4 de dezembro de 2016

Congrès de la NLS / NLS Congress 2017: Argument


Congrès de la NLS
29 et 30 avril 2017 à Paris
Autour de l’inconscient
Place et interprétation des formations de l’inconscient
dans les cures psychanalytiques

Ce dont j’ai essayé de lui donner corps, avec la création du symbolique,
a très précisément ce destin que ça ne parvient pas à son destinataire.
Comment se fait-il pourtant que ça s’énonce ? Voilà
l’interrogation centrale de la psychanalyse. »
(Jacques Lacan, le 10 mai 1977)
  
 
« L’inconscient, on connaît ça depuis toujours[1] », énonçait Lacan. « Mais, ajoutait-il, dans la psychanalyse, l’inconscient, c'est un inconscient qui pense ferme[2] ». Et là, surprise ! il mentionne que si « c’est des pensées, ça ne peut pas être inconscient[3] ». C’est ce que Jacques-Alain Miller désigne comme relevant des « Paradoxes de Lacan[4] », et si Lacan le dit avec cette apparente simplicité, c’est aussi on ne peut plus sérieux de sa part. 

Lacan formula en effet être le seul à avoir donné son poids à ce vers quoi Freud était aspiré par cette notion d’inconscient. C’est ainsi qu’il ne cessera pas au cours de son enseignement d’interroger le statut de l’inconscient jusqu’à en faire un concept fondamental. Car, ce n’est point pour lui une affaire classée, même si à ce moment-là beaucoup le considèrent comme tel. 

Pour démontrer l’hypothèse de l’inconscient, il faut en passer par les mots, car « l’inconscient n’a de corps que de mots[5] ». Et  si c’est avec les mots que la psychanalyse opère, la pratique du psychanalyste consiste à savoir comment.

Tous les mots ? Certes non, puisqu’il s’agit de réduire ce qui se présente comme un flot continu de la parole, celle à laquelle le psychanalyste invite celui qu’il écoute. L’inconscient n’est pas cette masse de mots, de signifiants, même si au départ Lacan avance l’aphorisme qu’il est structuré comme un langage. 

Freud lui-même, s’il ne fait référence qu’aux jeux du signifiant pour approcher la question de l’inconscient, fait place à des formations électives de celui-ci, le rêve, l’acte manqué, le mot d’esprit, l’oubli, voire le symptôme. Ce qui y est frappant, c’est qu’ils apparaissent sur le mode de l’achoppement, de la défaillance, de la rupture, de la faille, de la « trouvaille »[6], bref de la discontinuité. Et c’est là que Freud ira chercher l’inconscient.

Est-ce pour autant dire que cette discontinuité relative aux formations de l’inconscient se fait sur le fond d’une continuité ? Non, car Lacan pointe que ce serait poser une sorte de un antérieur à la discontinuité. En 1964, lorsqu’il questionne à nouveau ce concept de l’inconscient, il insiste que son enseignement est de mettre fin au « mirage auquel s’attache la référence au psychisme d’enveloppe, sorte de double de l’organisme où résiderait cette fausse unité[7] ». 

Or, ce mirage ne cesse de faire retour. Il n’y a qu’à tendre l’oreille à ce que le monde des médias fait résonner, pour constater que c’est ce qui gagne les esprits. L’on y entend ainsi s’exprimer ici et là des psychanalystes – ainsi désignés – qui conçoivent l’inconscient comme un espace fermé, voire un organe que l’on pénètrerait par la suggestion, en donnant du sens, ou encore, lorsqu’ils sont enclins à ce type de méthode, d’exploration par l’imagerie cérébrale. La préférence est ainsi donnée à la matière, à la consistance imaginaire, à ce qui se targue d’être scientifique, c’est-à-dire ce qui serait soi-disant prouvé. 

Nous sommes loin du un de la fente, du trait, de la rupture, soit de cet un qu’est le Un de l’Unbewusste[8], terme qui désigne l’inconscient freudien et que Lacan traduira par une-bévue[9], cette traduction faisant disparaître l’équivoque du terme inconscient avec l’inconscience.

