5 de junho de 2008

La Lettre en ligne N° 49 Juin 2008

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La lettre en ligne N° 49

La Lettre en ligne n° 49 - juin 2008
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Transformations de la psychanalyse, ce qui change, ce qui reste ?
Dans deux semaines, à l’invitation des Écoles italienne et espagnole de l’AMP, des psychanalystes vont débattre à Milan autour du thème : Transformations de la psychanalyse, ce qui change, ce qui reste ? C’est en effet une question centrale, commune à la psychanalyse dite « pure » et à la psychanalyse appliquée à la thérapeutique. Cette rencontre retient donc tout particulièrement notre attention. Pour nous y préparer, Pascale FARI a élaboré autour de ce thème un ensemble de questions adressé à Vicente PALOMERA, Président de la Fédération Européenne des Écoles de Psychanalyse (FEEP).

Francesca Biagi-Chai

Pourquoi ce thème ? Quel est l’enjeu de ces Journées ? Le thème proposé par nos collègues de la Scuola lacaniana di psicoanalisi (SLP) répond à l’appel lancé à Milan, en décembre 2002, par Jacques-Alain Miller, à savoir : la nécessité que « la psychanalyse passe une toute nouvelle alliance avec sa forme qu’on appelle appliquée” » . J. A. Miller précisait alors que nous avions à nous préparer à une mutation des formes de la psychanalyse, c’est-à-dire que la psychanalyse n’était sûrement pas prédestinée à exister sous les formes que nous lui avons connues jusqu’à aujourd’hui. Cette anticipation s’est vue précipitée par les événements ultérieurs, et notamment : en 2003, l’amendement Accoyer, ensuite les attaques contre la psychanalyse en France et dans d’autres pays, l’extension des TCC (thérapies cognitivo-comportementales) et la pression croissante des critères quantitatifs de mesure (performance, résultats…), etc. C’est à tout cela que nous avons réagi avec la création des CPCT (Centres psychanalytiques de consultations et de traitement) en France, en Espagne et en Belgique, ainsi que des CECLI (Centres cliniques de psychothérapie et de psychanalyse appliquée) en Italie. C’est un fait : nous sommes dès lors entrés dans une nouvelle époque. Voilà l’un des enjeux de ces Journées. D’un autre côté, il sera aussi question des transformations qui s’opèrent au cours de la cure analytique : qu’est-ce qui change ? qu’est-ce qui reste ? Une table ronde réunissant des AE de la SLP et de l’ELP nous aidera à aborder ce substrat d’où le symptôme, qui est ce qui reste et qui demeure le noeud fondamental du sujet, prend sa consistance.
Pensez-vous qu’on puisse vraiment dire que la psychanalyse se transforme ? En quoi ? Comme le disait Lacan, on « ne peint pas à l’époque de Picasso comme on peignait à l’époque de Velázquez, et [on] n’écrit pas non plus un roman [aujourd’hui] comme on l’écrivait au temps de Stendhal » . De même, on n’analyse pas de nos jours comme le faisaient les post-freudiens, ou encore les analystes de l’époque de Freud. Quand Lacan a commencé son enseignement, il était confronté à une certaine « fétichisation » de la technique psychanalytique de la part des analystes. Dès son « Discours de Rome », Lacan aura cherché à remplacer la « théorie de la technique » par une poétique, et appris aux analystes à situer les principes de leur pratique dans les pouvoirs de la parole. Ainsi leur a-t-il enseigné comment la cure psychanalytique est une expérience de ce que signifie être dans la parole, de ce que parler veut dire ; mais aussi, que l’interprétation de l’analyste est une réponse aux échos du dire, aux résonances du sens joui. Cela supposait une transformation - que Lacan a soutenue jusqu’à la fin de sa vie - de la manière de saisir la clinique. Les mutations produites par cet enseignement sont indubitables, comme J. A. Miller le démontre, année après année, dans son cours.
