LU CE JOUR, par Éric Laurent
24 juin 2014
Retour à Monsieur Bovary
La ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, grande
voix de la bureaucratie, sœur d’un professeur de médecine, flle d’Alain
Touraine, normalien, sociologue de l’action sociale, lui même fls de médecin,
vient de présenter les grandes lignes de la loi de Santé qui sera présentée au
Parlement début 2015. Un tollé s’ensuit sur la généralisation du tiers-payant
prévue pour 2017. Ce tollé est diversement commenté. Le Monde donne la parole
aux opposants, Libération est à fond pour.
Lu dans Libération du 24 juin 2014, l’article d’Eric Favereau, « Médecins :
le tiers payant divise » :
« La généralisation du tiers payant d’ici 2017, confrmée la semaine
dernière par la ministre de la Santé, Marisol Touraine, est une mesure de bon
sens. D’autant que dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE, elle est déjà
effective. Aux États-Unis, la plupart des assurances privées en font bénéfcier
leurs adhérents. On pouvait donc imaginer un concert d’applaudissements. Raté.
Voilà que cette mesure provoque un tollé dans une grande partie du corps
médical. « Notre avenir est en jeu », osent même certains. Rien que ça… Didier
Tabuteau, responsable de la Chaire santé de Sciences-Po, ajoute avec force : « Oui, généraliser le tiers payant est une mesure fondamentale. Cela marque un changement historique. » La Chaire de Santé de Sciences-Po est
certainement une grande inspiratrice de la mesure cruciale. Il sufft de se
reporter au dernier livre de son responsable, qui ne cache pas sa nostalgie des
Offciers de Santé, créés par la Révolution en 1793, pour suppléer aux trop peu
nombreux Médecins. Flaubert, fls de médecin, a fait de M. Bovary un Offcier de
santé inoubliable.
Lu dans Démocratie sanitaire, de Didier Tabuteau, éditions Odile Jacob,
2013 :
« Alors que, dans la plupart des pays européens comparables, les
médecins et les administrations se sont peu ou prou associés pour développer la
santé publique puis une assurance-maladie, l’opposition entre les deux a servi,
en France, de ferment à la structuration du système de santé. L’identité
collective des médecins a pris racine sur le refus de l’inférence
administrative, sur la méfance à l’égard des collectivités publiques et sur la
sacralisation de l’isolationnisme professionnel. L’intrusion de l’État dans
l’exercice de la profession est devenue l’obsession majeure d’un corps médical
échaudé par l’initiative des révolutionnaires de 1793…Il a fallu la loi du 30
novembre 1892, adoptée au rapport d’Antoine-Daniel Chevandier, député et «
docteur-médecin », pour qu’il soit mis fn à la dichotomie du corps médical et
que soit réservé aux titulaires du doctorat le droit d’exercer de la médecine.
Le bras de fer historique entre l’État et les docteurs en médecine a tourné à
l’avantage de ces derniers. Au-delà de la mise en extinction de la profession
d’offcier de santé, c’est la répartition des pouvoirs dans l’organisation du
système de santé qui s’est jouée »
La bureaucratie sanitaire a la mémoire longue.
25 juin 2014
La confusion entre signaux électriques du cerveau et pensée est une
métaphore toxique
La Recherche de juin/juillet titre : « Piloter la machine par la pensée ».
Lu sur le site de Time Magazine, en date du 25 juin, l’article de Maya
Rhodan, « New Technology Helps Brain Signals Move Paralyzed Hand » :
« A quadriplegic man was able to move his hand simply by willing it to
happen with his mind…23-year-old Ian Burkhart, paralyzed in a diving accident
four years ago, was the first participant to try out a decade-in-the-making
technology called Neurobridge, which sends neural signals directly to muscles.
»
26 juin 2014
La forclusion pour tous par le triomphe des images.
Sous le titre « Cauchemars enfn expliqués », Science et Vie nouvelle
formule, de juillet 2014, (signalé par Francis Donovan), annonce que le
cauchemar, considéré comme « un simple symptôme par la psychanalyse », est
devenu « un sujet scientifque à part entière ». Et qu’une thérapeutique
souveraine en découle. Elle passe par « l’imagerie mentale ». Quid ?
Lu dans Science et Vie, l’article « Cauchemars : il est possible d’en
guérir » :
« Depuis une dizaine d’années, une technique a pleinement prouvé son
effcacité : l’IRT (Imagery Rehearsal
Therapy, ou thérapie par répétition de l’imagerie mentale). […] Le patient,
détendu, raconte son cauchemar au thérapeute, qui lui demande de changer un
élément du récit pour le rendre moins angoissant ; puis d’en modifer un autre
détail, et encore un autre, jusqu’à ce qu’à force de répétitions et de légères
modifcations, une « version altérée » du cauchemar s’imprime dans le cerveau. »
[ Jusque là, on ne voit pas très bien la différence avec le fait de raconter en
psychanalyse un cauchemar, surtout que l’article précise. ]
« C’est aussi une leçon de toutes ces études : raconter son cauchemar,
l’écrire ou le dessiner, est le premier pas pour s’en débarrasser. Et cela vaut
pour les cauchemars pathologiques comme pour les plus « ordinaires » ».
[ Moyennant quoi, les héritiers de Michel Jouvet, qui a cherché toute une
vie, en
vain, à établir une explication du rêve, vont : ]
« évaluer l’impact de cette méthode de répétition de l’imagerie mentale sur
des patients adultes français, faisaient fréquemment de « mauvais rêves ». Une
première en France.
Pour l’instant, en effet, pour expliquer l’effcacité de cette thérapie,
trois processus sont envisagés : soit elle améliore les capacités d’imageries
mentales du patient, c’est-à-dire ses compétences à produire un « scénario
visuel », soit elle arrive à créer de nouveaux scénarios moins pénibles. Enfn,
dernière hypothèse, l’IRT exposerait régulièrement le dormeur à des souvenirs
anxiogènes, ce qui fnirait par éteindre la réponde émotionnelle associée ».
[ Nos expérimentateurs reconnaissent volontiers que les thérapeutes font de
l’IRT, mais sans le savoir. ]
« Seul un entretien intime avec le rêveur permettra de dénouer le jeu
subtil des métaphores propres à chaque cerveau. Interpréter ses cauchemars
reste malgré tout utile. « Car lorsqu’un thérapeute demande à un patient
d’interpréter son cauchemar, celui-ci va élaborer un scénario alternatif. Et
donc, faire de la répétition d’imagerie mentale sans que ce soit mentionné
comme tel », explique le psychologue, qui voit donc dans cette pratique
l’occasion de faire un vrai travail cognitif sans en avoir l’air ».
Pour l’amour des métaphores du cerveau, souffrez que l’on vous embrasse !
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