Compte-rendu de la Journée d’étude de l’ICLO-NLS
"Comment souffrons-nous? Le symptôme en psychanalyse"
"Comment souffrons-nous? Le symptôme en psychanalyse"
Dublin, le 12 mai 2012
La Journée d’étude a ponctué le calendrier des événements de l’année 2011-2012 de l’ICLO-NLS –un programme qui a rassemblé le travail des cartels, des groupes de lecture, des séminaires et des conversations cliniques – en perspective de la 10ème édition du Congrès de la NLS à venir, Lire un Symptôme, à Tel Aviv les 16 et 17 juin 2012.
La Journée d’étude a tenté d’interroger la notion cruciale du symptôme dans une perspective psychanalytique et y est parvenue par une série de textes engagés, qui ont exploré le sujet tant d’un point de vue théorique que par de riches vignettes cliniques. Au fur et à mesure de la journée et de la lecture des textes, de vivantes conversations se sont suivies, suscitant une série de questions dans une atmosphère engagée d’une audience diverse. Anne Lysy a attiré l’attention de tous en clôturant la journée après avoir écouté les textes de Claire Hawkes, Alan Rowan et Marlene ffrench Mullen, les présentations de cas de Susan Mc Feely, Joanne Conway et Florencia Shanahan, et en ayant elle-même, avec Rik Loose et Carmel Dalton, présidé une des trois séances de cette journée d’étude.
Alan Rowan a introduit la Journée et accueilli l’assistance et tout particulièrement notre invitée Anne Lysy, actuellement Présidente de la Nouvelle Ecole Lacanienne (NLS), Analyste de l’Ecole, membre de l’Ecole de la Cause Freudienne (ECF) et de l’Association Mondiale de Psychanalyse (WAP) et psychanalyste à Bruxelles. Alan Rowan a souligné l’importance de cette première Journée d’Etude pour l’ICLO-NLS et combien il est espéré que cela devienne un événement annuel et pivot pour les membres et associés de l’ICLO, ajoutant que le cercle irlandais a eu récemment son statut confirmé en tant que Groupe Affilié de la NLS (ayant été « reconnu en tant que pôle signifiant de la psychanalyse lacanienne dans le milieu anglophone »).
Alan a poursuivi en nous rappelant qu’aujourd’hui, la société est plus symptomatique, avec, par exemple, la dépression décrite comme une « épidémie » avec des chiffres actuels de 121 millions dans le monde et une Organisation Mondiale de la Santé prédisant que ce signifiant maître affectera 0,5 pour cent de la population d’ici 2020. Nous pouvons, continue Alan, voir que le monde est rempli d’addictions – avec des gens consumés par l’internet, la mode, la télévision, etc., produisant un éventail de nouveaux symptômes, provoquant ainsi une série de réponses-conseils de comment faire, évidents sur les médias, les site web, la télévision, la radio, les journaux et les magazines. En effet, conclut Alan, comment faire avec est, en soi, un symptôme.
Rik Loose a posé quelques questions avant la première présentation: comment pouvons-nous identifier le symptôme analytique et comment déchiffrons-nous le symptôme ? Le symptôme doit être lu et a à faire avec le corps, en tant qu’il est une lecture basée sur un écrit dans ou sur le corps comme dans, par exemple, l’addiction où l’on reconnaît le symptôme nu traitant le réel du corps avec de la jouissance.
Ces questions ont été adressées dans « Déchiffrer le Symptôme Psychanalytique » où Claire Hawkes a évoqué des patients présentant de nombreuses difficultés et demandes, masquant l’identification des symptômes et celle des inhibitions. La recherche de Claire s’est appuyées sur un ensemble de textes (Freud, Lacan, J-A Miller et d’autres) autour de ce qui constitue le symptôme analytique et comment l’analyste, par le transfert, est impliqué dans ce processus. Le texte a exploré comment la psychanalyse utilise la parole et comment la révélation, non l’expression, est produite pour le sujet par l‘interprétation. Le symptôme ne peut acquérir signification qu’après interprétation par l’Autre, ce qui transforme la souffrance en vérité tout en produisant un effet d’organisation et de régulation de la jouissance. Claire a conclu que c’est par le symptôme que le sujet a accès à la jouissance et que la psychanalyse n’a pas comme but d’éliminer le symptôme mais de le transformer.
