22 de março de 2014

L'enfant et ses symptômes, compte rendu module CIEN en Bulgarie


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L'enfant et ses symptômes
Cycle CIEN en Bulgarie - 2013-2014
Compte-rendu du Premier module ’’Troubles du lien social chez l'enfant’’ à Sofia

Les 8 et 9 février 2014 a eu lieu à Sofia le premier module de l’année du programme de formation ‘’L’Enfant et ses symptômes’’, mis en place par La Société Bulgare de Psychanalyse Lacanienne,  le CIEN et l’Association ‘’Enfant et espace’’. Cela fait quatre ans maintenant que Le Courtil et le CIEN sont nos partenaires. Depuis le début de ce programme en Bulgarie, plus de 600 professionnels de différentes institutions et centres de services sociaux travaillant avec des enfants et leurs familles ont participé. Chaque professionnel est invité et a la possibilité de présenter un cas de sa pratique qui suscite des questionnements. Le laboratoire du CIEN en Bulgarie ’’L’enfant et ses symptômes’’ oriente ses travaux en prenant en considération la particularité du réseau social bulgare. La Bulgarie, membre de l’Union européenne, s’inscrit en effet, de façon déterminée, dans une politique de désinstitutionalisation des enfants. Les travailleurs sociaux, toujours en recherche de repères cliniques, ont trouvé dans ce laboratoire un lieu d’élaboration qui permet d’appréhender les difficultés du terrain. Dans ce contexte, en 2010-2011, le laboratoire du CIEN a choisi pour thème : Professionnels et parents : deux partenaires de l’enfant, en 2011-2012 : L’angoisse des mères : la réponse des enfants, en 2012-2013 : La psychose de l’enfant. En tenant compte des thèmes qui ont été abordés les années précédentes, le laboratoire a décidé logiquement de mettre au travail en 2014 la question des Troubles du lien social chez l'enfant.
Le thème du premier module de cette année, portant le titre ’’Un sujet autiste, au bord du lien social’’, a été abordé par Guy Poblome (psychanalyste, membre de l’ECF et de l’AMP, actuel président de l’ACF-Belgique, directeur thérapeutique au Courtil), qui a attiré l’attention de l’auditoire sur la spécificité du travail clinique orienté par la psychanalyse, à savoir comment apprendre par le sujet lui-même la façon de l’accompagner en tant que sujet unique. Pour illustrer cela  à travers la pratique clinique,  Guy Poblome a présenté le cas d’Albert – un enfant qui a été accueilli au Courtil à l’âge de trois ans et demi et qui a vingt ans aujourd’hui. Comment prépare-t-il son départ de l’institution ? Le cas d’Albert est publié et peut être lu dans Quarto 105 ( Se faire son ’’petit style de vie’’).
Guy Poblome a choisi d’introduire quelques éléments  théoriques  à travers des points d’appui, illustrés dans le cas d’Albert. Le travail avec ce garçon a été long et nous avons pu saisir comment la construction pas à pas de sa relation subjective au bord du lien social a été possible pour lui. Les observations cliniques, les hypothèses et les démarches entreprises par les collègues au Courtil ont non seulement attiré l’attention des participants dans la salle mais aussi ont établi le fil conducteur des questionnements dans les sept cas présentés par les professionnels bulgares lors du module.
Dans le cas d’Albert le sujet réussit à inventer des stratégies pour pouvoir non seulement supporter mais aussi participer à la construction d’une relation sociale à partir d’un bord et ainsi avoir la possibilité d’établir un vrai style de vie. Pour élaborer cela, Guy Poblome a utilisé comme référence le livre de Jean-Claude Maleval, L’autiste et sa voix. Les observations cliniques faites par les différentes équipes du Courtil dans leur travail avec Albert  témoignent comment les adultes ont pu devenir ses partenaires par rapport à ses inventions subjectives et ceci durant plus de seize ans dans l’institution. A travers le cas d’Albert et ce que Guy Poblome a apporté lors du Module, le public bulgare a pu entendre et saisir quelques éléments clés des avancées théoriques, référées à l’enseignement de Jacques Lacan :