Et y a-t-il des points qui vous semblent immuables et intangibles ? Lors de l’avant-dernier congrès de l’AMP, nous avons décidé d’adopter les « Principes directeurs de l’acte psychanalytique » . Voilà ce seraient, selon moi, ces points que vous appelez immuables, à condition que ces principes soient vivants d’être noués à un désir. Plus que jamais, la psychanalyse est une pratique qui se soutient du désir de l’analyste. Il n’y a pas de pratique analytique sans désir de l’analyste. Nous savons aussi que, pour occuper la place de l’analyste, il faut avoir été un analysant, c’est-à-dire avoir fait une analyse. De cette expérience, soutenue par le transfert, l’analysant, une fois analysé, en vient à occuper, s’il le veut, la place de l’analyste. De sorte que l’existence de la psychanalyse dépend de l’amour de transfert. Pour démontrer l’existence de la psychanalyse, rien n’est mieux qu’aimer un analyste et que cet amour condescende à se transformer en un « désir inédit », celui que nous appelons désir de l’analyste.
De nouveaux CPCT s’ouvrent sans cesse en France, en Europe et dans le monde - et sur la base qui a fondé le succès du CPCT de la rue de Chabrol : gratuité du traitement et durée limitée dans le temps. Comment faisons-nous pour que notre pratique reste affranchie d’une quelconque modélisation ? Wittgenstein disait que les questions ne doivent pas se résoudre mais se dissoudre. La psychanalyse était souvent remise en cause comme pratique dont les bénéfices seraient restreints à quelques-uns. L’invention des CPCT a dissous ce « problème ». D’autre part, à partir d’une interrogation sur la fonction du symptôme et de son traitement, se dissout aussi l’idée d’une « antinomie » entre psychanalyse pure et psychanalyse appliquée. Le réel du symptôme est la première objection à une quelconque « modélisation ». Il y a des symptômes qui ne se prêtent pas au déchiffrage signifiant. Le versant du sinthome donne précisément une ouverture extraordinaire à la pratique analytique qui se règle non pas sur l’inconscient transférentiel mais sur l’inconscient en tant que réel. Dans cette perspective, plus qu’une pratique orientée sur le versant transférentiel, Lacan nous donne les instruments pour une pragmatique de la cure qui vise à extraire la jouissance en jeu et à ce que le sujet se fasse responsable de sa jouissance. Ainsi, plutôt qu’une « modélisation », l’offre du CPCT propose une modalisation du symptôme, c’est-à-dire de permettre à chacun de trouver sa manière de faire avec le symptôme.
Qu’attendez-vous du fait que ces journées soient organisées en commun par l’École italienne et l’École espagnole ? Ce genre d’initiatives est-il amené à s’étendre dans notre Champ ? Nous espérons d’abord donner une impulsion à la dimension européenne des deux Écoles. C’est déjà un succès en termes de participation. Je viens d’apprendre des présidents des deux Écoles, Marco Focchi et Xavier Esqué, que plus de cent personnes viendront déjà d’Espagne. Le Conseil de la FEEP se réunira, au cours de ces deux journées, avec le délégué général de l’AMP, Éric Laurent, pour étudier la possibilité d’organiser périodiquement des Journées réunissant toutes les Écoles de la FEEP. Il faut reconsidérer l’impulsion que nous donnons à notre présence en Europe. Nous devons avoir un rôle actif dans l’élaboration des réponses novatrices à même de faire front aux incertitudes que créent, pour les citoyens de nos pays, les politiques irresponsables qui ont investi le champ de la subjectivité. Une réponse coordonnée de nos Écoles est nécessaire. Avec la FEEP, s’ouvrira une autre étape du mouvement de reconquête du Champ freudien en Europe. Nous savons que les nouvelles générations rencontreront la psychanalyse dans le dénommé « champ psy ». C’est sur ce terrain que les analystes des Écoles de la FEEP (ECF, SLP, NLS et ELP) doivent être présents au maximum de leurs potentialités dans le champ de la psychanalyse appliquée à la thérapeutique. La nostalgie de la pratique analytique d’autrefois est appelée à être interprétée.

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