Le rêve constitue ainsi une bévue, tout comme les autres formations de l’inconscient. Pourtant « Le rêve n’est pas “l’inconscient”[10] », écrivait Freud à propos du matériel des rêves que lui apportait la jeune homosexuelle pour le tromper et continuer à défier son père. C’est ce désir de tromperie qui s’y réalisait et non pas celui d’aimer les hommes.

Ainsi Lacan dit introduire avec l’une-bévue qui fait partie du titre de son séminaire en 1976-1977, « L’insu-que-sait de l’une-bévue », quelque chose qui va plus loin que l’inconscient. Déjà, l’année précédente, il avait distingué l’inconscient freudien de celui qu’il élaborait avec le sinthome, essayant « de situer ce qu’il a à faire avec le réel, le réel de l’inconscient, si tant est que l’inconscient soit réel[11] », et avait ajouté que l’inconscient participait d’une équivoque entre réel et imaginaire[12]. C’est dire que pour cerner ce qu’est l’inconscient, si nous en passons par le passage obligé du symbolique, nous ne pouvons cependant l’y réduire. Et Lacan souligne alors que « l’usage de la coupure par rapport au symbolique, risque  de provoquer, à la fin d’une psychanalyse, une préférence donnée en tout à l’inconscient[13] ». 

D’où la notion de trou, déjà présente dans la trou-vaille, qu’il forge avec son nœud borroméen, c’est-à-dire, en nouant le symbolique, l’imaginaire et le réel, sans qu’aucune de ces trois dimensions ne prenne plus d’importance que les deux autres. C’est ce trou qu’il maintiendra jusqu’au bout, comme en 1980, quand il écrit : « Elaborer l’inconscient, comme il se fait dans l’analyse, n’est rien qu’y produire ce trou[14] ». 

Mais c’est ce qui peut tomber dans l’oubli. L’inconscient ne s’est-il pas déjà refermé sur le message de Freud, grâce à la pratique des générations d’analystes suivantes, pratique qui sutura la béance de l’inconscient que Lacan dit ne rouvrir qu’avec précaution ? 

Jacques-Alain Miller formulait aussi, il y a peu, que « Les psychanalystes payent leur statut de l’oubli de ce qui les fonde[15] ». « Ils tiennent, poursuivait-il, une fois établis, et, au mieux, une fois qu’ils ont rejoint leur singularité, ils tiennent l’inconscient comme un fait de semblant, ça ne leur paraît pas un critère suffisant pour être analyste que l’élaboration de l’inconscient[16]. » 

Ainsi, le titre retenu « Autour de l’inconscient » pointe-t-il ce trou autour duquel se produisent les formations de l’inconscient, lesquelles devraient varier au fur et à mesure de l’élaboration, de l’élucidation de l’inconscient. Un rêve de début d’analyse ne devrait pas être du même ordre que celui d’une fin d’analyse. Dès lors, il s’agira d’interroger les formations de l’inconscient dans les cures analytiques, leur place ainsi que leur interprétation, ce qui mettra l’accent sur la lecture qu’en font les psychanalystes et partant sur la conception qu’ils se sont forgée de l’inconscient aujourd’hui.    

Lilia Mahjoub
Présidente de la NLS


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[1] Lacan J., « Place, origine et fin de mon enseignement », Mon enseignement, Paris, Seuil, octobre 2005, p. 15.
[2] Ibid., p. 16.
[3] Ibid.
[4] Ibid., p. 8.
[5] Lacan J., « Propos sur l’hystérie », Quarto n°2, Supplément à la Lettre Mensuelle de l’École de la Cause freudienne à Bruxelles, 1981, p. 6.
[6] Lacan J., Le Séminaire, livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1973, p. 27.
[7] Ibid., p. 28.
[8] Ibid.
[9] Lacan J., L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre, Séminaire 1976-1977, Ornicar ? n° 12/13, Paris, décembre 1977, p. 5.
[10] Freud S., « Sur la psychogenèse d’un cas d’homosexualité féminine », Névrose, psychose et perversion, Paris, P. U. F., 1973, p. 264.
[11] Lacan J., Le Séminaire, livre XXIII, Le sinthome, Paris, Seuil, mars 2005, p. 101.
[12] Cf. ibid., p. 102.
[13] Lacan J., L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre, op. cit., p. 15.
[14] Lacan J., Lettre pour la Cause freudienne du 23 octobre 1980, publiée par l’École de la cause freudienne avec l’annuaire, 1982, p. 92.
[15] Miller J.-A., Choses de finesse en psychanalyse, Cours « L’orientation lacanienne » du 19 novembre 2008, sur le site de l’École de la Cause freudienne : http://www.causefreudienne.net/wp-content/uploads/2014/08/Choses-de-finesse-II.pdf
[16] Ibid.