En ce qui concerne le second texte de la matinée, «Amour symptomatique», que pouvons-nous recueillir des trouvailles d’Alan Rowan de son détour sur l’internet d’un aperçu des cent meilleures citations sur l’amour, où le docteur Seuss est le numéro un et Benjamin Disraeli est relégué à la centième place? Nous pouvons être surpris d’un fait : quatre millions de personnes ont été curieux de ce constat énigmatique et ont atterri sur le site afin de trouver les mots pour le dire. Alan a poursuivi en disant que l’amour a une dimension sociale et est lié au lien social, mais pouvons-nous parler de l’amour en tant que symptôme? Quelle est cette volonté de former un « nous » avec une identité partagée et nouvelle? En tant que symptôme freudien, l’amour est né d’un conflit et est le code d’un mode de jouissance et est un mode de satisfaction, alors que pour Lacan, on donne ce qu’on n’a pas. Freud a précisé qu’en amour, on polit un objet, qu’on tombe amoureux de quelqu’un qui nous reflète et qui est semblable mais il y a des conditions préalables pour l’amour qui sont inconscientes. L’amour et la pulsion sexuelle ne sont pas la même chose et chez l’homme, il y a une séparation entre le sexe et l’amour. Pour Lacan, l’amour est un semblant à travers lequel la jouissance peut couler mais un homme peut devenir un «ravage», une affliction.
La société est obssédée par l’amour comme la clef de voûte qui imprègne nos rêveries et nos fantaisies à travers les films, les romans et les chansons et par la pléthore des livres ‘self-help’ pour trouver la vraie chose. Mais avec toute cette obsession, les relations d’amour sont cause de beaucoup de souffrance et de mécontentements, ce dont témoignent les statistiques actuels des taux de divorce aux États-Unis à 50 pour cent et la stupéfiante réalisation que 50 pour cent des maisons newyorkaises sont catégorisées de «singletons», c’est-à-dire célibataires. «Sextainment» - l’entretien du sexe- est vivant et bien portant avec 40 pour cent utilisant les sites de rencontres. Et ce qui change dans l’amour et la sexualité a des conséquences sur notre travail.
Après le déjeuner, Marlene ffrench Mullen a posé une série de questions dans son teste «Le Symptôme et le Corps- Quel Corps? ou Le Symptôme et le Réel- Quel Réel?» Marlene a d’abord attiré l’attention sur le fait que Lacan, parce qu’il a revu beaucoup de ses concepts centraux comme le Nom-du-Père, la vérité et la signification, l’objet a, la jouissance et le réel, a changé sa conceptualisation de la fin de l’analyse, conduisant, des années plus tard, à la formation du symptôme. Pourquoi a-t-il changé le statut de l’objet a et l’a-t-il formalisé comme un semblant? Comment se fait-il que l’objet a en tant que réel, en tant que jouissance extraite du corps par le signifiant, n’est plus adéquate? Marlene a ensuite continué sur comment Lacan a montré que, sous certaines conditions, le désir de mort peut émerger. A la fin de l’analyse, on réalise l’horreur de ce que l’on est en tant qu’objet. C’est en s’appuyant sur l’exposé de Pierre-Gilles Guéguen sur «Lacan’s Joyce: The Sinthome» (le 14 janvier 2012), que Marlene a tenté d’interroger la différence entre la réalisation de ce qu’on est en tant qu’objet et le symptôme en tant que réel, qui nous force à faire face à notre propre masochisme. Est-ce que cela pourrait être une référence à Freud, lorsqu’il affirme que la résistance causée par le refoulement, et la résistance liée au Surmoi, seraient unis dans un besoin d’être malade ou d’être le souffrant ? Peut-être y a-t-il une relation entre la notion de refoulement primaire et le masochisme primaire? Marlene a pris ces questions centrales et a entamé ses recherches pour trouver des réponses mais a dit, que malgré ses investigations à ce moment présent, elle n’a pas trouvé un résultat satisfaisant. Néanmoins, pour l’auditoire, ces questions cruciales ont eu un effet d’ouverture.
