Une constatation que nous avons tirée à partir de
quelques interventions dans le récent Congrès de la NLS à Genève sur « Moments
de crise » est que le sujet de la crise actuelle apparaît très souvent dans la
clinique avec des traits mélancoliques, voire même comme un sujet décidément
mélancolisé, plongé dans sa propre hémorragie libidinale imparable.
Notre collègue grecque, Anna Pigkou, a remarqué
ainsi que nous rencontrons « un nombre non négligeable de patients
mélancoliques dans notre pratique quotidienne ». Du même, notre collègue
d’Irlande, Joanne Conway, a signalé l’épidémie suicidaire qui hante les
adolescents du temps de la crise du Celtic Tiger : « L’Irlande a maintenant
l’un des plus hauts taux de suicide parmi les adolescents en Europe », avec un
fait nouveau que ces actes suicidaires se succèdent « en groupe », signe d’une
identification groupale à l’objet impossible à perdre.
La dette devient ainsi un concept « ambocepteur »,
comme l’a indiqué Reginald Blanchet dans le travail préparatoire du Congrès.
C’est la dette économique qui hante les pays les plus plongés dans la crise,
mais aussi la dette que le sujet doit symboliser dans son rapport au désir de
l’Autre.
Une nouveauté dans l’économie moderne est que la
dette, elle-même, devient un objet de transaction commerciale, un objet dont on
peut tirer un bénéfice. C’est même l’invention de la machine financière moderne
de commercialiser non seulement les services des biens et les marchandises, mais
de commercialiser aussi la dette. C’est une sorte d’alchimie économique où l’on
fait d’un moins, d’un manque, un plus, un objet qui peut être commercialisé.
Mais c’est aussi, comme nous l’avons vu à partir de quelques vignettes
cliniques, une alchimie libidinale où chaque sujet se trouve confronté à la
question : comment faire d’un moins la cause d’un gain, d’une création ?
Remarquons un fait de structure où l’identification
à l’objet impossible à symboliser comme objet perdu, séparé du sujet, semble corrélative
d’une économie libidinale fondée sur une « gestion de la dette » qui pousse à
la rendre impossible à payer. Ceci correspond à la définition de la dette
symbolique par excellence, celle que la castration de l’Autre représente pour
le sujet. C’est avec cet euphémisme « gestion de la dette » qu’on désigne
aujourd’hui l’hémorragie économique qui hante les pays frappés de plein fouet
par la crise.
Nous avons dit « corrélative ». Ceci ne veut pas
dire un rapport de cause-effet, mais un signe de la rencontre, de la tuché,
entre la singularité du sujet et la façon hémorragique du
pousse-à-la-jouissance qui suppose cette nouvelle forme de l’impératif du
surmoi demandant à ce sujet de jouir toujours davantage.
Toujours un peu plus signifie aussi qu’il n’y a
jamais de perte possible, à moins que le sujet lui-même s’identifie à l’objet
de cette perte impossible à symboliser.
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