Messager 342 - 2011/2012
VERS TEL AVIV 27 / TOWARDS TEL AVIV 27
Xe Congrès NLS 16-17 juin 2012 / 10th NLS Congress 16-17 June 2012
10 fevrier 2012
10 February 2012
VERS TEL AVIV 27 - Les FAQ du symptôme – 1
FAQ: Frequently asked questions. Les questions fréquemment posées. Je propose cette nouvelle rubrique dans notre préparation au Congrès de Tel Aviv après mes voyages d’un groupe à l’autre de la NLS depuis début septembre, où « Lire un symptôme » était le vecteur du travail (Genève, Athènes, Varsovie, Sofia, Moscou, Londres, Gand, Tel Aviv).
J’ai été amenée à chaque fois à présenter le thème ; je l’ai abordé de différentes façons, par différents angles, mais toujours en partant du texte de JAM « Lire un symptôme ». J’ai buté sur des points opaques, dans mon effort de rendre clairs les axes de notre recherche ; et dans la rencontre des collègues, au cours des discussions théoriques et cliniques, des questions ont émergé, des remarques m’ont frappée, des détails me sont restés. Je voudrais faire quelque chose de ces achoppements, de ces bribes, de ces « restes ». Toutes les chutes (comme on dit, en parlant des restes d’un tissu) ne sont pas bonnes à garder, mais quelques-unes me semblent dignes d’être élevées au rang de questions que je vous adresse. Et je propose que vous fassiez de même, que les séminaires, conférences, cartels, ainsi que le travail solitaire, laissent des traces, pas seulement dans lestravaux plus construits ou dans les rapports toujours intéressants qu’on peut en lire, mais dans ces « flashes », ces petites remarques, ces questions restées sans réponse.
Des éléments de réponse peuvent alors être proposés, des références peuvent être indiquées, des précisions ou des contradictions peuvent être apportées. Il ne s’agit pas pour autant de boucler les choses avant le congrès lui-même ; mais plutôt d’amener des ingrédients qui vont « précipiter » nos réflexions.
Anne Lysy
FAQ 1
Evénement de corps et phénomènes de corps
Comment différencier ces deux termes ?
Et ensuite, comment les articuler ?
Nous utilisons fréquemment le syntagme « phénomènes de corps » dans nos constructions cliniques ; le plus souvent par rapport à la psychose, mais aussi plus largement, comme s’il venait recouvrir tous les phénomènes qui concernent le corps (conversions hystériques, symptômes psychosomatiques, douleurs diverses, etc.). Il semble en outre que cette année, nous ayons aussi tendance à utiliser sans distinction phénomènes de corps et événements de corps (au pluriel), comme s’ils étaient synonymes.
Or il me semble qu’ils ont un statut différent et qu’il faudrait arriver à distinguer l’événement de corps (au singulier) et les phénomènes de corps. Cela implique aussi de revoir notre conception du corps ; pourquoi par exemple les obsessions comme ‘maladie de la pensée’ ne pourraient-elles pas relever parfois elles aussi de l’événement de corps ?
D’où ma question.
Quelques points de repère maintenant.
Lacan fait du symptôme « un événement de corps » dans son dernier enseignement, précisément dans son texte « Joyce le Symptôme » de 1976 (Autres écrits, p. 569).
J.-A. Miller a extrait ce terme pour en faire une notion-clé de ce dernier enseignement et le situer dans la perspective d’Encore, où le signifiant a des effets de jouissance et non plus de mortification. La jouissance suppose le corps ; un corps vivant, qui n’est pas image, qui n’est plus celui du stade du miroir ; un corps qui se définit comme « ce qui se jouit » ; non pas d’une jouissance ‘naturelle’ mais de par l’incidence du signifiant.