·         La voix en tant qu’objet pulsionnel. Pourquoi Lacan dit que les autistes sont des sujets plutôt verbeux, qu’ils  parlent mais que nous avons de la peine à les entendre, à donner une portée à ce qu’ils disent ?
·         Un retour de la jouissance sur le bord (Éric Laurent). Que signifie la description de l’autisme qui fait référence au bord tel qu’Eric Laurent nous en parle ? Comment la jouissance fait-elle retour notamment à cet endroit-là – au bord ?
·         Le bord, en tant qu’il isole le sujet de l’Autre. Comme toute limite le bord a deux côtés – une partie qui est l’intérieur, du côté du sujet, et une partie qui est l’extérieur, du côté de l’Autre. Si nous suivons Maleval, nous apprenons que le bord est une frontière érigée par le sujet autiste, à partir de son objet, entre son monde sécurisé et immuable et le monde des autres, incohérent et angoissant, mais il est aussi une voie prudente, délicate vers le lien social.
·         Ce bord est constitué par trois éléments imbriqués les uns dans les autres : l’objet autistique, le double et l’îlot de compétence. Ils localisent la jouissance du sujet et lui servent de protection.
Les cas clinques présentés par les professionnels bulgares après l’exposé de Guy Poblome ont donné la possibilité non seulement d’illustrer ces trois composantes du bord, mais aussi de mettre en valeur comment chaque sujet présenté de façon singulière et unique subit un changement subjectif lors de la rencontre avec l’adulte, ce qui lui permet de construire un rapport spécifique avec le bord.
Le premier cas, présenté par Bistra Dancheva, psychologue au Centre de jour pour enfants autistes à Gabrovo, a montré le cheminement dans l’accompagnement d’un enfant autiste, des premières rencontres marquées par le refus massif face à la demande de l’Autre jusqu’à la construction d’une ’’entrée’’ possible dans le monde social, une vraie ’’renaissance’’ subjective.
L’exposé suivant, présenté par Penko Dekov, psychologue au Centre de santé mentale pour enfants et adolescents à Roussé, a raconté l’histoire de trois enfants autistes et les rencontres singulières avec eux. Grâce aux cas, Guy Poblome a apporté un précieux éclairage quant au rapport spécifique du sujet à l’objet autistique. Le sujet autiste du premier cas réalise avec l’aide de l’objet une opération de soustraction. Le deuxième cas illustre comment le sujet autiste invite l’adulte à participer dans un jeu de jouissance, un jeu qui se produit au moment où l’adulte est dans la position de l’Autre qui demande. Dès que l’adulte change de position pour le sujet, dès qu’il devient un Autre sans demande, le travail lié au bord devient possible pour le sujet. Le troisième cas illustre de son côté l’îlot de compétence dont parle Maleval. L’activité prend tout le temps du sujet. Le monde de l’enfant dans le cas présenté par Penko Dekov est organisé par les circuits en voiture. C’est de cette manière que l’enfant autiste structure le monde. C’est à travers les signes du code de la route,  en tant que signes et pas en tant que signifiant, que ce sujet établit son rapport au monde. Le seul accompagnement possible dans un travail du bord est quand l’adulte lui aussi fait partie du jeu avec les signes et devient ainsi un double dans un monde régulé.
Le cas, présenté par Lubov Lukareva, psychologue au Centre ’’Coin d’enfant’’ à Roussé, a été décrit par Guy Poblome comme un cas qui de façon très claire illustre la position du psychologue du côté de la mère, de l’Autre de la demande, de l’Autre qui vient avec son monde et ses objets. La rencontre avec le refus du sujet fait en sorte que la psychologue change de position et reste au bord – elle sort et entre dans le cabinet. Cela rend possible au sujet autiste d’amener ses propres objets et à l’adulte de son côté de l’accueillir avec ses objets et de le suivre dans ses inventions. Dans le cas présenté, les objets de l’enfant sont ses parents. Pour pouvoir travailler avec l’enfant, il devient indispensable de travailler avec la mère. Le Centre offre un espace pour la mère ce qui a des effets sur l’enfant assez rapidement – la mère fait un pas de côté et l’enfant n’est plus obligé de la repousser, une relation entre la mère et l’enfant devient possible.
