Compte-rendu du samedi après-midi du
Kring voor Psychoanalyse van de NLS
avec Hélène
Bonnaud
MOMENTS DE CRISE ET SUJET SUPPOSÉ SAVOIR
Les moments de crise dans les témoignages sur la
passe
Samedi le 22
novembre, le Kring voor Psychoanalyse van
de NLS en collaboration avec les responsables du séminaire sur l’Ecole et
la passe, avaient invité Hélène Bonnaud.
Cet après-midi était précédé d’un travail préparatoire au sein du séminaire.
Plusieurs cartels avaient minutieusement étudié tous les témoignages sur la
passe d’Hélène Bonnaud et se sont réunis pendant une soirée, début novembre, pour en discuter
dans un style de conversation les résultats, les questions et les idées qui
ressortaient de cette lecture. Nous avons spécifiquement examiné ces
témoignages sur ce qu’ils pouvaient nous apprendre sur le thème de travail de
cette année : la crise. Nous avons épinglé alors plusieurs moments de
crise : les crises subjectives, les crises des identifications et des idéaux,
les crises de la maternité, les crises du symptôme et les crises du transfert.
Hélène Bonnaud,
ayant reçu un écho de ce travail, a tout de suite pensé venir nous parler de la
crise du transfert, sous le titre Moments
de crise et sujet supposé savoir.
Le Bureau du
Kring à son tour, a proposé de relire et de faire une conversation sur le livre
Le transfert négatif (Collection Rue Huysmans, sous la direction
de Jacques-Alain Miller, 1999) dans son atelier de lecture qui précédait l’arrivée
d’Hélène Bonnaud. Voilà donc tout un travail bien animé et orchestré au sein de
notre Kring en route vers Genève !
La crise du transfert
« A ma surprise », disait Hélène
Bonnaud, « j’ai tout de suite pensé
à la crise du transfert ». Surprise puisque le transfert est
quand-même le moteur principal de la cure. Ce qui n’exclut pas qu’il évolue au
fur et à mesure du parcours et que la rencontre avec l’analyste peut tout à
coup dévisser et mettre en jeu la continuation de la cure. Et ce qui n’exclut
pas non plus qu’il y ait des moments où l’inertie domine et où l’effet de
répétition prend une valeur négative.
A partir de là,
Hélène Bonnaud a repris avec une très grande finesse deux moments de crise du
transfert dans son parcours pour en tirer une conclusion sur la crise comme
« moment de cristallisation du mode
de jouir propre au sujet ».
Premier moment : l’acting-out comme réponse à
une interprétation
Le premier moment
de crise du transfert est désigné comme un acting-out
qui a provoqué la sortie de l’analyse en réponse à une interprétation sauvage
de l’analyste. Sauvage puisqu’il cherchait à dire la vérité sur la jouissance
du sujet. Mais on ne peut pas dire vrai sur la jouissance, parce qu’il n’y pas
de vérité de la jouissance, la jouissance ne s’interprète pas. (Miller, J.-A., Choses de finesse, cours du
18 mars 2009). D’où l’acting-out dans sa dimension démonstrative et
orientée vers l’Autre. Montrage voilé pour le sujet de l’acting-out, mais dont
l’essentiel de ce qui est montré est ce reste, ce qui tombe, cet objet a et sa chute. (voir les passages sur l’acting-out et le passage à l’acte dans le Séminaire
X sur l’Angoisse, pp. 144-151). C’est donc du côté de cette chute de
l’objet qu’il convient d’apercevoir les conséquences de l’interprétation ayant
donné lieu à la sortie de l’analyse.
Ce moment de
crise sous transfert rend compte des effets de jouissance laissés intouchés
dans l’analyse. L’objet a qui chute
n’avait pas été touché. Ce qui est montré dans l’acting-out comme « insurrection
de a, resté absolument
intouché » (Sém. X, pp. 151)
Cependant, il ne
s’agit pas de mettre tout le poids exclusivement sur le compte de l’analyste.
Sortir sous la forme d’une éjection, d’un ‘se
jeter’, était une modalité de jouissance qui s’est plusieurs fois répétée
dans le parcours du sujet. Ce qui ne se laissera apercevoir qu’à la fin.
La question de la chute du sujet supposé savoir
Dans le deuxième
moment de crise qui se situe à la fin d’une deuxième analyse il s’agit bien
plus de la problématique de la crise du transfert que dans la première sortie.