L’événement de corps, c’est la rencontre, pour un sujet, ou plutôt pour un parlêtre, du signifiant et du corps, c’est la « percussion » de la langue sur le corps, c’est le traumatisme de la langue. C’est un événement qui est « aux origines mêmes du sujet, c’est en quelque sorte l’événement originaire et en même temps permanent, c’est-à-dire qu’il se réitère sans cesse. » (1) L’événement de corps c’est le sinthome (dans sa nouvelle écriture, distinguée du symptôme), c’est-à-dire « quelque chose qui est arrivé au corps du fait de lalangue » (2). Lire un symptôme « vise ce choc initial », « vise à réduire le symptôme à sa formule initiale, c’est-à-dire à la rencontre matérielle d’un signifiant et du corps, au choc pur du langage sur le corps » (3). C’est viser le réel du symptôme, au-delà du sens, au-delà des détours du désir. Ce réel est dans la lettre, dans sa matérialité hors sens. Il y a donc une affinité de l’événement de corps et de la lettre.
Contingence du choc initial, itération du même Un de jouissance, singularité du sinthome.
Les phénomènes de corps, eux, sont-ils comme tels automatiquement un événement de corps, au sens fort de condition du parlêtre ; un événement de corps, constitutif pour tel sujet, « originaire et permanent » ? Il y a une grande variété de phénomènes, parfois chez un même sujet. Quel statut ont ces phénomènes ? Quand on décrit par exemple qu’une jeune femme est prise de spasmes sous le regard de l’autre; ou qu’une autre est envahie de phénomènes corporels à un moment de vacillation de ses appuis dans le savoir (maux d’estomac, taches sur la peau, etc.) : il s’agit bien de quelque chose qui arrive au corps, mais les appellera-t-on des événements de corps ?
Une piste. Lors de la « Conversation sur les embrouilles du corps » à Bordeaux enjanvier 1999 (4), J.-A. Miller faisait la distinction, à propos des phénomènes de corps, entre « les phénomènes à éclipse et les phénomènes permanents » : « On qualifie les phénomènes de corps de ‘sinthomes’ quand ils s’installent en permanence et qu’ils ordonnent la vie d’un sujet. »
Une autre piste. Dans son cours l’an dernier, J.-A. Miller situait l’événement de corps au niveau de la fixation freudienne, « la fixation de la pulsion à la racine du refoulement » ; « il y a un Un de jouissance qui revient toujours à la même place » (5).
Une autre question surgit alors : comment repère-t-on ce ‘Un’ de jouissance, qu’est-ce que ce ‘Un’ – un signifiant maître, un mot qui a frappé, un son, une lettre... ?
A suivre, donc.
Anne Lysy,
9 février 2012
(1) Miller, J.-A., « Lire un symptôme »
(2) Miller, J.-A., « Pièces détachées », cours du 15 décembre 2004, Cause freudienne 61, p. 152.
(3) Miller, J.-A., « Lire un symptôme »
(4) Miller, J.-A., in : « Conversation sur les embrouilles du corps », Ornicar ? 50, 2003, p. 235.
(5) Miller, J.-A., cours du 30 mars 2011, inédit.
FAQ: Frequently Asked Questions. I propose this new rubric for our preparation of the Tel Aviv Congress following my trips to one NLS group after another since the beginning of September, where ‘Reading a Symptom’ gave the direction for work (in Geneva, Athens, Warsaw, Sofia, Moscow, London, Ghent, Tel Aviv)
Each time I undertook to present the theme; I approached it in different ways, from different angles, but always by speaking about JAM’s text ‘Reading a Symptom’. In my effort to make the axes of our research clear, I came up against some opaque points; in the course of theoretical and clinical discussions in the encounters with colleagues, questions emerged, remarks struck me, details stayed with me.
I would like to make something out of these stumbling blocks, these scraps and ‘remainders’. Not all remnants (as one says in relation to fabric leftovers) are suitable for keeping, but some of them seem to me to be worthy of being elevated to the order of a question that I will pose to you, and I propose that you do the same. The seminars, lectures and cartels, as well as individual work leave a trace – not only in the more constructed pieces of work, or in the always interesting reports that we read, but in these brief flashes, the short remarks, the questions that remain without answer.