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Congress of the NLS
29 and 30 April 2017 – Paris
About the Unconscious
Place and Interpretation of the Formations of the Unconscious
in Psychoanalytic Treatments
  
“What I have tried to give body to with the creation of the symbolic
has very precisely this fate, that it does not reach its recipient.
How is it, then, that it expresses itself? This is
the central question of psychoanalysis.”
(Jacques Lacan, 10 May 1977)
  
 
“We’ve always known about the unconscious”[1], said Lacan, “But”, he adds, “in psychoanalysis, the unconscious is an unconscious that thinks hard”[2]. And then – surprise! – Lacan says, “If they are thoughts, it can’t be unconscious”[3]. It is what Jacques-Alain Miller refers to as “Lacan’s Paradoxes”[4], and if Lacan said it with this apparent simplicity, it could also not be more serious for his part. 

In fact, Lacan claimed to be the only one to have given full weight to what Freud aspired towards with this notion of the unconscious. In this way he did not stop questioning the status of the unconscious throughout his teaching, to the point of making it a fundamental concept. For Lacan, the matter was not closed, even if many considered it to be so at the time. 

In order to demonstrate the hypothesis of the unconscious, one must go by way of words, for “the unconscious does not have a body except through words”[5]. And if psychoanalysis operates with words, the practice of psychoanalysis consists of knowing how. 

All words? Of course not, since it is a matter of reducing what is presented as a continuous torrent of words – one that psychoanalysts invite from those to whom they listen. The unconscious is not this mass of words, of signifiers, even if, at the start, Lacan proposes the aphorism that it is structured like a language. 

While Freud himself approached the question of the unconscious only with reference to the play of the signifier, he made room for its specific formations: dreams, parapraxes, jokes, forgetting, even symptoms. What is striking is that these formations appear in the form of a failure, rupture, stumbling, fault, or “discovery” [trouvaille][6] – in short, a discontinuity. And it is there that Freud went in search of the unconscious.

Does this mean that this discontinuity linked to the formations of the unconscious occurs against a background of continuity? No, for Lacan points out that this would be to postulate a sort of one that is anterior to discontinuity. In 1964, when he questioned this concept of the unconscious anew, he insisted that his teaching is to put an end to the “mirage to which is attached the reference to the enveloping psyche, a sort of double of the organism in which this false unit is thought to reside”[7]. 

However, this mirage constantly returns. One only has to listen to what gets put about in the media to realise that this is what is generally believed. One thus hears psychoanalysts – so-called psychoanalysts – expressing themselves here, there and everywhere, who conceive of the unconscious as a closed space, indeed as an organ that must be penetrated by suggestion, giving it sense, or even, if they are so-inclined, as mapped out by cerebral imaging. In this way preference is given to matter, to the imaginary consistency, to what claims to be scientific – in other words, to what is supposedly proven. 

This is far from “the one of the split, of the stroke, of rupture” [8], namely from “the one that is (…) the Un of the Unbewusste[9], a term that designates the Freudian unconscious and that Lacan translates as “une-bévue[10], as one-slip, a translation that makes the ambiguity between unconscious [inconscient] and unconsciousness [inconscience] disappear.

The dream constitutes a slip [une bévue], just like the other formations of the unconscious. Yet, “A dream is not ‘the unconscious’”[11], wrote Freud with regard to the dream material that the young homosexual woman brought to him in order to trick him and continue to defy her father. The desire to trick is what is realised here, not the desire to love men.