L’analysante traverse un moment de crise qui dure et qui n’aboutit à aucune
solution. Traversée d’un désert, la décision de ne plus se brancher sur la voie
du déchiffrage de l’inconscient, l’expérience que l’Autre n’existe pas, on
touche par-là à la question de la chute de l’illusion du sujet supposé savoir
et son effet négatif, le transfert négatif sous la forme, ni de soupçon, ni de
haine, ni de méfiance, mais d’un « peu
de défiance ».
L’analyse n’arrivait
pas à se terminer et butait sur l’inertie d’un réel palpable entre parler et se
taire. Une panne, un moment de crise qui dure et n’aboutit à aucune solution. L’impasse d’arriver à la fin de l’analyse, et
l’impossibilité de faire la passe étaient marquées par le sentiment d’un échec,
d’un deuil, d’une perte de l’analyse. Un rêve de fin, où le sac de l’analysante
tombe dans la trappe de l’ascenseur localisait cette perte de l’analyse
inatteignable. Cette crise de la fin de l’analyse met en jeu à nouveau la
jouissance de l’objet perdu, cette fois-ci pas du tout du côté de
l’insurrection mais du côté du laisser tomber. Il a fallu plusieurs années et
l’acte de l’analyste dans une troisième analyse pour permettre de sortir de
cette fixité d’une perte qui constituait un mode de jouissance qui infiltrait
toute la vie.
La crise comme moment de cristallisation d’un mode
de jouir
Dans cette
dernière analyse, cette fixité - la jouissance du symptôme - a été touchée par
les interprétations de l’analyste en deux temps.
D’abord,
l’interprétation « vous êtes une
toxicomane » qui montrait comment la jouissance de l’excès du symptôme
avait trouvé une satisfaction à se routiniser dans l’analyse, dans une
jouissance toxicomaniaque de la parole dans l’analyse (Hélène Bonnaud, sur cette différence entre jouissance de l’excès et la
jouissance satisfaction nous réfère au
cours de J.-A. Miller, Choses de finesse, cours du 14 janvier 2009).
C’était une façon de faire un sinthome qui satisfait le sujet à partir du
symptôme oral de l’anorexie, qui est une jouissance destructive et un symptôme
toujours mis en échec, en crise.
On y voit un moment où la crise du symptôme est résolue dans un mode de jouir qui satisfait le sujet.
Mais si cette interprétation a mis un terme à l’analyse, elle réduisait l’affaire à la jouissance de la parole, laissant le corps en exclusion qui continuait à provoquer l’angoisse.
On y voit un moment où la crise du symptôme est résolue dans un mode de jouir qui satisfait le sujet.
Mais si cette interprétation a mis un terme à l’analyse, elle réduisait l’affaire à la jouissance de la parole, laissant le corps en exclusion qui continuait à provoquer l’angoisse.
Le deuxième temps
se situe au moment où l’analyste coupe la séance sur une phrase du père restée
toujours hors analyse : « si
c’est une fille on la jettera par la fenêtre ». La phrase fait interprétation et permet de serrer un réel de ce
qui fonctionnait comme une chute du corps, une impression d’éjection qui
obligeait toujours à se tenir au bord pour ne pas tomber. Et l’analyste a
ramassé ce dire par son interprétation « un arrachement pour lutter contre l’éjection et un arrachement de
l’éjection ».
Ce que ce travail
sur la crise a donc mis en évidence c’est que c’est dans la mise en acte du
transfert que cette jouissance peut le mieux se lire. Les acting-out, les
moments de chute, voire de désespoir sont à mettre sur le plan de cette
jouissance de l’éjection. Dans ces moments de crise survient cette jouissance.
C’est là qu’on rejoint la crise comme moment de cristallisation de ce mode de jouir
propre au sujet, un mode d’éjection dont l’analyse comme procédé, comme
processus, aura été un mode de traitement.
Discussion
Après cette
intervention d’Hélène Bonnaud une discussion animée a eu lieu avec les
participants sur beaucoup de points de ses témoignages : sur le corps et
cette question difficile ‘d’avoir un corps’, sur le nom de l’indicible, sur le
transfert négatif et le désir de l’analyste dans sa différence avec le
‘vouloir’ de l’analyste, sur la question du sexe, sur les effets d’être nommé
passeur et beaucoup d’autres choses encore.
Nous remercions
beaucoup Hélène Bonnaud pour cet après-midi de travail avec nous, travail très
précis et avec beaucoup de finesse sur un thème - les crises du transfert - qui
est au cœur de notre sujet de travail de cette année dans notre Ecole.
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