Les clocheries de l’inconscient
« Il n’y a pas de formation de l’analyste,
il n’y a que des formations de l’inconscient. »1
À la veille des journées de l’ecf, intitulées Comment on devient psychanalyste à l’orée du xxie siècle, l’acf-idf poursuit son travail de préparation le samedi 19 septembre 2009 à l’Université Chicago, à Paris.
La première après-midi consacrée aux Destins du transfert et aux incidences du contrôle fut l’occasion pour les Bureaux de ville Oise-Marne et Marne-Essone de faire écho de leurs travaux. Ce work in progress, à l’aune de l’analyse de chacun, nous a mené du lien transférentiel au transfert de travail, de l’exercice à tâtons à la pratique sous contrôle, du transfert dans la psychose au sujet supposé savoir…
Lors de la seconde après-midi, nous prolongerons cette série de recherches sur la particularité du savoir dans l’expérience analytique pris dans les rets du sujet supposé savoir et de l’amour de transfert. Ce rapport au savoir qui ne s’inaugure que du un par un dans le dispositif de la cure, se fonde sur ce qui cloche chez l’être parlant. Nous nous orienterons donc de la clocherie, celle de l’inconscient.
Ce qui cloche, c’est ce qui ne va pas, ce qui ne tourne pas rond. C’est le petit détail qui fait qu’une certaine harmonie trouve son point de déséquilibre. On se prend les pieds dans le tapis… D’ailleurs, en tapisserie, on reconnaît un ouvrage à points noués, fait main, à ce petit détail qui cloche et qui en fait une pièce unique, contrairement aux tapis parfaitement similaires de l’industrie.
L’occurrence clocherie, ne se retrouve que dans le Thésor de la langue françoyse (1606) de Jean Nicot,2 définit comme « sonnerie et tintamarre de cloches ». Du reste, il en est de la position de l’analyste de faire résonner l’inconscient d’un analysant dans le brouhaha de son discours.
La langue française abandonnera le terme clocherie qui sera remis au goût du jour, dans le sens de boiterie, par Lacan au cours de la seconde leçon du Livre xi. Comme il remet à jour « l’inconscient freudien refermé sur son message, […] oublié »3, ainsi que Freud l’avait prévu, par les postfreudiens, « orthopédeutes [qui] suturent cette béance »4. Thématique on ne peut plus en vogue à l’époque du modèle biopsychosocial ; fanatisme de la courbe dite en cloche… celle de Gauss.
Pour nous, il s’agit de considérer ce gap chez le parlêtre. « Il y a trou et quelque chose qui vient osciller dans l’intervalle. Bref, il n’y a de cause que ce qui cloche »5 nous dit Lacan. Béance structurale qui fait « [qu’] entre la cause et ce qu’elle affecte, il y a toujours la clocherie ». C’est à ce point qu’il situe l’inconscient forgé par Freud. Achoppement, défaillance, fêlure, trébuchement, ratage, discontinuité, vacillation, rupture c’est là que Freud va chercher l’inconscient. Et Lacan de rajouter : « ce qui se produit dans cette béance, au sens plein du terme se produire, se présente comme la trouvaille, […] la surprise, […] ce par quoi le sujet se sent dépassé » 6 mais qu’il attendait. Cette solution est « retrouvaille [et] toujours prête à se dérober à nouveau, instaurant la dimension de la perte »7, du manque fondamental. Mais l’absence n’est pas le fond. C’est la rupture qui fait tinter, sonner, résonner l’absence « comme le cri non pas se profile sur fond de silence, mais au contraire le fait surgir comme silence. »8
Comment à partir des clocheries de l’inconscient, à partir des failles manifestées par les formations de l’inconscient, un analysant peut faire état de son rapport à l’inconscient et de ses élaborations ? Comment, de ce savoir particulier acquis, tire-t-il les conséquences dans une pratique éventuelle, sachant que sa clocherie est singulière et irréductible ? C’est ce que nous tenterons de faire résonner.
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