Elements of a response can thus be proposed, references can be pointed out, precisions or contradictions can be brought up. It is not so much a matter of tying things up before the congress itself; it is rather about bringing together the ingredients that will ‘precipitate’ our reflections.
Anne Lysy
FAQ1
Body event and body phenomena
How to differentiate these two terms?
And then, how to articulate them?
We often use the term "body phenomena" in our clinical constructions, mostly in relation to psychosis, but also, more broadly, as if it covered all the phenomena affecting the body (hysteric conversions, psychosomatic symptoms,various pains, etc.). Moreover, this year, we had a tendancy to use body phenomena and body events (in the plural) without distinction, as if they were synonymous.
But it seems to me that they have a different status and that we should make a distinction between the body event (in the singular) and body phenomena. It involves revisiting our idea of the body; why, for example, could the obsessions, as 'illness of thought', not sometimes be classed as a body event?
Hence my question.
A few points of reference:
Lacan makes the symptom "a body event" in his last teaching, specifically in his text "Joyce the symptom", published in 1979 (Autres écrits, p. 569).
J.-A. Miller extracted this term to make it a key concept of this last teaching and to situate it in the perspective of Encore, where the signifier has effects of jouissance and not of mortification. Jouissance supposes the body, a living body, which is not an image, and no longer the same body as the one of the mirror stage; it is a body defined as "what enjoys itself"; not a 'natural' enjoyment but a jouissance from the impact of the signifier.
The body event is the meeting between the signifier and the body, for a subject, or rather for a parlêtre, it is the "percussion" of language on the body, the trauma of language. It is an event which is "at the very origin of the subject. It is, in a way, the original event and, at the same time, a permanent event, one that is ceaselessly reiterated” (1). The body event is the sinthome (in this new writing, distinguished from the symptom), i.e."something which happened to the body because of language" (2). Reading a symptom "targets this initial shock", "aims at reducing the symptom to its original formula, i.e. the material encounter between a signifier and the body, the pure shock of language on the body" (3). It aims at the real of the symptom, beyond meaning, beyond the defiles of desire. The real is in the letter, in its materiality out of meaning. There is an affinity between the body event and the letter.
A body event has a relation to the contingency of the initial shock, the iteration of the same One of jouissance, the singularity of the sinthome.
As for the phenomena of the body, are they as such automatically a body event, in the strict sense of a condition of the subject, or rather of the ‘parlêtre’? Are they an "original and permanent” event that is constitutive for the subject? There are a wide variety of phenomena, sometimes in the same subject. What status do these phenomena have? When we describe a young woman, for example, who has spasms when under the gaze of the other; or another who is invaded by body phenomena in moments in which she loses her support in knowledge (stomach pains, spots on the skin, etc.): this is something that happens to the body, but will we call it body events?
In the "Conversation sur les embrouilles du corps” (Conversation on the entanglements of the body) in Bordeaux in January 1999 (4), with regard to body phenomena J.-A. Miller made a distinction between "intermittent (“eclipse”) phenomena and permanent phenomena": "body phenomena are qualified as 'sinthomes' when they become permanent and order the life of a subject."
In his course of last year, J.-A. Miller situated the body event at the level of the Freudian fixation, "the fixation of the drive at the root of repression"; "there is a One of jouissance that always comes back to the same place" (5).
Another question arises out of this: how do we identify this 'One' of enjoyment, what is that “One” - a master signifier, a word that struck, a sound, a letter...?
To be followed.
Anne Lysy,
9 February 2012
(1) Miller, J.-A., "Reading a symptom”.
(2) Miller, J.-A., “Pièces détachées”, lesson of 15 December 2004, Cause freudienne, 61, p. 152.
(3) Miller,J.-A., "Reading a symptom”.
(4) Miller, J.-A., in: "Conversation sur les embrouilles du corps", Ornicar? 50, 2003, p. 235.
(5) Miller, J.-A., course on March 30, 2011, unpublished.
Translated by Natalie Wulfing
www.wapol.org http://www.amp-nls.org/fr/template.php?sec=congres&file=congres/2012/Inscriptions.html
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