La deuxième journée du Module ’’L’enfant et ses symptômes’’ a poursuivi les réflexions et les questionnements soulevés  par l’exposé de Guy Poblome.
Svetla Petrova, orthophoniste au Centre de santé mentale pour enfants et adolescents à Roussé, a présenté son travail avec une petite fille qui refuse de parler, de rentrer en contact avec les autres, refuse d’entendre ce que l’autre lui adresse. Dans son comportement, on observe des mouvements stéréotypés, elle se cache, demande que la nourriture soit d’une seule couleur. Toutes ces observations font écho à ce que Maleval renvoie du côté de l’immuabilité dans l’autisme. Tout doit rester inchangé, tel qu’il est. L’Autre aussi doit rester le même car s’il change, il devient menaçant. Ce qui était très intéressant dans le cas présenté était l’apparition du transfert entre l’orthophoniste et les parents. Le transfert a été possible grâce à la position éthique de la part de Svetla Petrova quant au symptôme en tant que décision du sujet, ce qui rend au symptôme toute sa dignité et ne le réduit au déficit. Dans ce contexte l’enfant est accueilli et accepté avec ses décisions comme par exemple le cache-cache ou le refus… La position prise n’est plus celle de l’Autre de la demande et de l’exigence, mais c’est la position de l’autre de l’autiste. C’est ainsi que le symptôme de l’enfant prend un statut psychanalytique – non pas en tant que dysfonctionnement mais comme ayant une fonction pour le sujet de traiter la jouissance de l’Autre. Le changement dans la position subjective de la petite fille s’effectue de nouveau par rapport au bord de la relation avec l’Autre.
Le dernier cas du Premier module pour cette année du programme ’’L’enfant et ses symptômes’’ était présenté par Donika Borimetchkova, psychologue. Il était question du travail minutieux avec un garçon qui, suite à l’accompagnement discret de l’adulte, commence petit à petit à travailler autour de la symbolisation de l’objet. L’Autre en régulant sa propre voix devient moins menaçant. L’enfant se met à manipuler les objets du constructeur, à jouer avec des dinosaures,  à créer des scénarios, à faire l’effort de passer du réel au semblant, et il lui devient ainsi possible de travailler autour de la question de la séparation. L’enfant est invité à participer à un atelier avec d’autres enfants et il arrive au bout de quelque temps à ’’raconter’’ une histoire, son histoire. Sur l’axe imaginaire, en écho avec l’histoire racontée par sa sœur, qui fait partie du même atelier, il arrive à développer son histoire, à construire son propre conte. Dans ce conte, au sein du groupe d’enfants, le garçon tente de se présenter lui-même en tant qu’objet et plus précisément en tant qu’objet-déchet. Dans ce cas, ce qui était très intéressant était de voir  qu’au moment où il a la possibilité de nouer une relation avec les autres enfants, au moment où quelque chose du rapport au lien social devient possible, il arrive à (se) dire, à exprimer sa position d’objet.
En conclusion nous pouvons relever les points que Guy Poblome a bien mis en relief en commentant les cas présentés. Tous ces points ont été des clés dans le travail avec le sujet autiste dans le sens où ils ont permis un changement et une évolution. La prise de position de celui qui ne demande pas, de l’Autre qui n’exige pas et en même temps continuer à avoir le désir de travailler avec le sujet autiste, ce qui passe par la séparation d’avec sa propre identification de psychologue ou orthophoniste, la régulation de la voix, le choix de se laisser guider par le sujet autiste, l’attention portée sur la fonction du symptôme, le changement de position de l’Autre menaçant à l’Autre sécurisant, tout cela a été illustré à travers les cas présentés. Et le travail se poursuit…
                                                                                               
Dessislava IVANOVA et Anguélina DASKALOVA
 

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