Il y a eu trois présentations de cas, liées et complémentant les textes ci-dessus. Dans la présentation de cas «Est-ce que cela est une ruse ou un réveil ?», Susan McFeely a exposé le cas d’une psychose chez un toxicomane, où le patient pourrait être décrit comme étant en errance, alors qu’intelligent, à une place où des choses lui arrivent, et où le phallus n’opère pas mais est produit par le biais des drogues. L’objet a est suspendu et ses nombreux «slips» lui permettent de disparaître et d’éviter ainsi le désir de l’Autre. Le cas de Joanne Conway, «Tu me rends malade! Impasses, obstacles et tickets de train invalides» décrit une névrose, où le sens peut paralyser, le signifiant mobiliser un symptôme et un transfert négatif conduire à une impasse. La patiente craint d’être oubliée et questionne «ce qu’elle est pour les autres» et une demande de maîtriser l’Autre mêlée à une vacillation pour l’Autre –le A barré. Dans la dernière présentation clinique, «’Impaire’: Symptôme, Lettre et Psychose», Florencia Shanahan a montré comment le symptôme dans la psychose peut être un évènement du corps, non pas un événement de la pensée, et elle a élaboré sur le statut de la lettre et la fonction du symptôme. Dans la névrose, le symptôme s’inscrit dans un processus d’écriture entre le corps et le sujet, et la jouissance qui y est incluse est chiffrée, ce qui donne sens. C’est l’inconscient qui chiffre; hors sens, la lettre de jouissance se répète sans rien ne dire à personne. Finalement, ceci a mené à la question: quelle est la place de la lettre dans la psychose ?
Les mots de la fin ont été prononcés par l’invitée, Anne Lysy, qui a souligné que pendant cette Journée d’Etude, il y a eu de nombreuses références au travail de Freud et à l’enseignement de Lacan, ce qui correspond à nos outils de travail. Elle a été «très impressionnée et contente» par la façon dont ces outils ont été mis à profit, avec les intervenants utilisant ce savoir dans les textes présentés aujourd’hui. Il a été clairement démontré, qu’à travers l’énonciation des «pourquois» de chacun, que la quête personnelle a des implications pour la pratique de chacun et ceci par rapport à la formation de l’analyste et la nécessité de supervision et de l’analyse personnel. Elle a décrit l’acte psychanalytique comme un acte unique –un moment– qui est toujours dans la singularité du cas. Elle a poursuivi en parlant du symptôme, qui n’est pas une évidence au début d’une analyse mais qui doit «être mis en forme» (dit Lacan) dans les premières séances, et comment le symptôme est transformé du début à la fin de l’analyse – mais pas dans une ligne continue étant donné que c’est une question. Il y a toujours un symptôme et, en tant que premier lien de langage et de corps, bien entendu, il reste. Un symptôme, a-t-elle continué, a une dimension de réel, il ne change pas. C’est la position du sujet envers le symptôme qui change, mais un bout de jouissance reste. Anne Lysy a remercié tout le monde pour leur travail et a ajouté qu’elle a apprécié l’ «ambiance très agréable».
De notre côté, nous exprimons notre gratitude et remercions Anne Lysy pour son déplacement à Dublin pour présider ici, cette première Journée d’Etude de l’ICLO-NLS et pour se joindre à nous alors que nous clôturons le programme de travail de cette année.
Lorna Kernan
ICLO-NLS
(Traduction: Tracy Hoijer-Favre)
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