tout qui est ce qui doit, à mon avis, orienter le travail en
institution. C’est le réseau plutôt que la hiérarchie, c’est l’institution qui
accepte d’être sans cesse décomplétée. C’est ce qui est au principe de la
fondation de l’école de Lacan quand il opère une distinction de la hiérarchie
et du gradus.
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