Thus, with the une-bévue that forms part of the title of his 1976-77 Seminar, L’insu-que-sait de l’une-bévue, Lacan is introducing something that goes beyond the unconscious. He had already, the year before, distinguished the Freudian unconscious from the one he elaborated with the sinthome, declaring it was “a matter of situating what the sinthome has to do with the real, the real of the unconscious, should the unconscious indeed prove to be real”. And he adds that the unconscious partakes of an equivocation between the real and the imaginary[12]. In other words, to grasp what the unconscious is, we may be obliged to pass via the symbolic but we cannot reduce it to this. And Lacan then underlines that “the use of the cut in relation to the symbolic, risks provoking, at the end of a psychoanalysis, a preference given wholly to the unconscious”[13].

Hence the notion of the hole [trou], already present in the trou-vaille, which he creates with his Borromean Knot – in other words, by knotting the symbolic, imaginary and real, without any one of the three dimensions taking on more importance than the two others. It is this hole that he maintains until the end, as in 1980 when he writes: “To elaborate the unconscious, as one does in analysis, is nothing but to produce a hole there.”[14]

But this can be forgotten. Hasn’t the unconscious already closed itself up against Freud’s message, thanks to the practice of generations of analysts who came after him, a practice that stitches up the opening of the unconscious, which, Lacan says, he never re-opens without great care?[15] 

A short time ago, Jacques-Alain Miller also remarked that, “Psychoanalysts pay for their status by forgetting what creates them”[16]. And he continued, “Once they have established themselves, and at best, once they have grasped their singularity, they take the unconscious to be a matter of semblance, elaborating the unconscious not seeming for them sufficient criteria for being an analyst”[17]. 

So, our chosen title, “About the Unconscious”, indicates this hole around which the formations of the unconscious are produced, formations which must vary with the elaboration, the elucidation of the unconscious. A dream at the start of analysis will not be of the same order as one at its end. It will therefore be a matter of questioning the formations of the unconscious in psychoanalytic treatments, their place as well as their interpretation, and in this way putting the emphasis on the reading that psychoanalysts make of them based on the conception that they have constructed of the unconscious today.

Lilia Mahjoub
President of the NLS

 
Translated by Philip Dravers
 

[1] Lacan, J., My Teaching, trans. D. Macey, London, Verso, 2008, p.7.
[2] Ibid.
[3] Ibid.
[4] [TN: “Paradoxes de Lacan” is the name of the short series of French texts that the original version of Mon Enseignement (Paris, Seuil, October 2005) appears within. Jacques-Alain Miller refers to it in his preface to the French edition on p. 8.]
[5] Lacan, J., « Propos sur l’hystérie », Quarto n°2, supplement to the Lettre Mensuelle of the École de la Cause freudienne in Brussells, 1981, p. 6.,
[6] Lacan, J., The Seminar, Book XI, The Four Fundamental Concepts of Psychoanalysis, London/New York, W.W. Norton, 1998, p. 25.
[7] Ibid., p. 26.
[8] Ibid. [TN: It is worth noting that the original French here is: “le un de la feinte, du trait, de rupture”.]
[9] Ibid.
[10] Lacan, J., L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre, Séminaire 1976-1977, Ornicar ? n° 12/13, Paris, décembre 1977, p. 5.
[11] Freud, S., “A Case of Homosexuality in a Woman”, SE 18, p.165.
[12] Cf. Lacan, J. The Seminar, Book XXIII, The Sinthome, trans. A. R. Price, Cambridge, Polity, 2016, 84.
[13] Lacan, J., L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre, op. cit., p. 15.
[14] Lacan, J., Lettre pour la Cause freudienne du 23 octobre 1980, published by the École de la Cause freudienne with the Directory, 1982, p. 92.
[15] Cf. Lacan, J. “The Seminar, Book XI, The Four Fundamental Concepts of Psychoanalysis”, op. cit. p. 23.
[16] Miller, J.-A., Choses de finesse en psychanalyse, Cours « L’orientation lacanienne » du 19 novembre 2008, on le site de l’École de la Cause freudienne : http://www.causefreudienne.net/wp-content/uploads/2014/08/Choses-de-finesse-II.pdf
[17] Ibid.

 

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